L’élection présidentielle centrafricaine aura-t-elle lieu ? C’est la question que l’on se pose depuis longtemps et davantage encore depuis l’annonce hier mardi 8 décembre 2015 de la liste définitive des candidats par la Cour constitutionnelle de transition.
En effet, c’est par des tirs et l’érection de barricades dans plusieurs quartiers de Bangui que la publication des 29 noms des prétendants à la magistrature suprême a été accueillie. Malgré les mesures de sécurité prises par les autorités. Le moins qu’on puisse dire, c’est que ces incidents augurent de sales lendemains dans un pays longtemps en proie à la violence quotidienne.
Autant dire que c’est mal parti pour la présidentielle et les législatives prévues pour le 27 décembre prochain. Une compétition électorale à laquelle ne prendront pas part la présidente de la Transition, Catherine
Samba-Panza, du fait de son statut, son prédécesseur, Michel Djotodia,
écarté du pouvoir en 2014, l’ancien chef de l’Etat, lequel n’a pas daigné
faire acte de candidature, et François Bozizé, recalé pour n’être pas inscrit sur la liste électorale.
Idem pour Patrice-Édouard Ngaïssona, le coordinateur général des milices anti-balaka accusées d’avoir commis d’innombrables exactions sur la population, lequel a également vu sa candidature invalidée en raison de plusieurs condamnations pénales.
C’est peut-être tant mieux eu égard à la part de responsabilité de ces trois derniers dans la crise centrafricaine et à leur capacité résiduelle de
nuisance. Toutefois, la menace reste tout aussi prégnante dans cette Libye de l’Afrique centrale où l’Etat est impuissant face aux milices qui
contrôlent encore des quartiers de Bangui et des provinces. Comment
enfin tenir le pari d’une présidentielle dans un tel contexte ?
Déjà, l’ex-numéro 2 de la Séléka dirigée par M. Djotodia, Nourredine Adam, n’est pas passé par quatre chemins pour dire qu’il s’opposera à l’organisation du scrutin dans la zone qu’il contrôle.
Le coup de semonce donné hier par les empêcheurs d’organiser des élections en rond est symptomatique de l’extrême fragilité du si long processus de sortie de crise. Il n’est que le énième obstacle dans cette interminable course de haies entamée depuis la chute de François Bozizé en 2013. Le remplacement du tombeur de ce dernier, Michel Djotodia, par Dame Catherine de Bangui n’aura pas produit tous les effets escomptés. Comme le témoigne la persistance de la violence politicoethno-religieuse.
Pourtant, que d’efforts déployés pour sortir le pays de Barthélemy Boganda de cette crise dans laquelle il n’aurait pas dû plonger ! Malgré
l’intervention de la communauté internationale, notamment l’expuissance coloniale, la France avec l’opération Sangaris, malgré la
mobilisation des Etats de la sousrégion, malgré le déploiement de Casques bleus, les eaux de l’Oubangui-Chari tardent encore à retrouver leur calme d’antan. Même la visite papale, fin novembre dernier n’aura pas produit le « miracle ». Les multiples appels à la paix et à la concorde lancés par le Saint-Père se seraient-ils heurtés à des coeurs en pierre ? A peine le souverain pontife a-t-il quitté la Centrafrique que les vieux démons se sont mis à tirer de nouveau les ficelles. C’est à croire que même la Providence a lâché ce pauvre pays, victime des péchés politiques de ses dirigeants, depuis le père de l’indépendance, Barthélémy Boganda, à Michel Djotodia en passant par David Dacko, Jean-Bedel Bokassa de sinistre mémoire, pour ne citer que ceux-là. Mais trêve de bondieuseries, pour dire que personne, encore moins une
puissance transcendantale, ne viendra faire le bonheur des Centrafricains à leur place. Et attention à ne pas rater le coche le 27 décembre à venir.
Alain Saint Robespierre