Porteur d’un message de paix et de réconciliation, le pape François est arrivé dimanche à Bangui, placée sous haute protection des forces internationales, pour l’étape la plus risquée de sa tournée africaine, dans une Centrafrique en proie à des violences interreligieuses.
L’avion du souverain pontife a atterri vers 10h00 (09H00 GMT) à l’aéroport de la capitale centrafricaine, aux abords duquel des dizaines de milliers de déplacés se sont installés pour fuir les violences et chercher la protection des Casques bleus et des soldats français de l’opération Sangaris qui y sont basés.
Sur le boulevard menant de l’aéroport au centre de Bangui, un imposant dispositif de sécurité était déployé pour protéger le cortège du pape, ont constaté des journalistes de l’AFP.
L’opportunité de maintenir ou non la visite, alors que la situation n’est pas du tout apaisée dans la capitale centrafricaine entre miliciens Séléka (majoritairement musulmans) et anti-Balaka (chrétiens), à quelques semaines de la date prévue des élections, a été discutée jusqu’au dernier moment.
Les services de renseignements français avaient ainsi déconseillé au pape d’accomplir un programme qui le fait visiter plusieurs lieux à risque.Mais François a fait savoir qu’il ne comptait rien annuler.
Les Casques bleus (10.900 hommes au total à travers le pays) et le contingent militaire français (900) comme la police centrafricaine quadrillent Bangui.
Le dispositif sécuritaire a été renforcé sur les sites où se rendra le pape, notamment un camp de réfugiés dimanche midi, l’enclave musulmane du PK5 où il doit se rendre dans une mosquée lundi matin, avant une grande messe dans un stade de 20.000 places.
"Bangui est une petite ville (...).En cas de mouvement de foule, ça sera très difficilement gérable", s’inquiétait samedi une source diplomatique sous couvert d’anonymat.
Le ministre de la Sécurité, Chrysostome Sambia, se disait de son côté "serein car tout a été mis en oeuvre pour assurer la sécurité du pape (...) Il n’y a pas de menace avérée".
Il concédait toutefois que certaines informations faisaient état de "groupes animés de mauvaises intentions dans certains quartiers" placés sous haute surveillance.
La ligne du Vatican est de dire depuis des semaines que l’étape sera maintenue intégralement, sauf si des évènements graves mettaient en péril in extremis la sécurité des foules."Tout le programme dans son ensemble est confirmé", a répété samedi soir le père Federico Lombardi, son porte-parole.
Jubilé à l’avance -
Avant son départ pour l’Afrique, François avait envoyé un message vidéo aux Centrafricains, réaffirmant son intention de contribuer à "un avenir plus serein pour la Centrafrique".
Samedi soir, au camp de déplacés de la paroisse Saint-Sauveur, qui accueille plus de 3.000 personnes, des scouts s’entraînaient à former un cordon de sécurité entre le pontife et la foule.Parmi eux, Fidèle Nodjindorom : "Nous sommes très contents de voir le pape.Il sait qu’il y a des événements dans notre pays et il est peut-être venu pour demander à Dieu de nous sauver".
Dans son message vidéo, le pape avait rappelé qu’il ouvrirait en Centrafrique "un peu en avance" l’Année jubilaire de la miséricorde - une "Année sainte" proclamée par François.
Le pape doit ouvrir dans la cathédrale de Bangui une porte sainte.Il s’agit d’un geste symbolique traditionnel dans les Jubilés : les croyants, en franchissant une porte sainte en pèlerinage, obtiennent le pardon de leurs péchés.
Le Jubilé doit être inauguré le 8 décembre à Rome mais le pape a décidé d’ouvrir cette porte à Bangui 10 jours avant, dans un geste pour l’Afrique souffrant de nombreux conflits.
François a dit vouloir saluer tous les Centrafricains "quelle que soit leur ethnie ou leur religion".
Dimanche, après l’ouverture de la "porte sainte", Jorge Bergoglio doit dire une messe et lancer une veillée de prière sur le parvis de la cathédrale, en confessant quelques jeunes.
Auparavant, il aura effectué une visite de courtoisie à la présidente de transition Catherine Samba-Panza, visité un centre de réfugiés, rencontré la classe dirigeante et le corps diplomatique, réuni les évêques, et se sera entretenu avec les communautés protestantes.
Le pays a basculé dans la violence après la prise du pouvoir à Bangui de la rébellion à majorité musulmane de la Séléka en mars 2013, qui a commis de graves exactions à l’encontre des civils.
L’intervention militaire française en décembre 2013 a chassé la Séléka du pouvoir mais depuis, l’ancienne colonie française, à l’histoire très violente depuis l’indépendance, reste enlisée dans les violences entre musulmans et chrétiens.