L'Union africaine a annoncé vendredi la suspension du Burkina Faso, ainsi que des sanctions à l'encontre des instigateurs du coup d'Etat militaire qui a donné un coup d'arrêt aux élections prévues en octobre dans ce pays d'Afrique de l'Ouest.
A l'issue d'une réunion de son Conseil de paix et de sécurité (CPS), l'Union africaine (UA) a décidé de suspendre le Burkina Faso de toutes les activités de l'UA avec effet immédiat, a déclaré à la presse le représentant ougandais Mull Katende, qui assure la présidence tournante du Conseil, au terme d'une réunion d'urgence de plusieurs heures au siège de l'organisation à Addis Abeba.
Le CPS a également voté l'adoption de sanctions à l'encontre de tous les membres du soi-disant Conseil national pour la démocratie qui a mené le putsch, tous frappés d'une interdiction de voyager et d'un gel des avoirs dans tous les États membres de l'organisation panafricaine.
Le diplomate ougandais a qualifié d'acte terroriste qui doit être traité comme tel la séquestration du président de transition Michel Kafando et d'autres membres du gouvernement par les militaires du Régiment de sécurité présidentielle (RSP), l'ancienne garde prétorienne du président déchu Blaise Compaoré.
Toutes les mesures prises par ceux qui ont pris le pouvoir par la force au Burkina Faso sont nulles et non avenues. L'UA ne reconnaît aucun processus en dehors de la transition, a ajouté le diplomate au nom du Conseil de paix et de sécurité.
Le Conseil demande en outre à la commission de compiler une liste des membres de la junte et décide de qualifier tous les officiers du RSP d'éléments terroristes.
Selon la charte de l'UA, tout État membre où se produit un changement inconstitutionnel de pouvoir, doit être suspendu de l'organisation jusqu'au retour de l'ordre constitutionnel.
La présidente de la Commission Nkosazana Dlamini-Zuma avait déjà qualifié jeudi la séquestration par les militaires du président et du Premier ministre d'acte terroriste et avait rejeté comme nulle et sans effet la destitution de Michel Kafando.
Communiqué de la 544ème réunion du CPS sur la situation au Burkina Faso
Friday 18 September 2015
Le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine (UA), en sa 544ème réunion tenue le 18 septembre 2015, a adopté la décision qui suit sur la situation au Burkina Faso:
Le Conseil,
1. Prend note de la communication faite par la Commission sur la situation au Burkina Faso ;
2. Rappelle les communiqués PSC/PR/COMM.(CDLXV) et PSC/PR/COMM.(CDLXVIII) sur la situation au Burkina Faso adoptés lors de ses 465ème et 468ème réunions tenues respectivement les 3 et 18 novembre 2014, marquant notamment l’appui de l’UA au processus de transition lancé en novembre 2014, à la suite de l’adoption de la Charte de la Transition et de la mise en place d’institutions de transition, les 16 et 17 novembre 2014, respectivement ;
3. Exprime son appréciation à la Présidente de la Commission pour les mesures prises en vue d’accompagner le processus de transition, y compris la mise en place du Groupe international de soutien et d’accompagnement de la Transition au Burkina Faso (GISAT-BF), conjointement avec la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et les Nations unies. Le Conseil félicite le GISAT-BF pour ses efforts, et exprime son appréciation à la CEDEAO et aux dirigeants de la région, ainsi qu’aux Nations unies et aux autres membres de la communauté internationale, pour leur soutien à la Transition. Le Conseil note que, grâce à l’engagement des acteurs burkinabè et au soutien de la communauté internationale, la Transition au Burkina Faso, malgré les défis rencontrés, a enregistré des avancées remarquables, permettant ainsi de créer les conditions de la tenue des élections présidentielle et législatives, le 11 octobre 2015, et des élections municipales, en janvier 2016;
4. Rappelle les dispositions pertinentes de l’Acte constitutif de l’UA, ainsi que celles de la Charte africaine de la Démocratie, des Élections et de la Gouvernance, sur le rejet absolu par l’UA des changements anticonstitutionnels de Gouvernement;
5. Exprime sa profonde préoccupation face à la situation au Burkina Faso, marquée par l’enlèvement et la séquestration, depuis le 16 septembre 2015, du Président de la Transition M. Michel Kafando, du Premier ministre de Transition, M. Yacouba Isaac Zida, et de certains membres du Gouvernement, ainsi que par le coup d’état militaire intervenu le 17 septembre 2015. Le Conseil rejette avec force les actions persistantes d’éléments appartenant au Régiment de sécurité présidentielle (RSP) visant à compromettre la Transition, qui font peser une grave menace sur la paix, la sécurité et la stabilité au Burkina Faso, dans la région et sur le continent dans son ensemble ;
6. Fait siens le communiqué conjoint publié par l’UA, la CEDEAO et les Nations unies le 16 septembre 2015, condamnant fermement l’enlèvement et le coup d’état perpétrés par des éléments du RSP et demandant la libération immédiate et inconditionnelle des otages, ainsi que le communiqué de presse publié par la Présidente de la Commission le 17 septembre 2015, réitérant la demande de libération des autorités de la Transition, condamnant la prise du pouvoir par des militaires et appelant à des efforts internationaux concertés pour faire échec au coup d’état. Le Conseil se félicite également des déclarations faites par le Conseil de sécurité des Nations unies, ainsi que par l’Union européenne (UE) et des partenaires bilatéraux de l’UA, condamnant le coup d’état et demandant le retour au statu quo ante ;
7. Condamne fermement l’enlèvement et la séquestration du Président de la Transition, M. Michel Kafando, du Premier ministre de Transition, M. Yacouba Isaac Zida, et de certains membres du Gouvernement, et souligne que ces actions constituent un acte terroriste qui doit être traité comme tel par l’ensemble de la communauté internationale. Le Conseil condamne en outre fermement l’annonce par des militaires de la « dissolution » des institutions de la Transition et la prise du pouvoir par l’armée. Le Conseil rejette totalement cette annonce, et souligne que celle-ci et tous les actes posés par les éléments putschistes qui se sont emparés par la force du pouvoir au Burkina Faso sont nuls et de nul effet. Le Conseil souligne que l’UA ne reconnaîtra ni ne soutiendra aucun processus conduit en dehors de la Transition lancée au Burkina Faso en novembre 2014, et exige en conséquence le retour au statu quo ante ;
8. Condamne fermement la répression exercée par des éléments du RSP contre la population, faisant plusieurs morts et blessés, et exige la cessation immédiate de ces actes. Le Conseil exprime son entière solidarité avec le peuple burkinabè en ces circonstances difficiles, présente ses condoléances aux familles des victimes de cette répression et souhaite prompt rétablissement aux blessés ;
9. Souligne que les auteurs de l’enlèvement et de la séquestration des autorités de la Transition et de leur renversement, ainsi que les éléments impliqués dans la répression des manifestants, seront tenus responsables de leurs actes et devront en rendre compte devant les juridictions nationales et internationales compétentes ;
10. Exige la libération immédiate et sans condition du Président de la Transition, M. Michel Kafando, du Premier ministre, M. Yacouba Isaac Zida, et d’autres membres du Gouvernement ;
11. Décide de suspendre, avec effet immédiat, la participation du Burkina Faso à toutes les activités de l’UA, conformément aux dispositions pertinentes de l’Acte constitutif de l’UA et de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance ;
12. Décide en outre que les mesures ci-après à l’encontre des auteurs du coup d’état entreront automatiquement en vigueur, si le retour au statu quo ante n’est pas effectif dans un délai de 96 heures, à compter de l’adoption du présent communiqué:
(i) interdiction de voyage et gel des avoirs de tous les membres du soi-disant « Comité national pour la démocratie » mis en place par les auteurs du coup d’état et de toute personnalité qui participerait au « Gouvernement » qu’ils pourraient créer. Le Conseil prie à la Commission de circuler la liste à tous les États membres et aux partenaires internationaux dès l’expiration du délai fixé plus haut, et de la mettre régulièrement à jour en vue d’y inclure les soutiens civils de la junte militaire;
(ii) qualification des officiers supérieurs du RSP impliqués dans l’enlèvement et la séquestration du Président de la Transition, du Premier Ministre et de certains membres du Gouvernement comme éléments terroristes, dans le cadre de la Convention de l’OUA de 1999 sur la prévention et la lutte contre le terrorisme et de son Protocole de 2004. À cet effet, le Conseil prie la Commission de compiler immédiatement une liste, qui doit inclure des membres de la junte, et de la circuler à tous les États membres, ainsi qu’aux partenaires internationaux, dès l’expiration du délai fixé plus haut;
(iii) initiation des démarches nécessaires auprès des institutions africaines et internationales compétentes, en vue du jugement des auteurs du changement anticonstitutionnel, conformément aux dispositions pertinentes de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance;
(iv) lancement de consultations avec l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) en vue de priver les autorités de fait de tout accès aux ressources de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), ainsi que cela a été le cas dans la gestion de crises similaires dans la région; et
(v) demande à tous les partenaires bilatéraux et multilatéraux de suspendre tous les programmes de coopération militaire et sécuritaire avec le Burkina Faso, ainsi que les programmes de coopération économique, étant entendu que tout devra être mis en œuvre pour minimiser l’impact sur la population civile;
13. Exprime sa détermination à examiner des mesures additionnelles de nature à accélérer la réalisation des objectifs fixés plus haut;
14. Exprime également son soutien aux efforts actuellement entrepris par la CEDEAO, à travers son Président en exercice, le Président Macky Sall du Sénégal, en vue de permettre le retour rapide au statu quo ante, et ce dans le cadre de l’Architecture africaine de paix et de sécurité;
15. Demande à la Présidente de la Commission de mettre en place un Groupe d’experts pour aider le Conseil et la Commission à assurer le suivi de la mise en œuvre des mesures envisagées plus haut et à mobiliser le soutien international nécessaire pour assurer le fonctionnement effectif du Groupe, ainsi que de convoquer le plus rapidement possible, en consultation avec la CEDEAO et les Nations unies, une réunion du GISAT-BF pour faciliter une coordination internationale étroite et la mise en œuvre des mesures contenues au paragraphe 12 ci-dessus ;
16. Souligne que les interférences répétées du RSP dans le processus de transition mettent en relief la nécessité d’une réforme en profondeur du secteur de la défense et de la sécurité au Burkina Faso, suivant des modalités à convenir avec tous les acteurs concernés. A cet égard, le Conseil prie la Commission, sur la base du Document-cadre de l’UA sur la réforme du secteur de la sécurité, d’identifier les modalités d’une contribution de l’UA à ce processus;
17. Demande à tous les États membres de mettre scrupuleusement en œuvre les mesures énumérées plus haut, ayant à l’esprit les obligations qui sont les leurs aux termes de l’article 7 (paragraphes 3 et 4) du Protocole relatif à la création du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine, qui stipule que les Etats membres reconnaissent qu’en s’acquittant de ses devoirs aux termes du Protocole, le Conseil agit en leur nom, et que les Etats membres conviennent d’accepter et d’appliquer les décisions du Conseil conformément à l’Acte constitutif de l’UA;
18. Demande à tous les partenaires internationaux, y compris l’UE et ses États membres, le Conseil de sécurité des Nations unies et d’autres partenaires internationaux, de soutenir pleinement le présent communiqué et la mise en œuvre des mesures énumérées au paragraphe 12 ci-dessus;
19. Prie la Présidente de la Commission de prendre toutes les mesures nécessaires pour la mise en œuvre du communiqué et de le transmettre au Conseil de sécurité des Nations unies et aux autres partenaires internationaux concernés, pour leur information et leur action en tant que de besoin;
20. Décide de rester activement saisi de la question.