Les Centrafricains se prononcent dimanche par référendum sur le projet de nouvelle Constitution, préambule au premier tour des élections présidentielle et législatives le 27 décembre qui doivent mettre fin à la difficile transition à Bangui.
A trois jours du vote, l'analyste Thierry Vircoulon du centre de réflexion International Crisis Group (ICG) met en garde contre une séquence électorale précipitée, alors que les élections à venir sont celles "de la dernière chance".
Q: Dans un contexte sécuritaire toujours tendu, comment s'annoncent le référendum constitutionnel de ce dimanche et le premier tour des élections le 27 décembre?
R: Ces élections s'annoncent très fragiles et le référendum constitutionnel est détourné de son sens. Retard dans les préparatifs techniques, incertitude sur la faisabilité de la liste électorale, faiblesses organisationnelles, risques sécuritaires, etc. Toutes les conditions négatives sont réunies pour des élections dont les résultats seront contestés et sans doute pour de bonnes raisons.
Le référendum constitutionnel est organisé sans Constitution: les Centrafricains ne l'ont tout simplement pas vue, elle ne leur a pas été distribuée. Du coup, le référendum constitutionnel n'est pas une prise de position sur la Constitution mais un test technique pour voir si la machinerie électorale fonctionne et un vote sur la poursuite du processus électoral et la fin de la transition, que tout le monde veut. Cela porte en germe des remises en cause de la Constitution plus tard.
Q: Des élections coûte que coûte ou précipitées ne risquent-elles pas de remettre en selle l'ex-rébellion Séléka et les partisans de l'ancien président François Bozizé, qui y verront, malgré leur nombre relativement limité, l'occasion de montrer leur pouvoir de nuisance?
R: Je dirais plutôt qu'ils peuvent décider de s'opposer par la force au processus électoral, ce qui pourrait être à leur avantage mais légitimerait encore plus une action de la communauté internationale contre eux. Le blocage du processus électoral par ces groupes armés pourrait amener les forces internationales à faire ce qu'elles n'ont pas voulu faire jusqu'à présent, c'est-à-dire les neutraliser.
Q: Quelle sera la légitimité, la crédibilité du nouveau président s'il est mal élu, alors qu'il ne dispose ni d'armée ni d'Etat?
R: Le principal problème du prochain gouvernement sera d'être moins faible et plus convaincant que le gouvernement de transition, tant pour les Centrafricains que pour la communauté internationale. L'état de grâce risque d'être de courte durée car la pression populaire sera très forte et les problèmes d'après les élections seront les mêmes que les problèmes avant les élections. De ce point de vue, ce sont les élections de la dernière chance pour la Centrafrique: soit le gouvernement qui en sort pourra rétablir un minimum de confiance avec la population et la communauté internationale, soit la Centrafrique continuera sa descente aux enfers.