Certes, le Centrafrique a encore l’allure d’une galère, d’un navire propulsé et maintenu en course par la force d’esclaves sous les coups du maître, mais aujourd’hui, parlons donc des pirogues!
Est-il besoin de rappeler les traditionnelles courses de pirogues qui se tenaient sur le majestueux Oubangui dans les années de paix ?
Qui ne se souvient pas de la beauté de ces embarcations, de la diversité des couleurs, de la force démontrée, de la perfection des techniques employées, de l’énergie déployée par tout un chacun, oui, de la nyak du Centrafricain à soigner chaque coup de pagaie pour bien faire avancer sa pirogue et franchir la ligne d’arrivée en vainqueur ?
Si la RCA était une pirogue, une seule même grande pirogue, qui prendrait part à une régate qui se courrait non pas, cette fois, entre des équipes d’un même pays, mais entre les 234 participants que sont les pays sur cette planète terre ?!
Je vous invite à fermer les yeux pour imaginer et visualiser cette image. Vous y êtes ?
Qu’adviendrait-il d’une pirogue « Centrafrique » dans une telle compétition ?
Dans l’état actuel des choses, il est évident qu’elle n’avancerait pas, fort probable aussi qu’elle chavirerait, et envisageable également qu’elle coulerait.
Les membres de l’équipage se regardent et disent « à qui la faute » ? Il ne se trouve actuellement aucun arbitre en mesure de le déterminer.
Bien sûr, me direz-vous, il faut un bon barreur qui détermine la course et un bon homme de nage qui donne la bonne cadence. Effectivement, le choix du barreur et de l’homme de nage est déterminant. Leur aptitude doit être mise à l’épreuve avant la course, pendant l’entraînement.
Pour la grande course, quels rameurs seraient assez fous pour confier la barre de la pirogue à un barreur qui l’a déjà menée dans les roseaux ou contre les rochers, et quels rameurs seraient assez fous pour confier la cadence à un homme de nage qui lui aurait déjà fait franchir en dernier la ligne d’arrivée ?
Et si, pendant la course, le barreur qui dirige la pirogue passait par-dessus bord, et si l’homme de nage chargé de donner la cadence passait par-dessus bord, ils seraient remplacés par d’autres rameurs et le reste de l’équipage ne laisseraient en aucun cas la pirogue dériver ; il continuerait de s’appliquer pour s’assurer que la pirogue ne chavire pas et qu’elle franchisse la ligne d’arrivée.
Qu’advient-il d’une pirogue dans laquelle, déjà pendant l’entraînement, le barreur et d’autres rameurs percent des trous dans le fond ? Elle prend l’eau et elle coule.
Qu’advient-il d’une pirogue dans laquelle les rameurs gigotent et ne s’accordent pas à maintenir l’équilibre ? Elle tangue un moment, puis elle chavire.
Qu’advient-il d’une pirogue quand les coups de pagaies vont dans tous les sens, non, pire encore, les uns contre les autres ? Elle tangue et peine à atteindre la ligne d’arrivée.
La compétition dont je vous parle est lancée depuis bien des années et la grande pirogue « Centrafrique » a bien des longueurs à rattraper.
Cette grande pirogue, dans laquelle se tiennent tous les Centrafricains, dans leur multitude ethnique et confessionnelle, est d’une beauté sans égale.
Dans toute sa diversité, l’équipage est fort et capable. Il est capable aussi de bien pagayer.
La grande pirogue « Centrafrique » a besoin d’équilibre, oui, de paix pour continuer la course.
Pour atteindre et maintenir cet équilibre, la position, la posture de chaque rameur est déterminante. Même si les rameurs ont tendance à attribuer la responsabilité d’un échec au barreur ou à l’homme de nage ; ils doivent comprendre qu’elle incombe, en fait, à chacun des membres de l’équipage. Aussi appartient-il à chacun de se tenir bien droit. Aucun geste déplacé n’est moins important qu’un autre. Aucun coup de pagaie de travers n’est moins néfaste qu’un autre. A tous les niveaux, tous impactent la course de la pirogue et sont déterminants pour sa progression dans la compétition.
Allons-nous trouver l’équilibre et adopter de bons coups de pagaie synchronisés pour la faire avancer, cette pirogue « Centrafrique » ?
Danielle Mbari