A ce moment sombre de son histoire où l’Etat a complètement disparu, la Centrafrique peut-elle se permettre le luxe de commémorer la journée internationale de la démocratie alors que ce terme est devenu incongru dans le vocabulaire centrafricain ?
La démocratie selon la célèbre définition de l’ancien président américain Abraham LINCOLN est « le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple ». Une acception qui ne laisse pas de place à la confusion : c’est-à-dire qu’il ressort clairement de la pensée de cet homme politique que dans un régime dit démocratique, c’est le peuple qui choisit son gouvernement. Ici, il faut lever une équivoque pratique : c’est le peuple qui jette son dévolu sur l’homme ou la femme d’Etat qu’il choisit librement à l’occasion des consultations populaires ou des élections transparentes et crédibles. Et celui-ci, une fois élu est chargé de nommer discrétionnairement, et non pas arbitrairement, sur des critères de compétence celui à qui il confie la charge du gouvernement pour exécuter le programme sur lequel le chef de l’Etat a été élu.
Au deuxième niveau de la définition, ce gouvernement du peuple se doit de répondre aux besoins du peuple en termes de bonne gouvernance, en faisant prévaloir l’intérêt général et non catégoriel. C’est à ce niveau également qu’il faut rendre compte du fait que dans un régime démocratique, le gouvernement du peuple, met l’ensemble des citoyens selon le niveau de leur participation au courant des grandes décisions qui concernent la vie de la Nation tout entière. Et cela passe par l’initiation à tous les niveaux de la vie sociale, culturelle et politique des débats citoyens constructifs, desquels vont sortir des points de vue contradictoires, qui, lorsqu’ils sont bien analysés, conduisent à des décisions, dans lesquelles le grand nombre de citoyens, le peuple, la Nation tout entière se reconnaissent. Cela a la vertu de ne point ériger en règle, la politique d’exclusion qui frustre et réduit le cercle de la gestion du pouvoir, prémices de crises sociales diverses.
Or, ce qui reste de l’Etat centrafricain aujourd’hui est loin de rassembler tous ces ingrédients démocratiques que nous avons partiellement évoqués plus haut. Pour commencer, il n’y a pas à ce jour un régime politique en Centrafrique : il y a au contraire une transition, qui ne peut jamais être démocratique, parce que non reconnue par l’ensemble des citoyens qui ne s’y reconnaissent pas. Les forces politiques de l’opposition sont réduites à des activités temporaires de prises de position, et les organisations de la société civile condamnées à des réclamations qui ne sont pas toujours prises en compte par les autorités de transition. Aussi, le triumvirat de la transition ne s’encombre pas de coups bas, pour tenter de renforcer, de conforter ses positions par rapport aux autres. Tout cela fait que celui qui accorde la légitimité, c’est-à-dire le peuple est muselé, et pour s’exprimer, il se retrouve à ne parler qu’avec le langage des armes avec toutes les conséquences que cela infère.
Pis encore, la thématique sur laquelle la journée internationale de la Démocratie a été commémorée cette année met un accent particulier sur la place de la jeunesse dans le jeu démocratique en tant qu’avenir de la Nation. Dès lors, aussi bien la thématique que le contexte même dans lequel la célébration s’est déroulée en Centrafrique sont non seulement paradoxalement dichotomiques mais plus encore incompatibles avec la réalité centrafricaine. Il est certes vrai que la crise a trop souvent servi de bouc émissaire pour expliquer le naufrage démocratique que le pays a connu, mais il ne faut oublier que les citoyens centrafricains, par les choix politiques qui ont été opérés depuis des décennies, ont perdu la culture démocratique depuis fort longtemps.
Grâce à Dieu Stahedem