Face au chaos qui règne à Bangui, la présidente de la transition a dû quitter l’assemblée de l’ONU. Alors qu’elle rassurait à New York sur la bonne tenue de la présidentielle, elle parle désormais d’un report.
Plus les jours passent et plus la situation de Catherine Samba-Panza (CSP) semble intenable. Le 30 septembre, c’est assise dans un hélicoptère de l’armée française que la présidente de la transition centrafricaine a effectué le trajet séparant l’aéroport M’Poko de sa résidence de Bangui. Les rues de la capitale avaient pourtant retrouvé un semblant de calme. Mais la veille au soir, le chaos régnait encore. Pendant quatre jours, la Centrafrique a été le théâtre des violences les plus intenses depuis l’élection de CSP en janvier 2014. Bilan : plus de 60 morts.
Devant la violence des affrontements à Bangui, CSP interrompt sa visite à New York
Après le meurtre d’un chauffeur de confession musulmane dans la nuit du 25 au 26 septembre, des milices armées basées dans le quartier du PK5 (la dernière enclave musulmane de Bangui) attaquent le 5e arrondissement, un quartier à majorité chrétienne. Depuis New York, où elle assiste à l’Assemblée générale de l’ONU, Samba-Panza est informée des représailles. Ses conseillers estiment qu’il lui faut rentrer, même si cela vient bousculer un voyage crucial, rythmé par plusieurs moments forts : deux adresses à la tribune des Nations unies – dont l’une ce 26 septembre précisément -, et une réunion spéciale consacrée à la Centrafrique le 1er octobre.
Malgré le décalage horaire, CSP suit minute par minute la situation à Bangui, l’intensité des combats et le pillage des ONG. Le 27 septembre à la première heure, elle convoque une réunion de crise avec sa délégation. Peu de temps après, dans la capitale, les milices anti-balaka tentent, sans succès, de prendre la gendarmerie nationale, et des manifestants demandent son départ. La présidente décide alors de regagner Bangui. C’est donc son ministre des Affaires étrangères, Samuel Rangba, qui prononcera son second discours à la tribune de l’ONU, le 30 septembre.
D’abord avancé, son entretien avec le chef de la diplomatie française, Laurent Fabius, n’a finalement pas lieu faute de temps – l’entourage de CSP reprochera d’ailleurs à la France son manque de « soutien lors de ces moments difficiles ». Le 29 septembre, Samba-Panza prend place, avec le patron de la Minusca, le Gabonais Parfait Onanga-Anyanga, dans le vol Air France à destination de Douala, via Paris. Elle qui souhaitait vite regagner Bangui doit patienter une demi-journée au Cameroun, le temps pour les Nations unies d’affréter un vol.
Des élections retardées ?
Peu après son retour, elle s’adresse à la nation : « Avec la dernière tentative de coup de force [derrière laquelle elle voit la main des anciens chefs de l’État François Bozizé et Michel Djotodia] que nous venons de vivre, les élections risquent bien de s’éloigner. » La présidente avait pourtant réaffirmé à New York qu’elle ferait tout pour que la présidentielle se tienne avant le 31 décembre – date de la fin de la transition – et qu’elle ne serait pas candidate. Cette déclaration risque donc de ne pas plaire à tout le monde… À commencer par la France, pour qui rien ne doit retarder le processus électoral. Au contraire, ces événements renforcent Paris dans l’idée que le scrutin doit avoir lieu dans les plus brefs délais, malgré une situation sécuritaire difficile. Une position partagée par la grande majorité de la communauté internationale.
« Plus l’on attend et plus la situation deviendra intenable, ce qui donnera du grain à moudre à ceux qui ne veulent pas des élections. Et ils sont nombreux », estime un candidat. « Les Centrafricains ne doivent pas oublier qu’ils sont sous perfusion et qu’ils doivent prendre des décisions en concertation avec ceux qui permettent à leurs citoyens de manger », s’impatiente un diplomate occidental.
Vincent Duhem