Le présidentiable Martin Ziguélé à bâton rompu avec La Nation des 21 et 22 septembre 2015
C’est dans la soirée du vendredi 18 septembre 2015, en sa résidence située derrière le Complexe sportif vingt-mille places dans le 2e arrondissement de Bangui, que le président du Mouvement de Libération du Peuple Centrafricain (MLPC) et candidat à la prochaine élection présidentielle, sieur Martin Ziguélé a accordé une interview au Journal La Nation. Il a été question au cours de cette interview de faire non seulement la table rase sur les enjeux sociopolitiques du récent coup d’Etat perpétré par la junte militaire au Burkina-Faso mais aussi, d’aborder certains points touchant l’état de santé du parti depuis qu’il a été investi par les militants, ses points de vue et pistes de solutions par rapport aux prises de positions hostiles ou favorables à une troisième transition politique en Centrafrique, et les alibis qu’il dispose pour s’innocenter face aux accusations de ses détracteurs. Pour mémoire et afin que nul n’en ignore, l’intégralité de l’interview en dit plus.
LR
Bonjour M. Martin Ziguélé
Martin Ziguélé (MZ): Bonjour.
M. le président, un coup d’Etat vient de réussir au Burkina-Faso. Mais vous en tant qu’homme d’Etat, en tant que président d’un parti politique, quelle est votre lecture par rapport aux faits qui venaient de s’accomplir?
MZ: Je voudrais vous remercier encore une fois de plus pour l’occasion que vous donnée en vue de réagir très rapidement par rapport au coup d’Etat qui vient d’avoir lieu au Burkina, à trois jours de l’ouverture de la campagne électorale qui devrait mettre fin à la transition. Je voudrais à mon nom, au nom du Bureau politique du MLPC et au nom du parti condamner très fermement ce coup d’Etat. La prise du pouvoir par les armes, quel qu’en soit les causes est une violation de la légitimité populaire et doit être fermement condamnée par tous les républicains et tous les démocrates. Dans le cas du Burkina-Faso, j’allais dire que le cas est plus grave. Parce qu’il s’agit d’un régiment c'est-à-dire, d’une partie de l’armée qui, bénéficiant d’une position privilégiée, a cru devoir interrompre le processus de transition politique devant mener à des élections de manière brutale. Et la résistance du peuple burkinabé aujourd’hui face à la violation de sa souveraineté, nous la soutenons entièrement. Nous prions à ce que l’Union africaine, la CDEAO, les Organisations régionales et plus largement, toutes les démocraties du monde fassent en sorte que ce coup d’Etat soit un échec, et que la transition soit remise en scène. Lorsqu’il y’a une situation de ce genre, on se pose aussi des questions: qu’est-ce qui a pu amener à cela? Est-ce que c’est le fait que des responsables politiques aient été exclus des élections? Cela est possible. Est-ce parce que les auteurs de ce putsch aient été convaincus ou soupçonnés de crimes graves au Burkina depuis des décennies? On peut aussi prendre cela en considération. Mais l’un dans l’autre, rien ne peut justifier ce qui s’est passé au Burkina. C’est un mauvais signal pour l’Afrique. Parce que, vous avez vu le traumatisme qui s’est emparé de tous les pays africains après ce coup d’Etat, c’est un cauchemar qu’on croyait passer au Burkina et qui est revenu. Donc, je voudrais exprimer la solidarité du MLPC. Nous avons des partis frères au Burkina. Les Burkinabés sont nos frères et nos sœurs. Ils se sont battus pour qu’il y’ait un changement dans leur pays. Il peut y avoir des insuffisances dans un processus politique. Mais on ne peut pas s’emparer de la liberté du peuple parce qu’on est en position de force, parce qu’on a les armes pour prendre tout un peuple en otage. Mon vœu le plus ardent, c’est que la lutte du peuple burkinabé pour la démocratie aboutisse. Parce que l’Afrique doit se libérer des forces rétrogrades, de ceux qui pensent que par les armes, ils vont s’imposer au peuple pendant des décennies. Je pense que trop c’est trop!
M. Le président, vous avez passé la majeure partie de votre jeunesse en tant que cadre en Afrique de l’Ouest. Mais quel est le souvenir que gardez de ce pays frère et ami qu’est le Burkina-Faso?
MZ: Non seulement j’ai passé la majeure partie de ma carrière professionnelle en Afrique de l’Ouest que j’ai sillonnée de bout en bout, j’allais au Burkina au moins trois fois par an, mais je continue à fréquenter le Burkina. Puisque je suis jusqu’à une période récente Administrateur dans un Groupe d’Assurance au Burkina. Et je connais ce pays, je connais ce peuple, je connais son dynamisme. Parce que, c’est l’un des rares pays africains qui est arrivé dans les premiers étages de l’émergence par le travail de ses enfants. Parce que ce pays malheureusement, c’est un pays sahélien dans lequel il ne pleut pas beaucoup, et que les terres cultivables ne sont pas comme chez nous. Mais ce qui est reconnu par tous, c’est que le Burkina a été transformé par les labeurs de ses enfants. Et les Burkinabés s’appellent entre eux «des hommes intègres», et ont fait la preuve de leur intégrité dans la manière de développer leur environnement, leur pays pour accéder à une situation de bien-être. Mais naturellement, chaque pays a son histoire et je crois que cette histoire ressemble aussi à l’histoire d’un certain nombre de pays où un certain nombre du fils du pays, de par leur positionnement et de par leur accès à des armes pensent qu’ils ont droit de vie ou de mort sur tout un peuple. Et ces retours en arrière violents malheureusement continuent à se faire en Afrique décrédibilisent tout le travail qui peut être fait ici et là. On ne peut jamais faire avancer un pays sur la voie du bien-être, lorsque des élites civiles ou militaires sont capables de porter la mort à leurs compatriotes, juste pour s’emparer du pouvoir. Ce n’est pas pour le bien-être collectif, mais pour se protéger contre la justice, ou pour favoriser un certain nombre de recommandations. C’est quelque chose qui interpelle la conscience humaine tout simplement.
Mais M. le président, si on rentre en profondeur dans l’histoire de ce pays, on se rend compte que c’est un pays ayant pour tradition des coups d’Etat. Et pour les partisans de l’afro pessimisme, ils disent que ce coup d’Etat ne les surprend pas.
MZ: Ce qu’on dit de Burkina, on peut également le dire pour la Républicaine centrafricaine. Nous aussi avions connu beaucoup de coup d’Etat. Mais je pense que le Burkina est un pays de lutte politique, de lutte syndicale et de lutte de la Société civile. Cela est reconnu par tous. On ne peut pas justifier, je le dis encore de manière très ferme, ce qui s’est passé il y’a deux ou trois jours au Burkina. On peut expliquer cela, mais on ne peut pas excuser cela. Parce que, lorsqu’une catégorie de la population estime qu’elle a des revendications, elle ne devrait pas le faire en prenant le pouvoir et en tuant des innocents, en tuant des citoyens, en détruisant leur propre pays. De quels droits et de quelle légitimité une fraction du peuple peut se permettre de porter la mort à d’autres pour se protéger, pour s’auto protéger ou mettre en avant leurs revendications? Et puis je vais poser une question très simple: si la junte qui tente de prendre le pouvoir au Burkina dit qu’elle le fait pour défendre les principes démocratiques. Parce que des personnes ont été exclues des élections. Mais pourquoi elle n’a pas pris le pouvoir lorsqu’il y’a eu de tentative de modification de la Constitution en violation de cette même Constitution? C’est une démarche qui ne s’explique pas, qui n’est pas cohérente. Cela veut dire que les raisons avancées sont fausses et qu’il faut les chercher ailleurs.
M. le président, quel est présentement l’état de santé de votre parti au moment où les militants vous ont investi en vue de le hisser au perchoir de l’exécutif?
MZ: Je vous remercie. Le MLPC se porte bien. Le MLPC continue de faire son travail de parti politique c'est-à-dire, d’animer la vie politique du pays. Le MLPC se prépare comme tous les autres partis politiques pour les prochaines échéances. Nous n’avons pas de problèmes ni de différends avec ceux du pays. Le problème du pays c’est l’insécurité. L’insécurité dans le pays fait que la mobilité du parti dans le pays est problématique. Nous sommes obligés de fréquenter un certain nombre de zones, d’attendre à ce qu’il y’ait accalmie dans d’autres zones. Donc, lorsque nos équipes sont sur le terrain, nous sommes très inquiets de ce qui peut leur arriver. Mais nous avançons sur le terrain. Nous faisons notre travail de parti politique. Nous avons envoyé des équipes sur le terrain pour mobiliser la population afin de s’inscrire sur la liste électorale et d’aller aux élections. Nous essayons de travailler également au sein de notre Direction nationale de campagne pour faire en sorte que nos compatriotes connaissent de mieux en mieux le parti, pour que le moment venu, ils fassent leur choix comme ils l’entendent.
Au niveau de votre Direction nationale de campagne ces derniers temps M. le président, vous avez inventé le concept dénommé « Vaka na vaka». Vous avez sillonné les huit arrondissements de Bangui et même la commune de Bimbo. Mais est-ce que le concept a profité aux populations du 4e arrondissement et plus particulièrement celles de Boy-Rabe?
MZ: Pas plus tard qu’avant-hier, la Direction nationale de campagne du MLPC était à Boy-Rabe voire même Kagamangoulou. Je pense que c’est la troisième fois que mon équipe va là bas. Ecoutez, Boy-Rabe est un quartier de Bangui, Boy-Rabe est un quartier de Centrafrique, Boy-Rabe est en République et nous sommes des Centrafricains. Il y’a beaucoup de personnes qui ont cherché à instrumentaliser les uns contre les autres. Mais nous sommes conscients que tous les pays du monde, il y’a toujours la majorité de personnes qui sont de bonne volonté. Nous continuons d’aller à Boy-Rabe et nous n’avons aucun problème particulier avec Boy-Rabe. Je vous le dis, pour la troisième fois consécutive, notre Direction nationale de campagne est allée à Boy-Rabe et a fait une grande réunion avec les chefs de quartiers, les jeunes, les femmes, les adultes…, pour échanger sur l’avenir de notre pays. Parce que notre concept aujourd’hui, notre leitmotiv aujourd’hui c’est la réconciliation, le rassemblement et la reconstruction. Mais on ne peut se réconcilier qu’avec un frère avec qui on avait eu des différends. Donc, c’est pour ça que nous allons à Boy-Rabe, nous allons au Km5, nous allons dans tous les quartiers de Bangui, et bientôt à l’intérieur du pays pour promouvoir ce concept de réconciliation. Vous ne pouvez pas développer un pays lorsque vous n’êtes pas rassemblés. Donc, on ne peut pas développer un pays en mettant de côté tel parti de Bangui ou du pays sous prétexte que des hommes et des femmes qui ne sont pas forcement bien intentionnés instrumentalisent les différends qu’on a vécus dans le passé pour continuer à garder distants des Centrafricains. Notre travail de parti politique est de constituer un ciment, de lier les Centrafricains. Donc, nous sommes pour le rassemblement. Naturellement, pour reconstruire le pays, nous n’allons pas le faire tout seul. Nous le ferons avec l’ensemble des Centrafricains. Pour nous, il n’y a pas de quartiers tabous, il n’y a pas de zones interdites, il n’y a pas d’extra territorialité. Nous sommes chez nous, nous sommes dans notre pays. Quelque soit ce que nous avons eu avec nos frères ou nos sœurs comme différend, de n’importe quelle ville, de n’importe quelle quartier ou de n’importe quelle région, notre travailler consiste à aller vers eux. Je vous prie de me croire puisque l’accueil a toujours été fraternel, chaleureux, et les débats ont été francs.
L’accueil a toujours été fraternel comme vous le dites. Mais dans certaines colonnes des journaux de la place, des informations font état de ce que dans certains quartiers de Boeing, vous avez été chassé. Est-ce que vous pouvez nous confirmer ces informations ou ce ne sont que des histoires à dormir debout que vos détracteurs ont pu fabriquer?
MZ: Mais j’étais en France et c’est mon épouse qui a été à Boeing à l’invitation de la population de Boeing. Ils ont fait une très grande fête à Boeing. Et lorsque j’ai lu dans la presse ce que vous avez dit, cela a fait rire tout le monde à Boeing. Et la jeunesse de Boeing a réinvité ma Direction nationale de campagne et elle est encore allée deux fois, et au frais de la population. C’est cette population qui lui a préparé à manger, du riz, du ngoundia, et lui a donné du légume. Vous voyez, il y’a des gens dans ce pays qui manifestement, prennent leurs rancœurs pour des réalités, ou qui tiennent absolument à montrer une image fausse du pays. Pourquoi ils le font? Nous ne le savons pas. Mais ce qui nous intéresse, ce sont les faits. Nous avons fait tous les quartiers de Bangui et de Bimbo sans exception. Et au moment où je vous parle, la Direction est en train de repasser encore dans ces quartiers. Bientôt, l’équipe le fera à l’intérieur du pays.
Il y’a un concept qui se développe aujourd’hui sur le face book « tout sauf Martin Ziguélé». Qu’en pensez-vous?
MZ: vous savez, il y’a un problème africain qui dit que: « On ne jette des pierres que sur un arbre fruitier». Vous ne verrez jamais quelqu’un jeter de pierre sur un acacia. Lorsque quelqu’un jette de pierre, c’est surement sur un manguier, sur un goyavier. Parce qu’il veut cueillir les fruits. Donc si des gens nous considèrent comme leur adversaire n°1, il faut leur poser la question si quelque part, ils considèrent que le MLPC a la confiance de nos compatriotes. Malgré toutes les propagandes, toutes les calomnies, toutes les insinuations, tous les mensonges qui ont été déversés sur nous, ces personnes constatent que nous continuent à bénéficier de la confiance de la population. C’est pour ça qu’on dit tantôt que je ne suis pas Centrafricain. Parce que je suis de mère tchadienne. Je ne sais pas si eux ont choisi leurs mères avant leur naissance. Mais moi je n’ai pas pu le faire. Et malgré cela, je suis très fier de ma mère que j’adore. Parce qu’elle m’a donné tout simplement la vie, et nous devrons tous adorer nos mères qui nous ont donné la vie. Je ne voudrais pas faire de la comparaison, mais je voudrais vous dire que je suis l’un des rares politiques centrafricains à n’avoir que la nationalité centrafricaine. Je n’ai pas d’autres nationalités que la nationalité centrafricaine. Vous pouvez le vérifier auprès de tous les états civils du monde entier, je n’ai que la nationalité centrafricaine. Ceci dit, je ne reproche pas à mes compatriotes qui ont deux ou trois nationalités afghane, américaine, française, britannique. Je ne leur reproche rien, et je ne mets même pas en doute leur loyauté. Parce que je ne sais pas les motivations pour lesquelles ils ont été amenés à un moment donné de leur vie à prendre une seconde nationalité. Je ne peux pas les leur reprocher, je suis un républicain. Mais je ne peux pas comprendre le fait qu’on me reproche d’avoir épousé une femme de tel ou telle origine, alors que cela tombe sur le bon sens que personne ne choisit jamais sa mère. Ceci dit, comme je vous le disais tantôt, je suis très fier de ma mère que j’adore, et je pense que cela est vrai pour tout le monde qui adore aussi sa mère. Donc, d’autres disent que je suis le candidat de la France alors que ce sont des gens qui font des allées et des retours incessants en France justement pour demander le soutien de la France. Il y’en a qui disent que j’ai amené les Sélékas alors que tout le monde a été ministre, ministre d’Etat dans ce pays sous Séléka, ou à demander des postes. Dans ce pays, je n’en ai demandé aucun, je n’avais besoin d’aucun. Donc, pourquoi j’avais amené la Séléka alors que je n’en ai pas bénéficié à titre personnel. Tout cela montre simplement que je suis identifié comme quelqu’un à qui le peuple est susceptible de lui faire confiance. Donc, il faut le démolir. J’aurais aimé que mes compatriotes me disent: écoutez, voilà telle position politique du MLPC et nous sommes contre cette position politique pour que nous ramenions le débat sur le plan politique. J’aurais aimé que mes compatriotes me demandent de ce que représente la vision de mon parti. Il se trouve que cette vision n’est pas cohérence et on en discute, qu’on fasse de la politique, qu’on ne s’attaque pas à des individus. Parce que c’est en s’attaquant à des individus, en nous attaquant à la religion, en nous attaquant à des origines que nous en sommes arrivés dans la crise que nous vivons aujourd’hui. Donc, il faut que nous élevons le débat au-delà de nos visions, croisons nos visions, pour pouvoir apporter ce que nous prétendons apporter à ce peuple. C’est là que devrait se situer le débat politique. Je ne peux pas reprocher à un Centrafricain le fait d’être né dans une région donnée, de tel père ou de telle mère. Je ne vois pas ce que je peux le lui reprocher, parce que c’est ce qu’il est. Mais par contre, on peut discuter avec un autre compatriote de ce qu’il croit, de ce qu’il pense, de ses opinions. Et là, nous sommes dans le débat démocratique. Donc, j’invite mes compatriotes à évoluer vers un débat démocratique et à ne pas s’acharner sur des débats qui ne nous avanceront pas.
Vous me permettez M. le président même si c’est de la redondance mais cela permettrait aux lecteurs de La Nation de comprendre certaines vérités sur ce que disent vos détracteurs. Puisqu’ils profitent de la naïveté de cette population pour nuire à l’avenir politique du MLPC dont vous avez la charge, en vous associant aux acteurs clés de la nébuleuse qu’est la Séléka. Mais, lesquels des alibis disposez-vous pour vous innocenter et redonner confiance à la base?
MZ: Vous savez, mon mentor en politique, feu Ange Félix Patassé disait que: «Le mensonge coure vite et la vérité marche lentement». Mais il arrive toujours un moment où, comme la tortue, la vérité vient dépasser le mensonge et le terrasse. Il y’a déjà de cela deux ans, que certains des médias, certains compatriotes et toujours les mêmes, prétendent que je suis complice de la Séléka, et que j’ai amené la Séléka, que j’ai fabriqué même la Séléka. Mais vous savez en droit, lorsque vous accusez quelqu’un de quelque chose, vous en apporter les preuves. J’ai demandé, et je ne fais que demander qu’on m’apporte les preuves de ces accusations. On me dit qu’il n’ya pas de preuve. Mais c’est à moi de prouver que je suis innocent. Ce qui est contraire à tous les principes de droit. Soutenir une rébellion c’est quoi, c’est donner de l’argent à cette rébellion pour qu’elle fonctionne. Si quelqu’un a la moindre preuve, que j’étais associé à la création de la Séléka, qu’il en fournisse les preuves publiquement. Si j’ai donné de l’argent, ou des armes, ou des hommes, mais c’est encore plus facile. Il suffit de retrouver une personne qui témoigne, qui dit que voilà, vous étiez à telle réunion à tel endroit avec la Séléka, vous avez donné tel argent, voilà ce que vous avez dit. Mais c’est moi qui réclame finalement ces preuves là depuis deux ans. Et je vais même plus loin: «Il y’a présentement une Cour Pénale Spéciale qui a été créée dans notre pays pour connaitre des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité, des crimes de sang depuis 2002 jusqu’à ce jour». Cette Cour existe. Il suffit juste d’apporter les preuves de mon implication. De même que la Cour Pénale Spéciale enquête sur notre pays depuis 2003 jusqu’aujourd’hui est avide de ces genres d’information. Si ces preuves là existent, que mes détracteurs apportent les preuves, ou les publient. Chaque jour que Dieu fait, je ne cesse de réclamer ces preuves. Et chaque jour que Dieu fait, c’est par des lettres anonymes, des articles anonymes, des déclarations anonymes que les uns et les autres avancent ces accusations. Si j’étais concepteur, associé ou co-auteur, ou co-fondateur de la Séléka. Une fois que la Séléka au pouvoir, si vous êtes co-fondateur d’un mouvement, mais vous assumez les responsabilités du résultat du travail que vous avez conçu. N’est-ce pas? Et pourquoi j’ai amené la Séléka au pouvoir et que je n’ai pas été l’un des gestionnaires publics de ces affaires. Donc, je crois que nos compatriotes une fois encore, doivent savoir que ce n’est pas la première fois que des accusations de ce type ont été portées contre moi. Déjà en 2005, j’ai été accusé d’avoir amené les Banyamoulengués par ceux là même qui les ont amenés. J’ai demandé un débat public qui m’a été refusé. Non seulement on m’a refusé le débat publique mais en plus, on m’a menacé de mort quand j’ai insisté en allant à Ndèkè-Luka pour demander ce débat. Alors qu’eux-mêmes, ils avaient saisi les tribunaux centrafricains contre moi et que j’ai été blanchi par le Tribunal de Grande instance ou la Cour d’Appel par rapport à ces accusations. En dehors des accusations de Séléka, des accusations fantaisistes tes sur la Séléka ou les Banyamoulengués, vous ne savez pas que c’est depuis 2006, chaque fois que j’étais en France et que je venais en Centrafrique, j’étais régulièrement convoqué soit par le Doyen des Juges d’Instruction, soit par le Tribunal, soit par le Premier ministre. Parce que, j’étais régulièrement accusé de fomenter une rébellion, d’acheter des armes, d’armer des chefs de quartiers à Bangui…, et naturellement sans preuve. Donc, ce n’est pas aujourd’hui que je suis victime des cauchemars de ces personnes qui manifestement, me voient partout alors que je ne suis pas là où ils le disent.
M. le président, il y’a aujourd’hui un jeu de ping-pong à travers les prises de positions favorables ou hostiles au projet d’une troisième transition politique en Centrafrique. En tant que démocrate, quelle lecture faites vous des conséquences de l’incompréhension entre certains partis, association politiques et personnalités indépendantes réunis au sein d’une plateforme et les autorités actuelles de la transition? Et quelles sont les pistes de solutions préconisez-vous pour une transition réussie en Centrafrique?
MZ: Je vous remercie. Je crois que, faire de la politique, c’est avoir de la conviction. Nous étions au Forum de Bangui dans la Commission Gouvernance où il n’y avait que des chefs des partis politiques. Cette Commission a voté une recommandation qui a préconisé la stabilité des institutions jusqu’aux élections. Cette solution a été reprise dans les recommandations générales en plénière. Le MLPC s’en tient à la parole donnée. Pour nous, nous nous préparons en tant que parti politique pour aller aux élections lorsque l’A.N.E aura publié le chronogramme qui nous permet d’aller à des élections auxquelles la majorité des Centrafricains peuvent participer. Nous ne sommes pas dans d’autres schémas. Nous n’avons pas un plan B à part les élections. Et je dois le dire clairement: «Nous ne nous associons pas à toutes positions tendant à sortir de notre engagement au Forum, de respecter les principes de la stabilité des institutions jusqu’aux élections». Je pense avoir été suffisamment clair. Je pense que ce qui vient de se passer au Burkina doit rappeler aux Centrafricains encore leurs responsabilités. Gardons notre sérénité. Que des critiques soient portés sur le processus électoral, c’est tout à fait normal
En démocratie, que des insuffisances existent dans le processus électoral, je suis tout à fait d’accord. Parce que c’est un processus qui se fait dans une situation d’insécurité, dans une situation de difficulté budgétaire, dans une situation de difficulté économique, dans une situation de difficulté de réseau de communication. Notre processus est très critiquable et d’ailleurs, cela fait partie de la démocratie. Mais nous ne pouvons pas, en tant que parti politique, en tant que parti républicain, nous ne pouvons pas appeler un jour à la stabilité des institutions et le lendemain à un chamboulement des institutions. Ce n’est pas franchement nos démarches. Que d’autres aient ces démarches, nous sommes en politique, nous sommes en démocratie, cela les engage et cela n’engage pas le MLPC. C’est pour ça, nous demandons à ce que le processus électoral, la question de sécurité, la question de survie quotidienne des Centrafricains soient menées de la manière la plus efficace pour que le peuple puisse s’exprimer lorsque l’ensemble des conditions serait réuni. C’est quoi les conditions? C’est que, le recensement de la population atteigne un niveau critique c’est à dire, la quasi-totalité ou la totalité des objectifs en matière de recensement doivent être atteints, que nos compatriotes puissent se déplacer pour aller s’inscrire, pour aller demain participer à des meetings électoraux, après demain aller au référendum voter leur constitution, et choisir dans la foulée leurs députés, choisir leur présidente ou leur président. Je crois que cette affaire est suffisamment sérieuse pour qu’elle soit menée dans la sérénité et en toute responsabilité.
Mais M. le président, le Conseil national de transition vient d’adopter la nouvelle Constitution et il y’aura bientôt une Assemblée bi-camera avec le Sénat. Est-ce que vous pensez qu’avec les moyens que nous avons aujourd’hui, on peut encore supporter des charges qu’on veut apporter sur celles que la Centrafrique en avait déjà?
MZ: Oui, j’entends des déclarations, je lis dans la presse que le Sénat est budgétivore etc. Je trouve que les uns et les autres mettent la charrue avant les bœufs. On ne connait même pas le nombre des sénateurs, donc on ne connait pas le budget alors qu’on dit que ce Sénat est déjà budgétivore. Non! Je pense qu’il faut amener les choses à leur juste proportion. D’abord le bon sens. Lorsqu’il y’a eu la crise politique chez nous, et que l’Administration civile s’est effondrée, que l’Administration sécuritaire s’est effondrée, qu’il n’y avait plus de ressort entre la population et l’Etat, qu’est-ce qu’on a vu? On a vu Mgr Dieudonné Nzapalainga, chef religieux catholique, on a vu l’Imam Kobin Layama, chef religieux musulman, on a vu le Pasteur Nicolas Guérékoyamé, chef religieux protestant porter à bout de bras ce qui restait de la République centrafricaine pour le ressouder. Ils ont été des héros. Il n’y avait plus rien. L’Etat était vacillant, sinon virtuel et la population s’entretue. Il a fallu que ces fils du pays de par la confiance que la population leur fait sur le religieux arrivent à renouer le fil du dialogue. Ailleurs au Burkina, quand il y’a eu la première crise entre les militaires qui ont fini par prendre le pouvoir et le Premier ministre qui est issu de leur rang, qu’est-ce qui s’est passé? Le Premier ministre s’est réfugier chez le Moro Naba le chef traditionnel des Mossis, nous ici, nous n’avons pas de chefs traditionnels. Nous n’avons même pas des maires élus. Quand on a un pays où il n’y a pas de relais de ce type entre le peuple et l’Etat, on doit conceptualiser des institutions qui permettent le lien entre le peuple et l’Etat. Et ce lien, on peut le trouver à travers la remise en marche des collectivités territoriales avec des élus locaux. Ces élus locaux se retrouveraient dans une chambre haute de l’Assemblée nationale pour servir d’amortisseur et le tampon entre le peuple et l’Etat. Ce même rôle peut aussi être joué par les chefs traditionnels qui doivent être réhabilités et se soumis au processus électoral pour venir également au Sénat. Nous sommes un pays de 4.200.000 habitants. Nous n’avons pas besoin d’avoir un Sénat à la dimension de l’Assemblée nationale. L’avantage c’est que, nous serons obligés d’évoluer vers la décentralisation. Parce que, nous serons obligés d’avoir des maires élus et donc d’achever le processus des élus locaux que nous n’avons jamais mené à son terme depuis l’indépendance en 1960. Donc d’avoir des maires élus, des représentants élus de la population à la base dans les collectivités locales, lesquels représentants élus seront éligibles à ce Sénat. C’est le schéma à tracer pour ce Sénat. Lorsque vous sortez d’une crise comme celle que notre pays a vécue, il ne faut pas s’interdire la réflexion et l’action sur ce qu’il faut faire. Ain qu'il n’y ait pas de rechute.
Dans une déclaration faite le lundi 28 août dernier à la nation, le ministre en charge de la Sécurité publique, M. Dominique Saïd Paguendji est revenu sur les accords de Nairobi pour décrier les propositions de démission des autorités de la transition, la mise en place d’un nouveau parlement de transition en lieu et place de l’actuel CNT, d’un nouveau gouvernement de transition avec un nouveau Premier ministre et l’amnistie générale pour tous les anciens combattants.
MZ: Oui, moi je pense que la position du MLPC est une fois de plus claire. Nous faisons partie des forces démocratiques de la transition. Il vous souviendra qu’il y’a moins de cinq mois, nous avons organisé une marche à Bangui pour nous opposer à ces prises de positions depuis Nairobi, et notre position n’a pas changé. Nous pensons que tout cela relève au mieux de la diversion. Je pense qu’aujourd’hui, nous devons tous nous atteler sur deux fronts: le retour à la sécurité. Parce que, ce qui préoccupe les Centrafricains aujourd’hui, c’est leur survie physique, leur sécurité physique. Si à Bangui vous prenez dix Centrafricains, et que vous leur demandez ce qui les préoccupe, ils vont parler de la sécurité; si vous allez à l’intérieur du pays, et que vous leur demandez ce qui les préoccupe, les dix vous diront que c’est la sécurité. Cela veut dire que le problème n°1 est la sécurité. Il faut travailler sur la sécurité en Centrafrique. Deuxièmement, la transition a vocation (…). Il faut que les conditions soient réunies par les autorités de la transition, par l’Autorité nationale des élections et par la Communauté internationale qui nous accompagne pour que nous ayons des élections qui permettent aux Centrafricains de s’exprimer réellement. Parce qu’il faut que les autorités qui sortiront de ces élections, il faut que l’Assemblée nationale qui sortira de ces élections aient la légitimité nécessaire pour s’attaquer au cœur des problèmes qui conditionnent de notre pays en tant que nation c'est-à-dire, la poursuite du chapitre sécurité, de réforme du secteur de sécurité, DDRR, et la remontée en puissance de nos forces de défense et de sécurité. Et puis, c’est lorsqu’on aura progressé sur le chemin de la paix que nous pouvons dire que nous avons les atouts en main pour reconstruire notre pays. On ne reconstruit pas un pays dans une situation de chaos sécuritaire et de désordre sécuritaire. Donc, il faut que les choses soient claires. Plus, nous perdons de temps dans le schéma de ce type, plus nous faisons du mal à notre peuple. Plus, nous perdons de temps dans les atermoiements, plus nous prolongeons la souffrance de notre peuple. Il faut bien organiser les élections pour ne pas qu’il y’ait des contestations qui vont remettre en cause la sécurité collective. Il ne faut pas donner de prétexte aux extrémistes. Il faut que le processus soit inclusif, clair, solide et qui puisse permettre également à la majorité de la population de se reconnaitre dans les résultats des élections. Et c’est le préalable pour sortir le pays de ces crises là, et demain de ramener le pays sur les rails du développement.
Des rumeurs font état de ce que d’ici décembre prochain, plus de 1300 Faca y compris les Officiers vont partir à la retraite. Comment faire pour que les Faca soient un produit national?
MZ: Je ne suis pas au courant de cette information, vous me la donnez maintenant. Je pense que la conception et la perception du MLPC, c’est que la question de sécurité qui déterminera notre pays en tant que nation, la question sécuritaire est une question centrale. Vous aurez remarqué que les plus grandes économies du monde sont également les pays les plus sûrs sur le plan sécuritaire. L’un ne va pas sans l’autre. Il n’y a pas de développement sans sécurité. Mais il n’y pas de sécurité non plus sans le développement. Donc, ce tandem là est au cœur de notre démarche. Nous disons que le plus grand chantier de ce pays, c’est la réforme du secteur de sécurité qui englobe selon notre vision le DDRR. Et nous pensons que toute politique qui ira dans le sens de l’appropriation de la question sécuritaire de notre pays par le gouvernement centrafricain et par les Centrafricains, c’est la pierre angulaire de l’édifice centrafricain qui sera construit demain. Je n’ai pas les détails sur l’information que vous venez de me donner. Mais je pense que, si une telle information s’avérait, il serait bien que le gouvernement communique là dessus pour qu’on sache le contenu réel ou les motivations réelles. Peut être qu’il y’a des motivations techniques, je ne sais pas et cela nous permettrait comme politique de prendre position.
M. le président, nous voudrions avoir votre point de vue par rapport à la décision rendue par le Cour constitutionnelle, interdisant certains acteurs politiques à participer aux élections. Est-ce que ceux frappés par la sanction peuvent se rallier au MLPC pour battre campagne?
MZ: Non, je crois que vous avez posé trois questions dans une question. La première question concerne notre réaction par rapport à la décision de la Cour constitutionnelle de transition. Lorsque la transition avait démarré, qu’il y’a eu changement d’équipe à la tête de l’Etat en janvier 2014. Au mois de février 2014, l’Alliance des forces démocratiques pour la transition a écrit au Médiateur pour lui dire que la Charte constitutionnelle avait prévu l’inamovibilité des premiers responsables. Et comme maintenant il y’a un changement, quelle serait la position de la Médiation par rapport à la question de l’inamovibilité? On n’a pas reçu de réponses. Ensuite, on a écrit à l’Organisation internationale de la Francophonie, à l’Union européenne et aux Nations unies pour demander leurs positions par rapport à ce changement. Il nous a été répondu que c’est la Cour constitutionnelle de transition qui a la compétence pour décider de cette question. Lorsque la Cour constitutionnelle a rendu sa décision, nous sommes des républicains, nous en prenons acte et nous nous soumettons à cette décision. Donc pour nous au MLPC, ce débat a été clôturé par la décision de la Cour constitutionnelle de transition. Maintenant, qu’est-ce que les personnes concernées vont faire ou veulent faire. Je pense qu’il faut leur poser la question. Je ne peux pas répondre à leur place. Et est-ce que ces personnes vont s’associer au MLPC? C’est la même chose. Il faut leur poser la question. Je ne me vois pas en train de répondre à des questions d’engagement politique à la place des personnes concernées. Mais ce que je voudrais dire c’est qu’il y’a un proverbe peulh qui dit que: « Lorsque vous entrer dans une maison et que la porte par laquelle vous êtes entré se ferme, retournez vous. Il y’a une autre porte qui est derrière vous et qui vous permet de sortir et d’arriver sur une voie plus large». C’est le seul avis que je peux vous donner. C’est que la vie est simplement évolution. La vie est mouvement, et le sort est parfois contraire. Il ne faut pas se décourager. Parce quand on est militant politique, il faut continuer le combat politique qui peut se mener de manière différente dans l’intérêt général. Mais au MLPC, nous restons ouverts. Je venais de vous dire que notre concept est la réconciliation, le rassemblement et la reconstruction. Nous sommes ouverts à toutes les forces vives de la nation