La capitale centrafricaine commence à souffrir du manque de certains produits de première nécessité, en raison du refus des camionneurs camerounais de desservir Bangui pour protester contre les attaques de groupes armés, qui ont tué l’un des leurs en juillet.
Principale voie terrestre reliant Bangui au port camerounais de Douala, la route Bangui-Garoua-Boulaï est essentielle pour les importations de la Centrafrique, pays enclavé.
Depuis plus de deux semaines, seuls les camionneurs centrafricains, escortés par des éléments de la Mission des Nations unies en Centrafrique (Minusca), font le trajet entre les deux pays.Tous les camionneurs camerounais ont cessé les activités à partir de la frontière camerounaise en direction de Bangui.
Le 18 juillet dernier, un véhicule d’un convoi escorté par les Casques bleus de la Minusca a été attaqué non loin de Baboua, à 500 km à l’ouest de Bangui.Le conducteur camerounais a été mortellement blessé, son camion pillé et "cannibalisé".
Malgré l’intervention de forces internationales (force française Sangaris et Minusca) pour faire cesser les tueries intercommunautaires de 2013 et 2014, d’entières parties du territoire sont soumises à la pression de groupes armés et au banditisme, dans le nord, l’est et l’ouest.
Les camionneurs camerounais ont ensuite "observé un arrêt de travail en même temps que les camionneurs centrafricains pour dénoncer ces exactions", explique Gilbert Yazimongo, responsable de l’Union syndicale des camionneurs centrafricains (USCC)."A la suite de l’assurance donnée par les autorités de Bangui et la Minusca, les camionneurs centrafricains ont repris".
Les Camerounais "ont exigé des dirigeants des deux pays qu’ils prennent leurs responsabilités, en adoptant des mesures appropriées avant toute reprise de leurs activités", explique Issa Ansour Mahamat, camionneur centrafricain.
Résultat, Bangui, dont la population fait partie des plus pauvres de la planète - une misère accentuée ces deux dernières années par les violences intercommunautaires qui ont déchiré le pays - connait une pénurie de produits et....une montée des prix.
"Actuellement, les prix du ciment, de la farine du blé, le lait en poudre, et biens d’autres encore commencent à grimper", constate Mireille Mazou, commerçante."Telle que se présente la situation, Bangui est au bord de l’asphyxie", dit-elle.
Vendu à 8.500 francs CFA auparavant, le sac de ciment oscille désormais entre 9.000 et 10.000 FCFA selon les lieux.Le sac de farine de blé est passé de 16.000 à 18.000 FCFA, tandis que le lait en poudre connaît une hausse de 200 à 250 FCFA (650 FCFA valent un euro).
Des augmentations qui sembleraient anodines dans un pays riche, mais qui, additionnées, et au regard du niveau de vie misérable de la population, pèsent fortement sur le quotidien.Le salaire moyen mensuel en Centrafrique est de 40 euros.
- ’Personne ne bouge’ -
"Nous n’avons pas la culture de l’approvisionnement ni des réserves.Nous vivons au jour le jour, alors que nous dépendons entièrement du port de Douala en ce qui concerne les produits de première nécessité", déplore Thierry Dangadia, étudiant.
"Même pour une aiguille, pour ne pas dire les allumettes, nous lorgnons du côté du Cameroun", ironise Albert Paké, vendeur de pain.
Et Ange Nguété, fonctionnaire, de déplorer : "C’est bizarre, tout le monde sait que les camionneurs camerounais refusent d’approvisionner Bangui, mais personne ne bouge".
"Des contacts sont établis même avec la famille de la victime de cet acte que les autorités condamnent.Et des dispositions sont prises pour que les hautes autorités des deux pays solutionnent ce problème", assure-t-on du côté du ministère des Transports.
Le renversement en mars 2013 du président François Bozizé par une rébellion à dominante musulmane, la Séléka, avait plongé cette ex-colonie française dans la plus grave crise de son histoire depuis son indépendance en 1960, déclenchant des tueries de masse entre communautés musulmanes et chrétiennes.