En Centrafrique, le principe basique et intangible d’un Etat de droit, l’armée républicaine au service de la démocratie, a été en permanence bafoué par les dirigeants. Les mutineries des années 1990 ont affecté gravement l’armée centrafricaine. S’ensuivra toute une série de désertions de certains vaillants officiers, sous-officiers et soldats. Ces mutineries et ces nombreuses désertions ont fini par affaiblir ce qui restait de la valeur combattive des FACA. Elles ont conduit à la dislocation morale et même physique des Forces Armées Centrafricaines. Leur implication très marquée dans le jeu politique leur ont fait perdre tout sens de neutralité.
Au plus haut niveau de commandement, les chefs d’état-major des FACA ont brillé par leurs comportements loufoques dans l’organisation des coups d’Etat. Quatre anciens chefs d’Etat-major sont devenus présidents de la République grâce à des coups d’Etats. Cela démontre, en effet, l’immaturité de la chaine commandement des FACA. Aussi, j’imagine qu’elle fut en partie traumatisée par les nombreux coups d’Etat perpétrés par ses Chefs. La montée en puissance des éléments de la Garde Présidentielle ou Sécurité Présidentielle, des milices pro-gouvernants, mieux équipés mais peu expérimentés, issus pour la plupart de l’ethnie présidentielle, ont fragilisé fortement et durablement le moral des troupes et entrainé l’exil des soldats qui ont choisi l’armée par vocation. Tous les repères qui faisaient la fierté des militaires ont été détruits. La chaine de commandement a été ruinée par la corruption et le clientélisme, fragilisée par un manque d’objectif stratégique, même celle de la défense du territoire complètement ignorée. L’offre de formation était attribuée en fonction de l’ethnie accentuant encore plus les craintes et les divisions au sein des différents corps. Cela a induit de nombreuses suspicions et rivalités malsaines et haineuses entre les GP, les miliciens, les anciens mutins et le reste des FACA. La solidarité qui aurait du prévaloir au sein de l’armée et le principe de neutralité politique d’une armée républicaine avaient disparu.
Discipline, solidarité, courage, abnégation, sens du service public et respect des institutions et autres, principes ou valeurs intrinsèques liées à des logiques comportementales au sein de l’organisation militaire ont disparu. C’est ainsi qu’il a été constaté la présence de nombreux militaires avec tenue et armes dans les ngandas, bars et discothèques. Ces déviances ont fragilisé l’honneur des soldats centrafricains. C’est l’effondrement des valeurs militaires. Ces attitudes ont abouti à une déprogrammation des cerveaux, plus aptes à se déhancher sur les pistes des dancings qu’à s’entrainer efficacement pour défendre le pays. Cette déprogrammation a été encore facilitée par une consommation excessive de l’alcool, la débauche, etc. Les officiers ont doublement peur des hommes de rang. On marche sur la tête.
La désintégration de l’armée centrafricaine a été confirmée quand celle-ci a été mise en déroute par la séléka, une offensive éclaire, sans résistance. A Benz-vi, j’avais vu des soldats se débarrasser de leur tenue, jetés leurs armes et prendre la fuite. Face aux groupes rebelles, c’était chacun pour soi. La raison évoquée lors de cette débandade « on n’avait pas les armes pour combattre ».
L’armée centrafricaine a été instrumentalisée par les différents pouvoirs successifs, par ceux qui exercent la violence « légitime » au nom de l’Etat. Les vaillants officiers ont été écartés de la chaîne de commandement pour certaines, poussés à s’exiler pour d’autres. L’ivresse du pouvoir a poussé les anciens présidents à instrumentaliser l’armée afin de garantir leur longévité à la tête de l’Etat. Les Généraux qui ont défilé à la tête de la RCA ont constitué une armée pour réprimer la population mais jamais assez pour exécuter les tâches républicaines. Les moyens mis à la disposition de l’armée sont dérisoires et insuffisants.
L’ensemble de ces manquements ont fortement contribué à la désorganisation des différents corps de l’armée centrafricaine. Aujourd’hui, c’est l’évidence même que le degré de motivation des militaires centrafricains pour s’impliquer dans la résolution de ce conflit est nul. Ont-ils encore le courage, l’abnégation de mourir pour sauver la patrie ?
Tout cela m’amène à penser que les Forces Armes Centrafricaines ne sont pas opérationnelles pour un programme de réarmement qui devrait nous conduire au désarmement des troupes non conventionnelles. Depuis la prise de pouvoir de Madame Catherine SAMBA-PANZA, les officiers et les soldats auraient pu organiser, par exemple, une discussion en groupe au cours laquelle ils auraient pu mieux s’organiser pour proposer des solutions militaires capables de mettre fin aux désordres dans le pays. Cela n’a jamais été fait. Pourquoi ? Les raisons sont évoquées ci-dessus : inaptitude à combattre, indiscipline, instrumentalisation, manque d’entraînement, absence de courage et de solidarité, effondrement des valeurs, etc.
Il est urgent de rappeler que l’armée doit rester un instrument actif et efficace dans le processus global de promotion de la paix, d’enracinement et d’épanouissement des libertés et des droits de l’homme, de la culture démocratique et de l’Etat de droit. Elle doit constituer aux côtés de l’administration et de la justice, l’un des piliers fondamentaux sur lesquels repose l’Etat de droit.
Il est urgent de penser à la refondation de nos FACA en tenant compte des groupes ethniques composant la population centrafricaine. Il est primordial que les groupes ethniques composant la population soient proportionnellement représentés dans les forces armées nationales. Le recrutement devra se faire par voie de concours organisé dans les préfectures avec des quotas uniformes et arithmétiques.
Je propose la refondation des FACA au réarmement. Cela nécessite du temps bien évidemment.
Martial ADOUMBOU !