Bangui – La Mission Multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République Centrafricaine (MINUSCA) et le Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’Homme (HCDH) ont présenté ce vendredi 11 décembre 2015 à Bangui et à Genève le premier Rapport public sur la situation des droits de l’Homme dans le pays. Le Rapport demande aux autorités centrafricaines de «mettre la priorité sur la lutte contre l’impunité pour les graves violations et atteintes aux droits humains passées et présentes» et de «continuer à travailler urgemment pour la mise en place effective du Tribunal pénal spécial».
Le rapport est le résultat d’enquêtes menées par la Division des droits de l’Homme de la MINUSCA entre le 15 septembre 2014 et le 31 mai 2015, soit depuis le transfert d’autorité entre la Mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine (MISCA) et la MINUSCA. Il fait état de violations sérieuses des droits de l’Homme et du Droit humanitaire, y compris des assassinats, des violences basées sur le genre, de restriction de mouvements et d’actes de torture, entre autres.
Le rapport fait une série de recommandations pour assurer l’amélioration progressive de la situation des droits de l’Homme en Centrafrique à l’endroit des autorités centrafricaines, de la communauté internationale et des groupes armés.
S’agissant des groupes armés, y compris les anti-Balaka et les ex-Séléka, le Rapport demande qu’ils réitèrent «leur engagement au référendum constitutionnel et à des élections pacifiques» en s’abstenant de toute forme de violence. Le Rapport leur demande également de jouer un rôle actif dans la mise en œuvre des recommandations du Forum de Bangui. Il précise que «les membres des groupes armés et leurs dirigeants qui mettent en péril la paix et le processus de réconciliation en commettant des violations graves des droits de l’Homme et du droit international humanitaire seront poursuivis devant les tribunaux nationaux ou internationaux et traduits en justice. »
«Ce premier rapport public, qui s’inscrit dans la droite ligne des résolutions du Conseil de sécurité établissant la MINUSCA, sert de référence stratégique aux autorités judiciaires centrafricaines, à la Cour pénale spéciale, lorsqu’elle sera opérationnelle, et à la Cour pénale internationale », a souligné le Représentant du Secrétaire général des Nations Unies en Centrafrique et chef de la MINUSCA, Parfait Onanga-Anyanga.
Au cours de la période sous revue, la Division des droits de l’Homme (DDH) de la MINUSCA a documenté 775 cas de violations des droits de l’Homme qui ont fait au moins 785 victimes, dont 88 femmes, 18 garçons et 25 filles. Le Rapport précise que la protection des civils continue d’être entravée par la présence très limitée d’institutions de l’État en particulier en dehors de Bangui. La lenteur des progrès dans la reconstitution des forces de sécurité régulières, leurs capacités et présence limitées sur l’ensemble du pays et le contrôle de certaines régions du territoire par des groupes armés, constituent d’autres défis à relever. L’administration de la justice continue d’être largement dysfonctionnelle malgré l’augmentation de l’appui et du renforcement des capacités par la MINUSCA ainsi que d’autres acteurs en vue de la réouverture des tribunaux et des centres de détention.
Le Rapport recommande aux autorités de mettre en place une Commission nationale des droits de l’homme en conformité avec les Principes de Paris, en promulguant le projet de loi ainsi qu’un plan d’action pour les droits de l’Homme ; à mener des actions de sensibilisation pour prévenir les violations et les abus des droits de l’Homme consécutifs aux accusations de pratique de sorcellerie et à soutenir les victimes des violences sexuelles basées sur le genre.
Enfin, le Rapport invite la communauté internationale à intensifier l’appui et l’extension de l’autorité de l’État et à apporter un soutien financier et technique pour la mise en place et le fonctionnement effectif de la Cour pénale spéciale. Elle est aussi invitée à mettre en œuvre tous les efforts nécessaires pour traduire en justice les auteurs de violations des droits de l’Homme en République centrafricaine.
RCA: Le Haut-Commissaire met en garde contre le risque de nouvelles violences à l’approche des élections
Le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Zeid Ra’ad Al Hussein, a condamné vendredi les violences intercommunautaires en cours et s’est dit vivement préoccupé par l’utilisation croissante de propos sectaires en République centrafricaine (RCA). Il a averti que cela pourrait avoir des conséquences dramatiques au regard de l’atmosphère pré-électorale extrêmement instable qui règne dans le pays.
« Je condamne fermement les incitations à la violence et les provocations avivant les tensions intercommunautaires qui sont le fait de certains groupes armés et responsables politiques. Elles pourraient très facilement conduire à une nouvelle vague d’attaques ciblées dans le pays », a déclaré le Haut-Commissaire. « Je suis aussi profondément préoccupé par le fait que toutes les parties en présence, y compris les plus hautes autorités étatiques, appellent à la création de groupes d’autodéfense », a-t-il déclaré. « La tendance croissante parmi les chrétiens et les musulmans à s’organiser en groupes d’autodéfense et à exclure toute personne considérée comme n’appartenant pas à leur communauté est très inquiétante », a-t-il poursuivi, en notant que les quartiers mixtes pourraient être bientôt amenés à disparaitre.
Le Haut-Commissaire a déploré les incidents violents qui ont eu lieu plus tôt cette semaine à Bangui, suite à la publication de la liste des candidats éligibles à l’élection présidentielle. Il a appelé les autorités étatiques à prendre des mesures urgentes pour stopper les incitations à la violence et à la haine et pour garantir que justice soit faite en cas de violations des droits de l’homme. Il a aussi exhorté les dirigeants politiques à lancer un appel à leurs partisans afin qu’ils participent de manière pacifique au référendum constitutionnel ce week-end et aux élections présidentielles et législatives dans deux semaines.
Une nouvelle vague de violences intercommunautaires a fait au moins 130 morts et blessé 430 personnes depuis la fin septembre. Onze cas de violences sexuelles ont aussi été documentés. Les attaques contre le personnel de la mission onusienne de maintien de la paix (MINUSCA) et contre les troupes internationales sont aussi en hausse dans plusieurs parties du pays. Lors d’un incident unique survenu dans la ville de Batangafo, située dans le nord-ouest du pays, des heurts ont fait au moins neuf morts, dont six civils et un soldat de la paix, et blessé cinq personnes début novembre. Quelque 730 huttes ont aussi été incendiées.
De plus, environ 13 000 personnes ont été obligées de se réfugier dans les locaux de la MINUSCA. La situation sécuritaire à Batangafo reste très tendue. « La récente visite du Pape et sa déclaration forte en faveur de la réconciliation intercommunautaire, le pardon et la paix a créé une dynamique qui pourrait renverser la spirale négative des derniers mois», a déclaré le Haut-Commissaire. Il a également salué les efforts continus pour promouvoir le dialogue inter-religieux du pasteur Nicolas Guerekoyamene-Gbangou, Président de l’Alliance évangélique, de l’Imam Oumar Kobine Layama, Président du Conseil islamique, et de Mgr Dieudonné Zapalainga, l’Archevêque de Bangui. « Pour ramener le pays vers la paix et la stabilité, l’une des priorités principales de la RCA, si ce n’est la plus importante, est de mettre un terme à l’impunité qui prévaut depuis si longtemps », a déclaré le Haut-Commissaire. « L’absence de poursuites judiciaires mine l’autorité des institutions étatiques et alimente la violence, renforçant le pouvoir des groupes armés et encourageant les citoyens à se faire justice eux-mêmes », a-t-il ajouté. «
L’établissement de la Cour pénale spéciale sera une étape cruciale pour garantir que justice soit faite », a déclaré le Haut-Commissaire. Il a demandé à la MINUSCA d’accroître son assistance aux enquêtes et poursuites nationales, et à la communauté internationale d’augmenter son soutien financier dans ce secteur. Zeid Ra’ad Al Hussein a averti les membres et responsables des groupes armés responsables de violations graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire qu’ils seront un jour poursuivis par des cours domestiques ou internationales et traduits en justice. Il a aussi exhorté les autorités étatiques à réformer, à passer minutieusement en revue et à former les Forces armées centrafricaines (FACA), et à enquêter sur le nombre croissant de violations des droits de l’homme dont elles sont accusées, notamment leur implication présumée dans l’évasion à grande échelle survenue à la prison de Ngaragba et le meurtre d’au moins quatre musulmans entre le 26 septembre et le 17 octobre.
La MINUSCA et le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme publient aujourd’hui un premier rapport* sur les violations des droits de l’homme commises en RCA. Ce rapport, qui couvre la période allant de septembre 2014 à mai 2015, montre qu’en dépit d’une amélioration générale, les violations des droits de l’homme se sont poursuivies dans le pays. Au moins 785 personnes, dont 88 femmes et 43 enfants, ont ainsi été victimes de violations, y compris des meurtres, tortures, enlèvements, violences sexuelles et prises d’otages. Le rapport note également que ces violations résultent principalement de la capacité des groupes armés à opérer librement dans certaines parties du pays et de la culture d’impunité qui continue à prévaloir. Les personnes déplacées internes semblent être particulièrement vulnérables aux violations, et les personnes âgées et les enfants ont été touchés de manière disproportionnée par ces violations, indique le rapport.