En République centrafricaine, la Séléka, cette rébellion armée qui avait pris le pouvoir en 2013 après avoir renversé le Président François Bozizé, vient d’enregistrer une nouvelle dissidence dans ses rangs. En effet, une fraction de ce mouvement a annoncé, le dimanche 26 octobre dernier, la création d’un parti politique pour aller à la conquête du pouvoir d’Etat, en utilisant, pour cela, les canaux reconnus par la communauté internationale. C’est une nouvelle qui devrait mettre du baume au cœur de Dame Catherine, d’autant plus que ce nouveau parti a reçu comme nom de baptême, Union pour la paix en Centrafrique (UPC). Après les exactions commises par ce groupe de combattants, que pouvait-on en effet espérer de plus qu’un sursaut de patriotisme qui ramène à la République ses enfants égarés ?
La question qu’il convient de se poser à présent, est de savoir si la création de ce parti va signer de manière définitive la mort de ce groupe armé. Il est peut-être encore tôt pour l’affirmer, mais on peut déjà soutenir que la naissance de l’UPC met à rude épreuve l’existence de la Séléka puisque que dans ce nouveau parti, se retrouvent certaines grosses pointures de la Séléka. C’est par exemple le cas du Capitaine Ahmad Nedjad, qui était précédemment le porte-parole de l’état-major de cette rébellion armée. Au demeurant, certains observateurs avisés de la scène politique centrafricaine avaient prédit depuis un certain temps, cette scission, vu que les différents leaders du mouvement ne parvenaient plus eux-mêmes à accorder leurs violons sur la plateforme revendicative de la rébellion. Ainsi, l’image d’un mouvement qui parle toujours d’une même voix, que les responsables de la Séléka s’efforçaient de présenter à l’opinion publique centrafricaine, avait fini par voler en éclats. Et le dernier congrès qui avait vu la mise en place d’un état-major général regroupant toutes les fractions combattantes du mouvement, n’avait pas davantage réussi à faire taire les désaccords entre partisans et opposants de la partition du pays.
La scission au sein de la Séléka permet d’envisager avec optimisme le retour de la paix
Ce dimanche d’ailleurs, les propos du Capitaine Ahmad étaient on ne peut plus clairs : « Notre porte est ouverte à tous ceux qui veulent œuvrer pour la paix en Centrafrique. Nous voulons travailler avec tout le monde, à l’exception des gens qui se battent pour la partition du pays. » Un discours par lequel la nouvelle formation politique se démarque radicalement de l’option de Mohamed Moussa Dhafane, numéro trois de la Séléka, qui avait appelé à une partition du pays entre un Nord musulman et une partie Sud qui reviendrait aux Chrétiens.
Cela dit, cette scission au sein de la Séléka permet désormais d’envisager avec beaucoup plus d’optimisme le retour de la paix dans ce pays, car on se rappelle que le géniteur de la Séléka, Michel Djotodia, avait depuis son exil béninois, annoncé lui aussi son intention de créer un parti politique afin de reconquérir le pouvoir, cette fois-ci, par la voie des urnes. De là à imaginer un lien entre ce même Michel Djotodia et les nouveaux frondeurs de la Séléka, il n’y a qu’un pas que certains Centrafricains n’ont d’ailleurs pas hésité à franchir. La probabilité que Michel Djotodia ait choisi de travailler à affaiblir la rébellion afin de favoriser son option d’aller vers la solution politique n’est pas à exclure. Et si c’est le cas, cette stratégie se justifie dans la mesure où la présence des soldats de l’ONU ainsi que de la force Sangaris, décourage largement toute idée de revenir au pouvoir par la voie des armes. La seule alternative qui lui reste dans ce cas est donc la solution politique. Une heureuse initiative, du reste, car c’est, au finish, la démocratie qui triompherait et c’est la Centrafrique qui gagnerait.
Cela dit, il n’est pas à exclure non plus que cette décision de tourner le dos aux armes, ait un lien avec les menaces maintes fois répétées de la Cour pénale internationale (CPI), qui a déclaré avoir dans son collimateur, aussi bien les bras financiers que les têtes pensantes des rébellions armées en Centrafrique.
Il faut à présent souhaiter que l’exemple des frondeurs de la Séléka inspire leurs frères ennemis, les anti-balaka, afin qu’ils reprennent à leur tour le chemin de la république.
Dieudonné MAKIENI