De timides rayons de soleil tentent de percer les ramures des arbres plusieurs fois centenaires. Il a plu toute la nuit. Une brume moite s’échappe du sol sans parvenir à rejoindre le ciel, plongeant la forêt dans une étrange atmosphère cotonneuse. Nous sommes à Mambéré, dans le sud-ouest de la Centrafrique. Cette partie du pays, c’est un morceau du poumon vert du bloc forestier du bassin du Congo, deuxième plus grand massif tropical après l’Amazonie.
Ici, la société libanaise Sefca exploite près 326 000 hectares de forêt et emploie 1 300 personnes. La petite colonne d’ouvriers progresse avec difficulté à travers les bois, guidée par un pisteur. Son rôle est de repérer en amont les plus gros troncs afin que les abatteurs puisse ensuite procéder à la coupe, sans perdre de temps. « Un bon abatteur chez nous, c’est environ dix arbres par jour », explique Thomas Kotalimbora, l’aménagiste forestier pour la société Sefca.
L’équipée stoppe sa course devant un énorme sipo, une des essences d’arbres les plus communes dans le pays. Avec son décamètre, Thomas s’assure que les standards de coupe sont bons, avant de donner le feu vert. « Le diamètre minimum d’aménagement pour cette essence, c’est 90 cm de diamètre. En dessous, on ne peut pas couper. Celui-ci fait près de 1,20 m. »
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Les tronçonneuses rugissent, l’écorce explose. L’abatteur définit rapidement ses entailles de direction qui vont orienter l’arbre dans sa chute, puis ses pattes de retenues qui vont empêcher le tronc de céder avant que le « cœur du bois n’ait été attaqué ». « C’est un travail de précision », insiste Thomas. L’étrange ballet entre l’abatteur et son assistant se met en place, chacun tournoie autour du tronc jusqu’à ce qu’il s’écroule dans un craquement lugubre. Aussitôt abattu, le tronc et sa souche sont marqués et référencés dans un document de suivi, avant d’être acheminés sur le site de stockage.
Depuis la parution du rapport de l’ONG Global Witness en juillet, qui accuse les forestiers d’avoir financé en partie les rebelles de l’ex-coalition Séléka, les ventes ont chuté. Dans son bureau à Bangui, Ibrahim Fakhoury, le directeur général adjoint de Sefca n’a même pas besoin de se saisir de son carnet de commande, il connaît les chiffres par cœur. « Aujourd’hui, on arrive à vendre que 60 % de notre production. Depuis la parution du rapport, on a fait face à des clients frileux et réticents. »
Un argument que fait valoir également Laurence Nassif, le directeur général d’IFB, principal concurrent de Sefca en Centrafrique. « Global Witness a directement contacté nos clients pour les dissuader d’acheter chez nous. Ce sont des personnes avec qui on travaille depuis trente ans, heureusement nos relations ont fini par primer sur le rapport et on s’en est tiré sans trop de casse », conclut-il.
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La majorité du bois centrafricain est acheté par des pays de l’Union européenne, France et Allemagne en tête. Le « règlement bois » de l’UE impose aux acquéreurs de vérifier la légalité du bois avant d’acheter. « La crise nous a déjà donné un grand coup sur la tête, Global Witness en a remis une couche », détaille amère, Laurence Nassif. Entre avril et juin 2013, la concession de près de 210 000 hectares qu’IFB exploite à Batalimo a été à l’arrêt total. « L’activité a repris par paliers, nous ne sommes pas encore à 100 % de nos capacités. » Entre 2012 et 2014, les exportations de bois (grumes et sciages confondus) sont passés d’environ 200 000 m3 à environ 141 000 m3 , selon les chiffres du bureau Véritas.
Véritas (sa filiale dans le pays s’appelle Bivac) est chargé de la sécurisation des recettes douanières et et de la vérification des exportations commerciales. « Nous avons des agents sur les concessions qui vérifient les volumes et les essences coupés, et définissent une valeur taxable », explique Severin Lenguetama, chargé de liaison pour Véritas. La société récolte ainsi environ 120 millions d’euros par mois en taxes douanières relatives aux exportations de bois.
Dans la concession de Mambéré, le service est au ralenti. Pendant la saison des pluies, les abattages sont rares car il est difficile d’envoyer ensuite le bois à Bangui. « Depuis le rapport, on a aussi plusieurs milliers de m3 sur les bras ici, alors à quoi ça sert de continuer à couper », se désole un ouvrier. Du côté du gouvernement comme du côté des experts du secteur, la perspective d’un moratoire sur la filière, réclamé par Global Witness fait peur. « Le bois est vital pour le pays. Alors certes, les autorités administratives sont inexistantes et il y a sûrement eu des manquements pendant la crise. Mais on ne peut absolument pas qualifier ce bois de bois du sang », explique un conseiller européen en poste à Bangui.
L’insécurité persistante
A Bangui, les camions de marchandises chargés de billes de bois obstruent l’avenue de l’Indépendance, dans l’attente d’un acheminement vers Douala (Cameroun). « Le secteur a des répercussions partout, notamment sur le fret, insiste Christian Fargeot conseiller au ministère des eaux et forêts. Les forestiers payent 15 milliards de francs CFA par an (environ 23 millions d’euros), pour transporter les billes de bois, par camion jusqu’à Douala. »
Ces camions en provenance du Cameroun approvisionnent la Centrafrique enclavée en une multitudes de denrées alimentaires. La plupart repartent à vide, ou avec du bois. « Imaginez qu’il n’y ait plus de bois, ces quinze milliards manquants seraient répercutés par les transporteurs sur le voyage aller. Les prix augmenteraient partout et pour quasiment tous les produits. »
Aujourd’hui, la situation économique morose, l’insécurité persistante dans les provinces couplées aux allégations de Global Witness ont durablement affaibli les capacités d’investissement des forestiers. A Mambéré, le sous-préfet Dominique Kazimo s’inquiète. S’il avoue ne pas maîtriser « les tenants et les aboutissants ni vouloir juger ce qui a pu se passer pendant la crise », il énumère : « Sefca à Mambéré c’est deux centres de santé, quatre forages d’eau potable, deux ambulances, le salaire des professeurs, la réhabilitation des écoles et 1 300 personnes du village qui travaillent directement pour eux. S’ils ferment, le village meurt. »
SOURCES: LE MONDE Par Anthony Fouchard (contributeur Le Monde Afrique)
Note de la rédaction
L’ONG Anglaise Global witness est la première institution à faire des révélations sur le « bois du sang » en Centrafrique.Selon cette institution, les entreprises SEFCA(Liban), IFB(Français) et bien d’autres ont financé les éléments de la Séléka dont les chefs pouvaient toucher jusqu’à 10mille dollars par mois en sachant que ces « S’EN FOUT LA MORT » avaient exterminé des milliers des personnes dans la Lobaye, la Mambéré Kadéï et la Sanga Mbaéré. L’objectif de ces grands groupes était de semer la terreur pour réprimer toutes contestations ou de pousser les populations à se cacher dans la forêt afin de convoyer en violation du code forestier centrafricain, une quantité importante des grumes en Europe, Asie et Amérique via le Cameroun. Notons qu’à ce jour, les agents forestiers n’ont pas encore totalement repris leurs activités dans ces zones. Pour information, pendant le règne de Djotodia et du PM Tiangaye, c’était les éléments de la Séléka qui percevaient les taxes payées au rabais en l’absence de l’État. C’est dire que chacun y trouvait son compte. Les centrafricains étaient surpris par le gouvernement de leur pays en juin dernier. Au lieu de diligenter une enquête dans ces zones suite à ces révélations, il a préféré contredire ce rapport par la voix de la ministre des eaux et forêts Isabelle Gaudeuil, cousine de Catherine Samba-panza et la maîtresse préférée du PM Kamoun ,qui sont tous les trois attirés par l’appât du gain facile plutôt que de défendre les intérêts de leur pays.
Nous sommes bien en Centrafrique , le pays de tous les paradoxes.