Le forum de Brazzaville contesté au départ s’est finalement ouvert ce matin dans la capitale de la République congolaise. La cheffe de l’État centrafricain, Mme Catherine Samba-Panza a présenté sa vision et ses attentes sur cette rencontre dans un discours que Centrafrique Libre publie ici. Brazzaville, 21 juillet 2014
Excellence Monsieur Denis SASSOU NGUESSO, Président de la République du Congo, Médiateur International de la crise Centrafricaine,
Messieurs les Chefs des délégations,
Monsieur le Représentant du Président en exercice de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale (CEEAC),
Monsieur le Représentant du Président en exercice de la Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs (CIRGL),
Monsieur le Président de la Commission CEMAC,
Monsieur le Vice Médiateur, Représentant du Secrétaire Général des Nations Unies, Monsieur le Vice Médiateur, Représentant la Commission de l’Union Africaine,
Monsieur le Secrétaire Général de la CEEAC,
Monsieur le Premier Ministre, Chef du Gouvernement de la République Centrafricaine, Mesdames, Messieurs les membres du Gouvernement de la République du Congo, Mesdames, Messieurs les Ambassadeurs et Représentants des Organisations Internationales, Distinguées Personnalités,
Mesdames, Messieurs,
Une fois de plus la communauté internationale se mobilise au chevet de la République Centrafricaine. En effet, suite à la concertation des Chefs d’Etat et de Gouvernement de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale (CEEAC) qui s’est tenue, en marge de la 23eme session ordinaire du Sommet de l’Union Africaine le 27 juin 2014 à Malabo et aux conclusions des travaux de la 5eme réunion du Groupe International de Contact sur la République Centrafricaine qui a eu lieu à Addis Abéba le 7 juillet 2014, Brazzaville, capitale de la République du Congo, a été choisie pour abriter le forum pour la réconciliation nationale et le dialogue politique inter-centrafricain.
Nous voici donc à Brazzaville suite à l’aimable invitation du Médiateur, le Président Denis SASSOU NGUESSO, qui a la lourde mission d’aider les Centrafricains à reprendre, en terrain neutre, le chemin du dialogue en vue de la conclusion d’un accord de cessation des hostilités et d’un accord de désarmement, première étape du processus politique de dialogue et de réconciliation en République Centrafricaine.
A cet effet, je voudrais tout d’abord remercier Son Excellence Denis SASSOU NGUESSO, le Gouvernement et le peuple frère du Congo non seulement pour la célérité avec laquelle ce forum a été organisé mais aussi pour l’accueil chaleureux et fraternel dont ma délégation et moi-même ainsi que les forces vives de la nation centrafricaine ici présentes faisons l’objet depuis notre arrivée en terre congolaise.
Je voudrais ensuite saisir cette occasion pour saluer la mise en place de la médiation internationale sous l’autorité du Médiateur de la CEEAC dans la crise centrafricaine, le Président Denis SASSOU NGUESSO et dans le même temps remercier Monsieur Ban KI-MOON, Secrétaire Général des Nations- Unies et le Dr Nklosama Zuma, Présidente de la Commission de l’Union Africaine pour la désignation de Messieurs Abdoulaye BATILI et Boubey MAÎGA en qualité de Vice Médiateur représentants respectivement les Nations- Unies et l’ Union Africaine qui, aussitôt se sont mis à pieds d’œuvre.
Mes remerciements s’adressent également aux différents représentants de la Communauté Internationale qui ont fait le déplacement de Brazzaville pour prendre part aux présentes assises. Leur présence parmi nous est la preuve, s’il en est besoin, de l’implication et de l’engagement constant de la communauté Internationale dans la résolution de la longue crise que traverse mon pays, la République Centrafricaine.
Monsieur le Président de la République, Distingués invités,
Mesdames, Messieurs,
En venant ici, tous les participants au Forum de Brazzaville à savoir les autorités et les institutions de la transition, les groupes armés, les partis et associations politiques, les personnalités politiques indépendantes, la société civile, les syndicats, la plateforme des confessions religieuses, la diaspora, la presse privée ainsi que la communauté internationale ont conscience que le peuple centrafricain a assez payé le lourd tribu des crises récurrentes que vit la République Centrafricaine depuis plusieurs années.
La fragilité persistante de la situation sécuritaire et les actes de violence perpétrés par les groupes armés contre les populations civiles sont de nature à compromettre les efforts de paix. Les fortes tensions découlant des affrontements entre groupes armés pour le contrôle de ressources dans l’Ouest du pays et les difficultés rencontrées dans l’application des mesures de confiance à l’Est par les groupes armés qui y sont actifs doivent nous interpeller tous.
Le moment est donc venu d’arrêter les hostilités, les destructions, l’enrôlement des enfants mineurs dans la rébellion et les violences faites à nos paisibles populations. Le moment est venu d’arrêter les exactions de toutes sortes, de faciliter le retour des déplacés chez eux, de passer au réapprentissage du vivre ensemble, d’enclencher le processus de réconciliation nationale et la dynamique de relèvement du pays.
Car si la sécurité ne revient pas, si nous n’avons pas la paix, si le vivre-ensemble à la base n’est pas assuré, quel dialogue politique pourrions-nous engager ?
Monsieur le Président de la République, Distingués invités,
Mesdames, Messieurs,
La réconciliation nationale et le dialogue politique que tout le monde appelle de ses vœux figurent dans la feuille de route de la transition tracée à Ndjamena par les Chefs d’Etat et de Gouvernement de la CEEAC. Et j’ai fait du rassemblement et de la réconciliation des centrafricains la priorité absolue de mon action depuis mon accession aux commandes de l’Etat car j’ai tout de suite perçu que la haine, les rancœurs et la peur de l’autre sont profondément ancrés en nous. Déjà, dans ma profession de foi et ensuite à travers les actes que j’ai posés jusque là, j’ai affirmé mon ferme engagement en faveur du dialogue permanent, de la paix et de la gestion inclusive de la transition. Mes premières paroles à la Nation centrafricaine meurtrie ont été un appel lancé à mes compatriotes pour enclencher sans tarder une dynamique de paix qui puisse préserver le pays du chaos total.
Mes premiers appels lancés à mes enfants anti balakas et ex seleka pour déposer les armes auraient fait sourire des prétendus analystes politiques de la crise centrafricaine qui auraient considéré cet appel comme le cri de cœur d’une femme en mal d’expérience politique. En fait, j’avais très tôt compris que c’est par l’arrêt des hostilités, la tolérance, le dialogue et la réconciliation nationale que nous parviendrons à une véritable cohésion sociale dans notre pays. J’avais très tôt compris qu’il nous fallait analyser, comprendre et dépasser nos contradictions et reconquérir l’unité de notre nation au-delà des différences confessionnelles, ethniques ou tribales. Aussi, dès le début de la transition, le Gouvernement a lancé un processus global de réconciliation qui est axé sur :
- Le dialogue politique au sommet destiné à aplanir les divergences et sortir des violences armées,
- La lutte contre l’impunité pour rendre justice aux victimes et renforcer l’autorité de l’Etat,
- Laréconciliationàlabaseentretouslescitoyensafindepromouvoirlacohésionsociale
mise à mal par la gravité de la crise.
Le forum qui s’ouvre aujourd’hui est une étape capitale de ce processus de dialogue politique et de réconciliation entre les filles et les fils de Centrafrique. Il s’agit de réunir tous les acteurs de la crise centrafricaine autour d’une table pour se parler et dépasser les clivages dans le double objectif de convenir à une cessation des hostilités et d’accepter un désarmement négocié de toutes les milices et des groupes armés.
Du résultat de ce forum et surtout du respect des accords qui en découleront dépendra la mise en œuvre d’autres actions qui ont été prévues dans le cadre de la réconciliation nationale à savoir le dialogue inter communautaire à la base, les concertations au niveau des préfectures et enfin le forum élargi à Bangui.
Aujourd’hui, si la paix et la sécurité tardent à être restaurées en République Centrafricaine, en dépit des efforts déployés par les forces internationales de la MISCA, de Sangaris et de l’EUFOR et par les autorités de la Transition, c’est principalement à cause des violences, des crimes et des violations massives des droits humains que continuent de perpétrer les bandes armées sur toutes l’étendue de notre territoire national rendant ainsi difficile toute possibilité de relance et de développement économiques du pays mais aussi de la poursuite de la transition de manière apaisée.
Il est grand temps de déposer les armes et d’appeler tous les acteurs de la crise actuelle à s’engager dans la voie de résolution pacifique et politique de nos problèmes afin de permettre à notre pays de retrouver la paix et la stabilité.
Je me réjouis d’ailleurs de ce que dans l’une de ses conclusions, le Groupe International de Contact sur la République Centrafricaine, tout en exhortant les acteurs centrafricains à privilégier l’intérêt supérieur de la nation au dessus des considérations partisanes ait durci le ton en exigeant l’application des sanctions individuelles prévues dans le cadre de la résolution 2134 du Conseil de Sécurité des Nations- Unies à l’endroit des fauteurs de troubles.
Mes Chers compatriotes,
Après moult tergiversations et hésitations, en décidant majoritairement de participer à ce forum, vous venez de démontrer une fois de plus la volonté du peuple centrafricain tout entier à tourner la page sombre de notre histoire et son aspiration à la paix et la sécurité. Je ne doute pas qu’au cours de ce forum, vous saurez dialoguer dans un esprit républicain de tolérance, de responsabilité, de confiance mutuelle et de compromis en vue de la conclusion d’accord acceptable par tous dans l’intérêt supérieur de notre pays.
Au cours des travaux du Comité préparatoire, les obstacles à l’application des précédents accords ont été clairement identifiés et concernent l’amnistie générale et systématique, l’absence de mesures contraignantes, l’absence de mécanisme de gestion des ressources allouées au suivi et la prime à l’impunité sous diverses formes. Des dispositions doivent être prévues afin que les accords qui seront signés à Brazzaville ne connaissent pas le même sort que les précédents.
Mes Chers compatriotes,
La concertation de Brazzaville donne une chance à la République Centrafricaine de se reconstruire durablement et sur de nouvelles bases.
La concertation de Brazzaville donne surtout une chance aux centrafricains de désarmer leurs esprits et leurs cœurs endurcis par la haine et la vengeance.
C’est pourquoi, je place sous le signe de l’espérance et du compromis les travaux de ce forum de réconciliation et de dialogue politique qui regroupe les entités nationales concernées par la crise, sans exclusive.
A la sortie de Brazzaville, des actes politiques majeurs seront posés par les autorités de la transition, démontrant notre ferme détermination à conduire la transition de manière consensuelle et inclusive, en tenant compte de toutes les sensibilités géographiques, politiques, communautaires et sociales de notre pays.
Les acteurs politiques nationaux devront également s’engager davantage et sincèrement, à accompagner à son terme la transition de manière apaisée.
Des efforts plus soutenus seront entrepris pour la réalisation d’avancées beaucoup plus rapides sur les différents aspects de la Feuille de route. Notamment en ce qui concerne la restauration de la sécurité et de l’ordre public, l’administration judiciaire, la préparation des élections devant couronner la fin de la transition, la réorganisation des Forces de défense et de sécurité, la mise en œuvre des processus de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR) et de réforme du secteur de la sécurité (RSS), ainsi que les réformes économiques requises.
Monsieur le Président de la République, Distingués invités,
Mesdames, Messieurs,
Avant de finir, permettez-moi de féliciter le rôle continu de la région, comme en témoignent le Sommet tripartite Angola-Tchad-République du Congo,
tenu à Luanda, le 6 juin 2014, la Concertation entre les chefs d’État et de Gouvernement de la CEEAC, tenue à Malabo, le 27 juin 2014, en marge du 23ème Sommet ordinaire de l’Union Africaine, ainsi que le soutien financier que les pays de la région continuent à apporter à la République Centrafricaine.
Pour terminer, je réitère à l’endroit de son Excellence Dénis SASSOU NGUESSO, Président de la République du Congo et Médiateur de la crise centrafricaine, des chefs d’Etat de la CEEAC, de la communauté internationale ici représentée notamment les Nations- Unies, l’Union Européenne, l’Union Africaine, le G8-RCA, la France et les Etats- Unis d’ Amérique mes sentiments de gratitude pour l’accompagnement et leurs soutiens constants en faveur de la sécurisation et la stabilisation de la République Centrafricaine.
Je vous remercie.