YAOUNDE -- Trois jours après l'escalade de violences survenue samedi suite à l'assassinat d'un conducteur de mototaxi de confession musulmane, la tension demeurait vive mardi à Bangui, où le "général" Mazimbélé, un des dirigeants des milices anti-Balakas tué dans un accrochage avec la gendarmerie deux jours auparavant, a été inhumé dans son fief de Boy-Rabe.
Ex-caporal de gendarmerie reconverti en résistant après la chute du régime de François Bozizé le mars 2013 par l'alliance rebelle de la Séléka conduite par Michel Djotodia, le "général" Mazimbélé était un personnage clé des milices chrétiennes anti-Balakas dont il dirigeait une faction de Boy-Rabe, quartier populaire de Bangui devenu une zone interdite pour les forces régulières centrafricaines.
Un échange de tirs entrepris pour défier une unité de la gendarmerie nationale lui a coûté la vie dimanche soir dans cette zone, après le couvre-feu instauré ce jour-là de 18H00 (17H00 GMT) soir à 6H00 (5H00 GMT) le lendemain matin, par les autorités de transition en vue de permettre un retour au calme dans la ville, d'après les faits rapportés par l'archevêque de Bangui, Mgr. Dieudonné Nzapalainga.
"Hier [lundi], je suis allé son corps. Je pense que c'est coup dur pour son groupe, qui apparaissait préoccupé par ses obsèques organisées cet après-midi. On ne sait pas ce qui se passer, je veux dire qu'on est soucieux de savoir si cette organisation va chercher à se venger", a dit le prélat dans un entretien téléphonique avec Xinhua mardi en fin d'après-midi.
C'est une mesure de représailles de la communauté musulmane de Bangui, soutenue par les ex-rebelles de la Séléka pour la plupart issus de cette confession religieuse, contre la composante sociologique chrétienne, en réaction à l'assassinat du conducteur de mototaxi à PK5, autre zone à risque, qui a replongé la capitale centrafricaine dans la violence depuis samedi.
Entre barricades érigées sur ses principaux axes et pillages en tous genres visant à la fois les services administratifs, les entrepôts humanitaires et les commerces, la ville continuait de vivre une situation de paralysie mardi, au lendemain d'une journée d'extrême tension où des groupes de manifestaient ont tenté d'accéder au palais présidentiel la veille pour réclamer la démission des autorités de transition.
"L'administration est fermée, les écoles ne sont pas ouvertes, les commerces aussi. Il y a peu de voitures qui circulent. La MINUSCA [Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en RCA] et les Sangaris [force française] étaient en train de dégager les barricades, à partir de PK5 jusqu'à l'Avenue Barthélémy Boganda", a rapporté Mgr. Nzapalainga.
De sources officielles, une vingtaine de personnes ont été tuées, environ 80 autres blessées dans ces violences et une série de maisons incendiées. Les Nations Unies annoncent quant à elles 36 morts et quelque 27.400 déplacés.
L'Hôpital général et l'hôpital communautaire de Bangui, les deux plus grandes formations de la ville, sont principalement sur la brèche. L'une et l'autre bénéficient respectivement de l'appui des équipes d'intervention de l'Ong Médecins sans frontière (MSF) et du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) pour la prise en charge des blessés.
En dépit des opérations de sécurisation menées par les forces internationales représentées par les Casques bleus de la MINUSCA et les soldats français de Sangaris, les inquiétudes des populations centrafricaines ne se dissipent pas beaucoup, à cause d'importants stocks d'armes en circulation de la part de groupes armés incontrôlés, dont en tête les ex-rebelles de la Séléka et les milices anti-Balakas.
A elle seule, la présence des forces de défense évoquée par le Premier ministre Mahamat Kamoun dans un entretien avec Xinhua mardi matin n'a pas aidé à empêcher l'évasion "depuis hier [lundi] de tous les prisonniers" de la principale maison d'arrêt de Bangui sise au quartier Ngaragba, selon Mgr. Dieudonné Nzapalainga.
Les chiffres officiels estiment à environ 600 le nombre de détenus s'étant fait la belle. Pour le responsable de l'Eglise catholique, ces statistiques sont probablement en deçà de la réalité, eu égard à l'état de surpeuplement qui caractérise les pénitenciers en Afrique.
De retour en urgence de New York aux Etats-Unis où elle prenait part aux travaux de la 70e Assemblée générale des Nations Unies, la présidente de transition Catherine Samba-Panza a pointé les dignitaires de l'ancien régime de François Bozizé d'être les instigateurs de cette flambée de violences, qui font ressurgir les rivalités entre les communautés musulmanes et chrétiennes de Bangui.
"Ce sont les ennemis de la paix, pour ne pas dire les extrémistes qui ont voulu entraîner la population dans ces événements", pense lui aussi l'archevêque de Bangui.
Cette nouvelle crise survient au moment où la RCA s'organisait à tenir des élections cruciales pour la désignation de nouveaux dirigeants élus. Le calendrier de ce processus prévoyait le premier tour de la présidentielle le 18 octobre, après l'organisation d'un référendum sur l'adoption d'une nouvelle Constitution fixé au 4 octobre.