Le professeur de Baltimore, Gaston Mandata N’GUEREKATA est de retour, place à la bataille pour la présidentielle, place à la bataille de la communication. Déjà l’on devra noter qu’il se démarque du paquebot des politicards qui balbutient la destitution des Institutions de la Transition pour quelles raisons on ne sait. Mais Gaston Mandata N’GUEREKATA ne soutient pas pour autant les Autorités actuelles qui avalent toujours mal avalé son courage politique. Entretien avec La Fraternité.
La Fraternité : Professeur Gaston Mandata N’GUEREKATA, qu’est-ce qui a justifié votre longue absence du pays au lendemain du Forum National de Bangui ?
Gaston Mandata N’GUEREKATA (GMN) : J’étais souffrant, j’ai été hospitalisé aux Etats Unis pendant près de deux mois. Maintenant que je suis convalescent, je reviens chez moi. Je remercie en effet, tous les compatriotes qui, de par ce temps où j’étais souffrant, n’ont cessé de prier pour que je sois debout. Mais retenez que je suis enfin très content d’être chez moi, ici en Centrafrique.
LF : Vous rentrez au pays à un moment où certains partis politiques exigent la démission des institutions de la transition. Et ils sont soutenus par certaines entités de la société civile. Est-ce pour vous joindre à ce mouvement ou vous aviez, quant à vous, une approche de la situation ?
GMN : J’ai une autre approche de la situation politique actuelle. Je ne sais si ce dont il s’agit, est une question d’actualité à quelques semaines des élections. Il eut fallu poser ce problème pendant le forum de Bangui où étaient réunis toutes les forces vives de la nation, les délégués des provinces. Il aurait fallu à ce moment là, faire le bilan de la transition et dire à Madame Samba-Panza et toute son équipe qu’elles ont échoué et le cas échéant, leur demander de rendre le tablier dans la mesure où ce n’était pas la première fois où une prolongation de la transition a été faite en leur faveur. Je constate aussi que la qualité de certains leaders qui réclament cette démission pose problème, ils n’ont pas la légitimité qu’il faut au point que cela jette de l’ombre sur cet appel qui, sur le fond, est justifié. Nous sommes à quelques semaines des élections, je ne pense pas que cela soit une bonne chose de changer le cours de la transition. Je pense que nous avons intérêt à faire en sorte que les élections soient organisées dans un plus bref délai avec bien sûr, Madame Samba-Panza et Monsieur N’GUENDET.
LF : Alors quelle recette miracle préconisez-vous pour que les élections soient organisées dans le délai imparti ?
GMN : Il n’y a pas de recette miracle, monsieur le journaliste. IL y a juste le fait que les uns et les autres puissent faire leur travail. Que ceux qui sont chargés de rechercher les financements pour boucler le budget de l’A.N.E, puissent le faire avec diligence, que ceux qui sont responsables des questions de sécurité, puissent s’y mettent sérieusement et qu’en fin, la Présidente elle-même puisse montrer sa volonté de quitter le pouvoir. C’est tout ce qu’on attend. Vous comprenez qu’il n’y a pas grand-chose. Ce sont toutes ces tergiversations, tous ces calculs pour prolonger indument la transition qui font que nous sommes dans cette situation là. Les bailleurs sont persuadés qu’ils n’y a pas de volonté politique au plus haut niveau pour faire en sorte que la transition puisse prendre fin. Les Burkinabés ont commencé après nous leur transition, et les élections auront bien lieu au Burkina-Faso. Douze mois de transition qu’ils avaient prévus, douze mois qui vont conduire aux élections. Je vous dis que les élections auront bien lieu effectivement au mois d’octobre, ce qui n’est pas le cas chez nous parce que la volonté politique au plus haut niveau n’y est pas.
LF : Parlant d’élections, vous avez suivi tout autant que la presse, la démission du Vice Président de l’A.N.E qui évoquait des dysfonctionnements et la désignation de son successeur. Quelle analyse en faites-vous ?
GMN : Je vous avoue que sur cette question, je n’ai pas suffisamment d’éléments sur ce qui a poussé M MOKAMANADE à la démission. C’est possible qu’il y ait des dysfonctionnements comme vous le soulevez. Mais laissez-moi vous dire qu’on est allé très vite en besogne en mettant en place cette structure là, en particulier, lui donner toute l’indépendance qu’il faut dans la mesure où nous savons très bien que les uns et les autres ont des ambitions personnelles qui ne sont pas forcément en accord avec l’intérêt général.
LF : Depuis quelques semaines, l’on a l’impression que les violences reviennent au galop tant à Bangui qu’à l’intérieur du pays. Dans l’arrière pays, ce sont Ali Darass et un conglomérat de peulhs qui sèment la terreur dans plusieurs villes. A Bangui, c’est une série d’attaques la grenade et le point de pic, ce sont les évènements douloureux du 6e arrondissement. Etes-vous plus que choqué par ces violences ?
GMN : Oui, c’est un sentiment de colère que j’éprouve lorsque je constate que des compatriotes sont tués, massacrés, égorgés sur leur propre terre. Vous comprenez alors qu’il n’y a que les élections qui puissent nous permettre de mettre un terme à ces désolations, car je le répète, il n’y a pas de volonté politique au plus haut niveau. Je profite alors de cette opportunité pour présenter mes condoléances aux familles des victimes et toute ma compassion aux autres victimes de près ou de loin. Venons-en au cas Darass. Reprenons un peu la genèse de ce qui se passe dans les villes que vous citez et qui sont sous les bottes des criminels. En octobre 2013, Messieurs Djotodia et Tiangaye avaient signé un décret nommant des soit disant Officiers de l’armée comme responsables des Régions Militaires dont Ali Darass. Je dis bien ce sont messieurs Djotodia et Tiangaye qui ont nommé Ali Darass, ce sont eux qui lui ont confié Bambari. Deuxième élément à prendre en compte, c’est le Congrès des Séléka à Ndélé que le Gouvernement avait permis pour ne pas dire encouragé. C’est à partir de là que la décision avait été prise pour que Bambari soit l’Etat Major des Séléka. Le troisième élément, c’est le déplacement des musulmans de Km5 et de certains quartiers de Bangui vers Bambari qui a fait changer les rapports de force entre musulmans et chrétiens. Cela a été fait en accord avec le Gouvernement. Voilà un peu la genèse de ce qui se passe encore à Bambari. Donc, si aujourd’hui Bambari qui était une ville pacifique, fait face à l’insécurité totale, c’est pour ces trois raisons que j’ai évoquées. La responsabilité des Autorités de la Transition est totalement engagée, que ce soit du temps de Djotodia, Tiangaye et N’guendet, que ce soit encore du temps de Samba-Panza, Kamoun et N’guendet. Par-ailleurs, on voit aussi que les Autorités Actuelles de la Transition hésitent ou ne font rien pour mettre fin à ce problème. Pourquoi Ali Darass dont on dit si bien qu’il est nigérian, continue à être omnipuissant à Bambari ? Selon ce que nous savons, Ali Darass n’est pas Centrafricain mais qu’est-ce qu’il fait à Bambari ? Je veux que les Autorités de la Transition me répondent ici et maintenant. Pourquoi Ali Darass n’est pas arrêté ? Pourquoi le Gouvernement passe son temps à menacer la vie des Centrafricains qui ne font que participer à cette transition au travers de leurs points de vue qu’ils donnent alors que tous les cerveaux de la rébellion sont en totale liberté ? Il faut commencer par répondre à ces questions.
LF : Mais d’où vient-il alors que les peuhls, pourtant si minoritaires, puissent se retrouver partout en Centrafrique, menaçant la vie des paisibles populations ?
GMN : Les peuhls sont minoritaires mais c’est parce que justement il y a une organisation à la tête de laquelle se trouve certains anciens Officiers de la Séléka dont Nourredine, Ali Darass et autres qui les encouragent et les arment contre le peuple Centrafricain qu’ils n’ont pas encore cessé de faire souffrir, d’une part et d’autre part, c’est le manque de volonté du Gouvernement à mettre fin à cela.
LF : Le CNT a tranché en faveur du vote des réfugiés et à l’insertion du Sénat dans la nouvelle Constitution. Il y a aussi le nouveau découpage électoral qu’on propose pour peut-être résoudre en partie la crise. Alexandre Ferdinand N’guendet est de ceux qui pensent que la transition doit être prolongée. Comment appréciez-vous tous actes qui portent les sceaux du CNT ?
GMN : D’abord, il y a eu ce voyage de Ndjamena qui continue de faire la honte des Centrafricains et depuis, beaucoup de décisions, beaucoup de recommandations qui émanent du CNT montrent clairement qu’il n’y a pas véritablement de patriotes. Le sénat, vous me posez cette question mais en fait, je vais prendre la Constitution dans sa globalité. J’affirme que la Nouvelle Constitution que le CNT nous propose, n’est pas d’inspiration centrafricaine. C’est un copier-coller de la constitution française. Nous n’avons jamais eu de Sénat dans ce pays. Je vois mal notre pays qui n’a pas encore connu la mise en place des collectivités territoriales, l’élection des conseillers municipaux, en arriver au Sénat. C’est une absurdité. En plus, nous n’avons pas les moyens qui nous permettent la mise place d’une Institution qui va couter très cher à la nation. C’est une Institution budgétivore. Il fut un moment où notre pays a fonctionné sans assemblée nationale, nous n’en sommes pas morts pour autant. Il y a des pays à l’instar de la Belgique qui ont fonctionné sans Gouvernement, ils n’en sont pas morts. Personnellement, je trouve inopportune, la création du Sénat. Ce n’est pas nécessaire. D’ailleurs, si cette disposition passe et que je suis élu, je la ferai disparaître par une révision constitutionnelle. Je ne ferai jamais appliquer cette partie de la Constitution. Deuxièmement, parlons du nouveau découpage électoral. J’avoue que j’ai été surpris de voir qu’on a augmenté le nombre des circonscriptions électorales à 141. Toujours dans la mesure où nous avons des difficultés budgétaires-depuis pratiquement deux ans, nous sommes portés à bout de bras par la Communauté Internationale, nous n’avons pas les moyens de faire face à nos devoirs régaliens-voilà que nous croyons trouver de l’argent pour pouvoir payer de nombreux députés. Je pense que si on avait effectivement tout cet argent, il vaut mieux le distribuer de manière équitable pour que tous les Centrafricains puissent en profiter. Là à nos yeux, à la porte nationale, dès qu’on arrive à l’aéroport Bangui M’POKO, on voit de nombreux Centrafricains dans des abris qui font honte. N’est-ce pas mieux de mettre fin à cette situation ? Avec l’argent dont on pense disposer, il faut aider ces compatriotes là. Nous n’avons pas d’écoles, nous n’avons pas d’hôpitaux, nous n’avons pas de route, nous n’avons rien et s’il y a l’argent, il faut l’orienter vers ces infrastructures sociales que de rêver payer des députés en surnombre qui ne pourront rien apporter à notre pays à l’image de ce CNT dont nous déplorons tous, les actes.
LF : Votre machine politique est-elle prêtre pour la prochaine présidentielle ? Qu’allez-vous faire dans les jours à venir ?
GMN : Je suis rentré au pays pour gagner la présidentielle. Vous savez que ma candidature est une réponse à de nombreux appels de nos compatriotes de par le monde. Dans les jours à venir, je vais commencer véritablement le lancement de ma pré-compagne. Vous savez que quand la décision a été prise pour fixer le calendrier électoral, j’étais absent du pays. Donc, je vais me consacrer à ce que j’avais commencé déjà à faire, à savoir aller à la rencontre des Centrafricains, continuer la campagne de proximité, aller en province. Je l’avais fait à un moment où il y était plus difficile à nos compatriotes de vivre du fait des violences. Je vais expliquer aux Centrafricains ce que je compte faire pour notre pays. J’ai mon programme qui est déjà prêt, il faut juste l’expliquer aux compatriotes pour qu’ils y adhèrent.
LF : Michel Amine, Abdou Karim MECKASSOUA, Joachim KOKATE, Bertin BEA ont été inquiétés par la justice centrafricaine et leurs passeports retirés pour un temps par les Autorités de la Transition. Vous n’avez jamais été tendre avec le Gouvernement, allez-vous être toujours tranchant dans vos prises de positions ou craignant pour votre vie, vous aurez le bec cloué ?
GMN : Il est clair que je suis en fait sur cette liste depuis très longtemps. Je vais vous dire une chose. En décembre 214, je partais à Bossangoa par la route, arrivé à l’entrée de cette ville, j’ai été arrêté par les Forces des Nations Unies qui ont dit qu’elles avaient reçu l’ordre des autorités centrafricaines pour pouvoir fouiller mon véhicule pour voir si je ne disposais pas d’armes sur moi. Évidemment, je n’en avais pas. Je vais voir les compatriotes parce que je les aimes, je n’ai besoin ni d’armes ni de garde-du-corps pour me promener à l’intérieur du pays. Je suis Centrafricain et cela suffit. Deuxièmement, j’ai reçu des menaces directes des plus Hautes Autorités par rapport à mon franc parler. Mais faites-moi confiance, je continuerai à parler, si c’est par là que devrait venir le salut de notre peuple. J’ai été le seul à dire non à Djotodia à l’époque et à demander sa démission à l’époque dans les yeux. Qu’ils veuillent m’arrêter ? Damango à l’époque m’avait déjà arrêté au temps de Patassé. Je suis un patriote, je parle pour mon pays, je ne parle pas pour des personnes.
LF : Je vous remercie.
GMN : C’est moi qui vous remercie !