Diaspora Magazine/ Dès le lendemain de son retour au pays, après avoir séjourné en Amérique, précisément à Washington , Christian Touaboy, Directeur National de campagne du Mouvement de Libération du Peuple Centrafricain (MLPC) a accordé, le 9 juillet dernier, une interview à Diaspora Magazine sur la mobilisation des militants dudit parti dans le but d’amener leur candidat Martin Ziguélé à accéder à la magistrature suprême de l’Etat.
Diaspora Magazine : Monsieur le Directeur National de campagne, bonjour !
Christian Touaboy : Bonjour !
Voulez- vous vous présentez à ceux qui ne vous connaissent pas ?
Je suis Christian Touaboy. J’ai été pendant presque deux ans, porte-parole du président Ziguélé et je suis présentement Directeur national de campagne du MLPC.
Comment se porte le parti MLPC à l’approche des élections ?
Le MLPC reste et demeure le plus grand parti centrafricain. Ça ! Je sais que vous le savez et le peuple centrafricain le sait. Cela s’est démontré lors de notre dernière assemblée générale où l’on a porté le camarade président Ziguélé à la tête du parti pour nous représenter aux élections. Théoriquement, je ne vois pas le problème. Le véritable problème en Centrafrique c’est de savoir, après ces élections, quelle sera la seconde formation politique ? Nous restons et demeurons premier pour l’instant.
Vous êtes absent du pays depuis un certain temps. Les choses ont changé, certes. Quel regard portez-vous sur le climat politique en RCA ?
J’ai toujours eu du mal à comprendre lorsqu’on parle d’être absent du pays. Il y a bien des spécialistes de Centrafrique qui vivent en France et qui écrivent des livres sur la RCA. Je suis centrafricain, la question ne se pose même pas car j’étais là en novembre dernier. Je ne sais pas si vous le savez mais j’écrivais régulièrement sur la RCA. Donc, mon absence était peut être physique mais elle n’a jamais été intellectuelle ou morale. J’ai toujours été là d’une façon ou d’une autre. Donc, cette question n’a pas sa raison d’être.
Etre Directeur national de campagne d’un grand parti comme le MLPC n’est pas une lourde charge ?
Non ! Le président David Dacko était président à 28 ans. Martin Ziguélé était Premier ministre à 44 ans. Je ne cesse de le répéter aux gens. Je ne vois pas ce qu’il y a d’extraordinaire dedans. Généralement, dans les pays biens, on finit ses études entre 20-24 ans. On a généralement les diplômes et on se lance dans la vie. Fabius avait une trentaine d’années lorsqu’il était Premier ministre de France. Il a mené à bien sa mission. C’est une charge qui est lourde, je l’assume avec humilité mais je répète que je suis prêt.
Nous sommes à l’approche des élections. Le MLPC a-t-il toujours sa force de mobilisation ?
Je ne sais pas si vous étiez à l’aéroport à mon arrivée, mais il y avait une bonne centaine ou plus de militants qui sont venus me chercher. Cela démontre un peu du caractère mobilisateur du MLPC. Aujourd’hui, nous savons qui va gagner les élections. Le MLPC, comme je vous l’ai déjà dit, reste et demeure le premier parti centrafricain et je vais vous faire une confidence : Etant Directeur National de Campagne, le choix se pose à moi. Est-ce que nous allons accepter une victoire au premier tour ou bien nous allons concéder au second tour ? Le véritable problème est là mais non celui de savoir qui va gagner les élections ? Le problème sera de savoir qui sera le deuxième. Pour vous donner une idée simple, il y a aujourd’hui dans la capitale une formation politique qui a son congrès. Mais vous êtes ici avec moi, ce qu’il y a problème. Vous ne constatez pas ? Il y a un parti politique qui est supposée étouffer le MLPC et qui a son congrès aujourd’hui en Centrafrique, mais personne ne le sait.
La date du vote des candidats a été reportée. Pensez-vous qu’il y aura beaucoup d’électeurs pour ces élections tant attendues ?
Le peuple centrafricain sort d’une crise qui ne dit pas son nom. Certains évoquent même le chiffre de dix mille morts. Même si c’est un peu en deçà, mais on sort d’une crise qui était presque existentielle pour nous. Il y a ceux qui disaient, il y a ceux qui pensaient déjà du pays et ceux qui pensaient déjà reprendre le pouvoir. Et lorsque vous sortez d’une crise comme ça, généralement c’est vrai que le taux de participation aux élections est assez bas et c’est normal. C’est aux politiques de pousser. C’est à notre parti de pousser. Donc, nous poussons les choses et nous avons des éclaircis. C’est vrai qu’il y a certains quartiers dans lesquels nous n’avons pas beaucoup de participations mais dans l’ensemble, la participation est raisonnable pour un pays qui sort d’une crise de cette envergure-là.
Comment allez-vous faire pour convaincre les militants de l’arrière pays et ceux de la diaspora ?
Nos militants sont prêts. Si ce sont les militants du MLPC, ils sont prêts. Nous avons cette capacité de mobilisation. Je disais à un ami à Washington quelques mois avant que je vienne ici que ces élections vont se jouer sur la structure même des partis politiques. Prenez un parti politique normal. Aujourd’hui on crée un parti politique à six mois des élections. Il va falloir aller dans l’arrière pays pour poser les bases. Nous, par contre, n’avons pas besoin de cela. Il nous suffit de prendre un téléphone, d’appeler pour qu’on ait 100, 200…3000 militants. Donc, on n’a pas ce problème là. Nos militants nous attendent. De toute façon vous serez dans l’équipe de campagne et vous verrez de vos propres yeux.
Aujourd’hui, on dit aux centrafricains d’aller aux élections mais on ne parle pas du désarmement. Qu’en pensez-vous ?
Je pense que dans tout ce que l’on fait dans la vie il y a toujours des exemples. Les maliens sont allés aux élections avec la moitié du pays qui était sous la coupe d’une bande armée. Personne ne s’est plaint. Aujourd’hui, pour parler de la spécificité centrafricaine, je vais vous dire ceci : « S’il y a eu des cérémonies où les antibalaka ont déposé les armes, je ne vois pas pourquoi on n’irait pas voter. Ces armes ont toujours existé dans le pays depuis 1993. Donc, pour moi la notion de désarmement est un faux semblant. Tant que les groupes armés le veulent, nous irons aux élections. Il n’y a pas de souci à cela ».
Quelles seront vos priorités si le MLPC accédait au pouvoir ?
Vous savez ! On est dans un pays où toute chose est une priorité : les routes, les hôpitaux, les écoles et même, à un niveau beaucoup plus philosophique, même le vivre ensemble est une priorité. Il faut réapprendre aux centrafricains à s’aimer les uns et les autres. Le chantier est vaste.
Votre dernier mot.
Mon dernier mot est d’abord d’appeler les centrafricains à aller s’inscrire. Il est important pour les jeunes d’aller s’inscrire. Je crois que, comme disait Platon : « Celui qui ne vote pas prend le risque de se faire diriger par le plus idiot que lui ou bien de se faire diriger par quelqu’un qu’il n’aime pas ». Si vous voulez quelqu’un que vous aimez, si vous voulez quelqu’un que vous estimez, si vous voulez que votre candidat gagne la première étape, il faut vous inscrire dans la liste électorale.
La seconde est de dire aux jeunes centrafricains de faire attention au tribalisme. Je le disais dernièrement aux gens qui parlaient de près que c’est parce qu’on est d’une même ethnie et qu’on milite dans un même parti. Je pense que ce sont des considérations que je ne vais pas mâcher mes mots pour dire que c’est stupide. On est au 21e siècle et on n’a pas autre chose à faire que de juger les gens, de les cloisonner, d’essayer de les castrer et de toucher aux gens par le biais de l’ethnie ? Je crois qu’il faut laisser cela et se mettre au travail résolument. On n’a pas le choix de toute façon.
Herve Serefio