Le corps électoral centrafricain devrait bientôt être convoqué pour un référendum sur la Constitution du pays. En effet, le Conseil national de la Transition (CNT) de ce pays vient d’adopter un projet de nouvelle loi fondamentale qui devra être soumis au verdict des populations. La nouvelle Constitution dont veut se doter le pays, devra ouvrir de nouvelles perspectives, plus heureuses, au pays. Le moment est propice à ce genre de réformes. La Transition dans laquelle se trouve le pays, offre l’occasion de prendre les mesures idoines pour la promotion de la démocratie et d’une gouvernance vertueuse. Ce qui est très important pour un pays qui n’a pas connu de répit en termes de crises politiques, depuis son accession à l’indépendance. C’est dire combien cette période devrait être mise à profit par la République centrafricaine (RCA), pour identifier toutes les pustules sur le visage de sa gouvernance et travailler à les gommer.
La question de la pertinence de l’adoption de nouveaux textes fondamentaux ne se pose pas
Les transitions politiques sont des occasions rarissimes dans l’histoire et la vie des nations. Des occasions pour ces nations de rectifier le tir, de faire une profonde introspection et de faire en sorte que les crises du genre soient conjurées à jamais. Le succès d’une telle entreprise commande que les dirigeants surtout, prennent vraiment conscience de leurs responsabilités historiques. Avec une bonne volonté, les autorités de la Transition centrafricaine devront poser les bases d’une renaissance du pays. Il est déjà heureux de constater que la volonté d’une meilleure traque de l’impunité des parlementaires, a été exprimée dans le projet de texte constitutionnel avec la possibilité de la levée de leur immunité et celle de poursuites judiciaires en cas de flagrant délit. Toute mesure permettant de combattre l’impunité qui gangrène bien des pays africains, est à saluer. Car, l’impunité des élites politiques fait le lit de bien des crises sociopolitiques sur le continent africain.
Il y a donc nécessité de bien toiletter les textes fondamentaux du pays, de bien les verrouiller pour empêcher tout aventurier de conduire, encore à l’avenir, le pays à la catastrophe. Au total, la question de la pertinence de l’adoption de nouveaux textes fondamentaux ne se pose même pas à la RCA. Cependant, la renaissance en vue, de la Centrafrique, ne semble pas dénuée de calculs politiciens. En effet, comment comprendre que dans le projet de loi constitutionnelle, le CNT ait prévu la création d’un sénat ? Les autorités caressent-elles le rêve de se trouver un point de chute à la fin de la Transition ? Dans nos républiques de prébendes, l’intérêt général n’est pas toujours le souci premier. Tant et si bien que certaines autorités centrafricaines, qui verraient en la fin prochaine de la Transition la fin des haricots, peuvent avoir travaillé à la mise en place d’une institution de plus, aux fins de continuer à téter les mamelles de l’Etat. Alors que pour un pays pauvre sous perfusion financière comme la RCA, le souci de réduire les dépenses de l’Etat, devrait être la priorité. Qu’est-ce qu’un Sénat pourrait apporter de plus à la RCA ?
La RCA pouvait trouver le moyen de réduire sa facture électorale
Il faudra arrêter de copier la France qui, elle, a plus les moyens de sa politique institutionnelle. Encore que même dans l’Hexagone, le débat sur la pertinence d’une institution comme le Sénat, revient souvent sur la table. En tout état de cause, cette inflation institutionnelle ne saurait être la solution pour un ancrage démocratique réel. Bien au contraire, elle cache mal un mauvais fonctionnement des institutions. Il suffit que l’Assemblée nationale cesse d’être une caisse de résonnance et que le pouvoir judiciaire fasse preuve d’indépendance, pour se prémunir contre bien des travers de la gouvernance.
L’inflation institutionnelle dans certains pays se justifie moins par son intérêt que par le souci de trouver à des élites, des points de chute. Il faut plus de patriotisme aux décideurs. Il importe que chaque pays pauvre s’emploie à utiliser de façon rationnelle, ses maigres ressources. En mettant l’accent sur l’essentiel. Par ailleurs, on peut se demander pourquoi la RCA ne s’inscrit pas dans une logique de réduction des coûts, à propos de l’adoption de sa nouvelle Constitution. Le pays de Catherine Samba-Panza peut, en effet, se contenter de faire voter le projet de Constitution par son CNT, d’autant que cette institution a la légitimité requise pour le faire.
Certes, les autorités de la Transition centrafricaine peuvent faire valoir que l’onction populaire directe est capitale pour l’adoption d’une loi fondamentale, surtout dans ce pays où les clivages ethniques et religieux ont pignon sur rue. Mais, même dans ce cas de figure, la RCA pouvait trouver le moyen de réduire sa facture électorale en décidant de coupler la présidentielle à venir et le référendum. Et cela aurait l’avantage d’amoindrir son degré d’endettement vis-à-vis de ses partenaires financiers.
« Le Pays »