La Centrafrique s’achemine vers un report de la présidentielle et des législatives en raison des difficultés financières et sécuritaires rencontrées par les agents du recensement électoral dans des régions toujours en proie aux violences intercommunautaires.
Après deux précédents reports dans un pays toujours instable, les autorités de la transition ont fixé au 18 octobre le premier tour de la présidentielle et des législatives. Auparavant, le 4 octobre, doit avoir lieu un référendum sur le projet de nouvelle constitution qui vient à peine d’être adopté dimanche par le Conseil national de transition (CNT, parlement).
"Le CNT estime que l’Autorité nationale des élections et le gouvernement doivent prendre leur responsabilité pour revoir le calendrier électoral, en raison des réalités évidentes constatées", a déclaré à l’AFP Alexandre-Ferdinand Nguendet, président du parlement.
"Nous constatons avec beaucoup d’autres que les élections ne pourront se tenir à bonne date. Le 18 octobre, il n’y aura pas d’élection (...) il y a une sorte d’instabilité et de vacance qui se pointe à l’horizon", affirme Crépin Mboli-Goumba, ancien ministre, président du parti africain pour la transformation radicale et l’indépendance des Etats.
Même constatation pour Aurélien-Simplice Zingas, ancien ministre, membre du parti Kélemba: "Les dates fixées ne peuvent être tenues. Le collectif des partis politiques, associations et personnalités indépendantes souhaitent qu’un consensus puisse être trouvé sur des proposition de nouvelles dates".
"C’est totalement irréaliste voire suicidaire, que de vouloir coûte que coûte aller aux élections le 18 octobre. Les cartes d’électeurs ne sont pas disponibles, ni les urnes", déplore Grégoire Fithy, étudiant.
"C’est impossible. Beaucoup de paramètres exigent encore que certaines choses soient faites pour réajuster le processus. Donc un report est tout à fait sage", confirme Jean-Marie Koyagnilo, sociologue.
Pour le président de l’Autorité nationale des élections, Dieudonné Kombo Yaya, qui se veut optimiste, "la dynamique des élections" est toujours d’actualité mais force est de constater les difficultés. "Le retard accusé aujourd’hui dans le processus électoral est imputable en grande partie à l’insuffisance des disponibilités financières, et d’un niveau acceptable de la sécurité dans certaines régions".
L’Autorité table sur des prévisions de 1,9 million à 2,1 d’électeurs potentiels, et indique qu’elle a en déjà enregistré 900.000, dont 314.000 à Bangui.
Elle a enregistré la grande majorité des électeurs dans le sud-est, l’ouest et le nord-ouest mais pas encore dans les régions du centre, du nord, du nord-est et de l’est.
Ces régions, éloignées de Bangui, sont sous la coupe de milices et de bandits. Au moins 20 personnes ont été tuées et de nombreuses blessées au cours d’affrontements intercommunautaires qui ont éclaté le 20 août à Bambari (centre), provoquant des déplacements importants de populations.
Il reste aussi à enregistrer les centaines de milliers de réfugiés dans les pays voisins: République démocratique du Congo, Soudan, Cameroun et Tchad.
- Pas de sécurité, pas d’élections -
"S’il n’y a pas la sécurité, on ne peut parler d’élections libres, transparentes, démocratiques. Car, comment les candidats vont battre campagne dans la situation actuelle?", interroge Michèle Sanzé, membre du CNT.
Autre facteur de tension dans les semaines à venir: le nombre de postulants à la présidentielle qui ne pourront se présenter car inéligibles, la Cour constitutionnelle ayant exclu des scrutins toutes les personnalités liées au régime de transition.
Mais, pour Arthur Moyenzou, enseignant, la "triste réalité" de son pays, classés parmi les plus pauvres au monde, surpasse la question électorale: "Les gens ne voient que les élections, mais la situation du pays est catastrophique. Non seulement nous comptons encore nos morts, mais le peuple souffre. Presque tout le monde est réduit à un seul repas par jour. Et les maladies déciment hommes, femmes et enfants".
Le renversement en mars 2013 du président François Bozizé par une rébellion à dominante musulmane, la Séléka, a plongé l’ex-colonie française, déjà très instable, dans sa plus grave crise depuis son indépendance en 1960, déclenchant des tueries de masse entre communautés musulmanes et chrétiennes en 2013 et 2014, dont le pays peine toujours à se relever.