Malgré les perturbations et violences qui ont émaillé le référendum constitutionnel à Bangui et en province, gouvernement centrafricain et partenaires internationaux se félicitent officiellement du "bon déroulement global" du scrutin dans ce pays ruiné par trois années de conflit.
Près de deux millions de Centrafricains étaient appelés aux urnes dimanche pour approuver une nouvelle Constitution, tour de chauffe avant la présidentielle et les législatives du 27 décembre, censées clore une transition à bout de souffle et remettre le pays sur les rails.
Le scrutin a été prolongé lundi dans certaines zones, notamment dans le quartier musulman de Bangui où avaient eu lieu la veille des combats à l'arme lourde, et en province où plusieurs incidents violents ont été rapportés.
Le taux de participation dans le pays n'était toujours pas connu mardi. Quant aux résultats, qui devaient être rendus publics dans les 72h00 suivant le scrutin, ils pourraient être annoncés avec plusieurs jours de retard, selon l'Autorité nationale des élections (ANE).
Le ministre de l'Administration du territoire, Modibo Bachir Walidou, a exprimé mardi "la satisfaction du gouvernement" concernant "le bon déroulement global" des opérations. Il a salué le "courage et l'adhésion du peuple centrafricain à la politique de sortie de crise", malgré les tentatives de certains groupes armés d'empêcher le vote.
Dans le nord et l'est, à Ndele, Birao et Kaga Bandoro, fiefs de l'ex-rébellion Séléka à majorité musulmane, les habitants intimidés par des tirs et des menaces ne se sont pratiquement pas rendus dans les bureaux de vote. De même à Bossangoa (ouest), où les milices chrétiennes anti-balaka sont très présentes, des tirs ont dissuadé les gens de voter.
Les opérations se sont toutefois déroulées normalement dans environ 80% des bureaux de vote du pays, notamment dans sud et l'ouest, selon le chef adjoint de la mission de l'ONU en Centrafrique (Minusca), Diane Corner.
"Il y a des ratés, certes, mais il faut voir d'où l'on part, ce pays est complètement détruit (...) le simple fait que le référendum ait pu avoir lieu est déjà une réussite", estime de son côté une source sécuritaire française sous couvert d'anonymat.
- 'Quelle légitimité?'
Les échéances électorales ont été repoussées plusieurs fois en raison de l'insécurité dans le pays et du défi que représente leur organisation. De nombreuses localités se trouvent dans des régions isolées, accessibles seulement par des pistes dégradées et où l'autorité de l'Etat a disparu depuis des années.
Certaines régions du nord et de l'est restent sous contrôle de factions armées de l'ex-Séléka, qui n'ont pas hésité à détruire du matériel électoral ou à menacer de mort les électeurs se rendant dans les bureaux de vote. A Bria (est) quatre membres de bureaux de vote ont en outre été passés à tabac.
Un diplomate européen relativise le succès du référendum. "Les choses se sont assez bien passées à Bangui et dans les régions majoritairement chrétiennes de l'ouest", les plus peuplées, mais le nord-est du pays, où vit la minorité musulmane "n'a quasiment pas voté" excepté certaines villes comme Bambari où le scrutin s'est déroulé sans incident majeur.
Ce scénario risque de se reproduire lors des élections de fin décembre, estime cette source, qui se demande "quelle légitimité aurait un gouvernement élu sans les populations du nord-est", largement exclu du développement et abandonné aux bandes armées depuis des décennies.
Depuis New York, le patron des opérations de maintien de la paix de l'ONU, Hervé Ladsous, a "exhorté" lundi les autorités centrafricaines à sévir contre les fauteurs de troubles.
"Nous ne devons pas laisser une poignée de gens, comme cela a été le cas hier (dimanche), perturber les aspirations de beaucoup à un succès du processus électoral", a-t-il déclaré devant le Conseil de sécurité, qui s'était réuni pour débattre de la situation dans le pays.
La Centrafrique, un des pays les plus pauvres au monde, est plongée dans le chaos depuis le renversement du président François Bozizé en mars 2013 par l'ex-rébellion Séléka, elle-même finalement chassée du pouvoir par une intervention internationale début 2014.
Célia LEBUR