Quel bilan tirer de 18 mois de lutte contre le virus Ebola, qui a causé la mort de quelque 11 000 personnes en Afrique de l’Ouest ? Jeudi à Paris, la secrétaire d’Etat française au Développement et à la Francophonie, Annick Girardin, a animé une conférence-débat sur ce sujet. Au micro de Christophe Boisbouvier, elle annonce une nouvelle aide pour la Guinée. Elle s’exprime aussi sur la situation en Centrafrique et au Congo-Brazzaville.
RFI : « La crise Ebola a révélé la fragilité des systèmes de santé », avez-vous dit lors de cette conférence, ce jeudi à Paris. Que faut-il changer en priorité ?
Annick Girardin : D’abord, je crois qu’il faut dire aujourd’hui que je suis fière de la France, fière de ces 600 personnes qui se sont rendues en Guinée-Conakry au risque et au péril de leur vie. Et je veux ici leur dire merci. Fière aussi de l’engagement financier de la France, qui est de 160 millions d’euros à ce jour, dans la partie « lutte contre le virus ».
Le fait que l’alerte ait été donnée, non pas par les pouvoirs publics, non pas par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), mais par une ONG – Médecins sans frontières -, vous amène-t-il à faire le constat d’une faillite collective ?
Oui. Sans Médecins sans frontières, sans ce cri d’alarme, combien de temps aurait-on mis à se mobiliser ? Ce cri d’alarme, il montre aussi qu’il y a défaillance, notamment de l’Organisation mondiale de la santé, ou du moins des représentations de cet organisme international au plan régional. Nous sommes tous d’accord pour dire que cette Organisation mondiale de la santé est un outil qu’il nous faut réformer, pour que plus jamais l’on puisse mettre un tel temps à répondre. Parce que c’était un vrai retard à l’allumage. C’est pour cela que la France pousse des travaux au sein de l’Organisation mondiale de la santé, pour que soit créée notamment une réserve humanitaire qui puisse intervenir, mais aussi des fonds financiers rapidement mobilisables.
Et pour la reconstruction de la Guinée de demain, qu’allez-vous faire ?
La France va donc soutenir la Guinée à hauteur de 174 millions d’euros. Et sur le volet « reconstruction », nous allons nous consacrer essentiellement à quatre chantiers. Le système de santé, bien sûr, avec la Guinée qui doit elle aussi s’impliquer dans le financement de cette phase de reconstruction. Le deuxième chantier, c’est l’éducation et la formation ; le troisième, c’est l’accès, bien sûr, à l’eau et à l’électricité ; et puis le dernier, c’est la relance économique de la Guinée.
Ce vendredi, vous vous rendez en Centrafrique quelques semaines après les terribles affrontements qui ont ensanglanté Bangui, la capitale. La transition n’est-elle pas en train d’échouer ?
Ma visite, c’est de venir dire à la transition qu’il faut aller au bout de l’objectif, qui est d’organiser des élections en Centrafrique. Ces élections, elles doivent absolument être organisées telles qu’elles sont prévues aujourd’hui, avec d’abord un référendum constitutionnel autour de la mi-décembre, un premier tour pour les présidentielles avant la fin de l’année, et puis un second tour au tout début d’année. Je crois que c’est important. Il faut qu’on y arrive, à cette phase d’élections, parce que ça renforcera la démocratie en Centrafrique et ça permettra de penser la reconstruction.
Au Congo-Brazzaville a eu lieu dimanche dernier un référendum constitutionnel très controversé. Et l’Elysée annonçait quelques jours plus tard que les conditions dans lesquelles il avait été organisé ne permettaient pas d’en apprécier le résultat, notamment en termes de participation. Voulez-vous dire que le taux officiel de participation n’est pas crédible ?
Je crois qu’il faut rappeler la position de la France. Le président de la République l’a dit il y a plus d’un an ; nous étions à Dakar au sommet de la Francophonie et on a rappelé deux choses. La première, c’est que les constitutions ne doivent pas être malmenées. L’alternance ne doit pas être empêchée. Et le deuxième point, c’est que dans une République, les consultations électorales doivent se tenir dans des conditions de transparence incontestables. Parce qu’on voit bien que s’il n’y a pas de transparence, il y a une contestation de l’opposition, une contestation des populations… Et c’est tout à fait logique. Organiser un scrutin ne suffit pas pour pouvoir cocher la case démocratie.
Cela veut-il dire que vous ne reconnaissez pas les résultats de ce référendum constitutionnel ?
Ça veut dire tout simplement que nous avons des doutes sur les chiffres qui ont été exprimés en termes de participation. Vous savez, il faut faire attention. Il y a, avec récemment ce qui est arrivé au Burkina Faso, des exemples qui montrent que la démocratie, la transparence, doivent être toujours présentes dans les scrutins. C’est ce que nous plaidons.
En pointillés, vous nous dites donc que les résultats de ce référendum de dimanche ne sont pas très crédibles. Mais ces résultats aujourd’hui sont validés par le pouvoir et tout laisse penser que l’année prochaine, Denis Sassou-Nguesso va briguer un troisième mandat. Comment va réagir la France ?
Le président de la République François Hollande a appelé à rassembler, a appelé au respect et à l’apaisement. La France a largement montré dans toutes ses interventions combien le dialogue est important, mais le dialogue avec tous, pour une meilleure inclusion.
Depuis 2012, le budget de l’aide publique au développement est en baisse continue. Cette année, vous étiez sur le point de présenter à nouveau un budget en baisse pour l’année prochaine. Et puis, il y a eu une révolte à l’Assemblée nationale et au Sénat. Les parlementaires vous ont dit : « Non, stop ! » Et cela vous a contraints à revoir votre copie. Vous vous êtes un peu fait tirer l’oreille, non ?
Moi, je ne le dirai pas comme ça. C’était il y a déjà quelques mois ; ce budget de l’APD, de l’aide publique au développement, était en baisse encore une nouvelle fois, parce qu’effectivement ce budget est en baisse depuis cinq ans et nous avons perdu 500 millions d’euros. Toutefois, nous savions déjà, et nous l’avions déjà dit à nos partenaires, qu’une annonce du président de la République serait faite fin septembre à New York. C’est une question de calendrier. L’annonce du président ne pouvait pas se faire avant, et donc elle ne pouvait pas être prise en compte dans la première mouture de ce budget. Les annonces du président de la République ont eu lieu fin septembre et le gouvernement a déposé deux amendements qui permettaient que ce budget soit augmenté de 150 millions – et donc, pour la première fois, soit stabilisé après cinq ans de baisse. Les parlementaires souhaitaient une hausse au-delà effectivement de la stabilisation, une hausse. Et ça a été l’objet de leurs propres amendements. Ce qui fait aujourd’hui que moi, je me réjouis pour le développement de ce budget qui aujourd’hui est en augmentation.