Le pasteur Anatole Banga estime que la situation du pays s’est améliorée, mais que le temps de la justice sera long.
Fin 2013, le témoignage du pasteur Anatole Banga sur la situation en Centrafrique avait alimenté le rapport de l'ONG Human Rights Watch sur lequel l'ONU s'était appuyé pour déclencher l'intervention de la France - l'opération Sangaris. Coordonnateur d'une plateforme interreligieuse entre catholiques, évangéliques et musulmans, il fait le point.
"Sud Ouest". La paix est-elle revenue en Centrafrique, plus d'un an après Sangaris ?
Anatole Banga. Les braquages ont diminué, il y a moins d'attaques dans l'arrière-pays. On ne peut pas dire que la paix est revenue, mais il y a une amélioration. Maintenant, il reste des endroits difficiles dans le Nord.
Beaucoup de rebelles armés qui ont été bombardés ont fui dans la forêt, on ne les maîtrise pas. Il a été exigé que les combattants étrangers quittent la Centrafrique. Cela veut dire qu'ils sont encore là, dans les bastions du Nord où les combattants musulmans se sont retirés.
Selon vous, ce n'est pas un conflit religieux. Pourquoi ?
Ce conflit est un problème politique que l'on a voulu transférer sur le plan religieux. La plupart de nos compatriotes musulmans se disaient marginalisés, c'est à partir de cela qu'ils ont constitué leur rébellion.
Leur objectif était la prise du pouvoir, ce qui n'est pas une question religieuse.
Les politiques ont présenté cela comme une affaire de religion pour dresser les gens contre les rebelles. Les Séléka sont des milices constituées à 98 % de musulmans, avec des mercenaires soudanais ou tchadiens. En 2012, leur but était de prendre le contrôle du pays, mais ils n'avaient pas d'agenda politique.
Ils ont alors détruit ce qui symbolisait l'État : mairies, écoles, églises. La communauté internationale ne réagissait pas. On tuait des gens, le fleuve charriait des cadavres, il y avait des charniers, mais les missions Fomac, puis Misca ne bougeaient pas. La population était exaspérée, c'est ce qui a fait naître les groupes d'autodéfense, les anti-balaka.
C'est bien un affrontement entre chrétiens et musulmans…
Les anti-balaka ne sont pas des milices chrétiennes. Il y a des chrétiens parmi eux, mais aucune Église n'a poussé à leur formation.
Je suis intervenu à la radio pour dire que prendre les armes n'est pas la bonne méthode. Ce n'est pas la lutte de groupes chrétiens contre des musulmans, c'est la réaction d'une population exaspérée.
Malheureusement, il y a eu des excès, les anti-balaka ont confondu ivresse et soif. Mais s'ils s'attaquent aux églises, comme les Séléka l'avaient fait, c'est que ce ne sont pas des milices religieuses.
L'opération Sangaris a-t-elle porté ses fruits ?
Elle a aidé à calmer les choses, mais nous avons parfois constaté que la force d'interposition n'intervenait pas face à des exactions. Ce qui a beaucoup aidé, ce sont les efforts de médiation entre factions armées. Les religieux, le gouvernement et la communauté internationale les ont poussées à discuter. C'est très difficile, car il faut se réconcilier et accepter que la justice prendra du temps. Au Rwanda, il a fallu vingt ans.
Aujourd'hui, le Premier ministre est musulman, mais tous les Séléka ne le reconnaissent pas car il a été imposé par la communauté internationale. Les balaka, eux, ont été limogés du gouvernement car certains continuaient la violence. Tous se voient perdants. Mais je garde espoir car les groupes armés ont signé des accords pour cesser les hostilités.