On s’achemine vers un report de la présidentielle centrafricaine. Prévue pour le 18 octobre prochain, cette élection n’a visiblement pas de chance de se tenir à bonne date. Le président du Conseil national de la Transition (CNT) centrafricaine himself, Alexandre-Ferdinand Nguendet, vient d’évoquer cette probabilité. Il embouche la même trompette que bien des personnes averties sur le sujet. La principale raison de ce report annoncé réside dans le fait que le pays n’est pas en mesure d’organiser une consultation électorale dans le contexte actuel qui est le sien. En cause notamment, le fichier électoral qui n’est pas prêt et l’insécurité qui règne encore en maîtresse dans certaines zones du pays. Ces difficultés rendent quasi impossibles toute entreprise de recensement fiable et toute campagne électorale libre.
L’Etat reste une illusion en Centrafrique
On sait en effet qu’en ce moment, l’Etat n’a quasiment aucune autorité en Centrafrique. C’est la loi des groupes armés qui règne. Le départ de tous les éléments de l’armée tchadienne, les seuls qui étaient vraiment prêts à aller au charbon pour mettre hors d’état de nuire les groupes armés et autres bandits, a été beaucoup préjudiciable au retour de la sécurité dans le pays. En rappel, les hommes de Déby, accusés de partialité entre autres, ont dû être purement et simplement rappelés au pays. L’hostilité des populations envers ces soldats de la paix, était telle qu’ils étaient vraiment en terrain ennemi. Leur départ est donc compréhensible. Mais il n’a pas résolu le problème. Loin s’en faut. Avec le départ de ces soldats aguerris, les groupes armés et autres délinquants avaient désormais devant eux, un boulevard grandement ouvert. Les violences ont continué. Toutes choses que n’ont pas pu juguler les autorités de la Transition. Conséquence, elles sont incapables de tenir les échéances fixées pour la sortie de crise.
En plus de cet échec en matière de sécurisation du pays, les autorités centrafricaines n’ont pas encore réussi à ramener au sein des populations, le goût du vivre-ensemble. Le sentiment d’appartenance à une maison commune, n’a pas pu être restauré. Les Centrafricains continuent de se regarder en chiens de faïence, les clivages ethniques et religieux restent de mise. En somme, l’Etat reste vraiment une illusion en Centrafrique. L’intérêt commun semble être le cadet des soucis des Centrafricains. On tourne en rond, on fait du surplace, à cause de l’incapacité des différents protagonistes à privilégier l’intérêt général. Les parrains des anti-balaka et de la Séléka que sont respectivement François Bozizé et Michel Djotodia, font tout pour se remettre en selle, alors que c’est par eux que le malheur est arrivé et continue de frapper le pays. A l’absence de l’Etat, s’ajoute le fait que les vieux démons sont à la porte du palais, guettant la moindre occasion pour revenir au pouvoir. Les autorités actuelles du pays craignent probablement que la fin de la Transition équivaille d’une manière ou d’une autre, à la transmission du pouvoir à ces deux monstres.
Ainsi, les conditions de tenue d’élections qualitatives ne sont vraiment pas encore réunies en RCA. Ce nouveau report de la présidentielle qui se profile à l’horizon peut donc se justifier. Seulement, il n’est pas sans poser la question du sérieux et des capacités réelles des autorités de la Transition centrafricaine. Veulent-elles vraiment que cette Transition prenne fin un jour ? La question mérite d’être posée, au regard du fait que très peu d’efforts, pour ne pas dire aucun effort notable, sont faits pour que le pays se remette sur les rails. Il n’y a qu’à voir la décision de convoquer un référendum constitutionnel avant la présidentielle que le pays a déjà du mal à organiser. Quel temps faudra-t-il à la RCA pour mobiliser les ressources pour cette nouvelle consultation électorale ? Pourquoi ne pas trouver des voies moins onéreuses pour doter le pays d’une nouvelle loi fondamentale en la votant par exemple au CNT ?
On risque de s’installer durablement dans la logique de report si rien n’est fait
On a le sentiment qu’elles sont nombreuses, les autorités centrafricaines à adorer ce surplace qui leur permet de s’embourgeoiser davantage. La Transition est perçue comme une rente viagère par certaines personnalités qui nourrissent le rêve de la voir traîner en longueur, s’éterniser. Surtout que bien des autorités au cœur de cette Transition, ne peuvent pas se mettre sur la ligne de départ des prochaines élections, selon les dispositions de la Charte constitutionnelle de Transition de la RCA. Toujours est-il qu’un nouveau report de la fin de la Transition constituerait pour bien des autorités centrafricaines, une occasion en or pour demeurer aux affaires. Cela pourrait justifier leur manque d’empressement à réunir les conditions de l’organisation des élections.
En tout état de cause, la responsabilité de créer les conditions du respect des échéances électorales incombe d’abord aux premières autorités de la RCA. Les reports successifs ne sont ni plus ni moins que la preuve de l’échec de ces autorités. Elles auront ainsi jusque-là échoué, et le plus grave c’est que rien, à l’horizon, ne permet d’espérer une amélioration de la situation sécuritaire du pays dans un avenir proche. C’est dire que l’on risque de s’installer durablement dans cette logique de report si rien n’est fait. Et si on mettait donc la RCA sous tutelle des Nations unies ? Ce ne serait pas une mauvaise chose si cela peut permettre de pacifier le pays, de lui redonner une ossature et de restaurer ses ressorts moraux cassés. Il est, en tout cas, grand temps que la communauté internationale siffle la fin de la récréation. Il faudra œuvrer à obtenir, sans plus tarder, des résultats probants comme le font actuellement les Burkinabè, résolument tournés vers la fin de leur Transition. Les Centrafricains doivent cesser de se comporter comme de grands enfants et montrer enfin un peu plus d’amour pour leur patrie.
« Le Pays »