Entretien avec Christian Mukosa, responsable de recherches au programme Afrique d’Amnesty International.
La Minusca peut-elle obtenir des résultats là où la force de l’Union africaine et l’opération française Sangaris n’ont que très partiellement réussi ?
Le nombre est important, mais c’est d’abord la qualité des troupes qui sera déterminante, leur engagement, leur capacité à se rendre à temps sur les points chauds, à gagner la confiance de la population. Bien déployés dans les endroits stratégiques, et non pas concentrés à Bangui, 10 000 ou même 6 000 hommes peuvent remplir la mission s’ils sont mobiles et efficaces. Le plus important est d’avoir une stratégie concrète de protection. Hélas, c’était loin d’être le cas jusqu’à présent. Il m’est arrivé de voir un nombre impressionnant de militaires de la Misca, assis, oisifs, dans leur cantonnement près de l’aéroport de Bangui alors que les gens avaient besoin de protection urgente dans les quartiers. Beaucoup de témoins ont vu des civils se faire tuer à proximité de militaires de la Misca ou de Sangaris qui préféraient ne pas intervenir de peur de déclencher une réaction qu’ils ne pourraient pas contrôler. Les troupes doivent être formées à ce genre de situations.
Le format militaire de la force est-il adapté à la réalité du terrain ?
Hors de Bangui et des grandes villes du pays, la Minusca devra faire face à des situations militaires, qui exigent un équipement lourd et les tactiques d’une armée. Mais les forces internationales doivent faire face à des situations où des civils sont imbriqués dans les violences. Or, cela n’a pas de sens d’envoyer un tank contre des individus qui sont armés de machettes. Il est préférable de faire intervenir des éléments formés au maintien de l’ordre. Les policiers peuvent approcher les gens, parlementer avec eux. Ils sont en principe plus outillés pour contenir les foules, désamorcer les situations, intervenir selon les standards des droits humains. Il y a donc un problème sérieux de planification et de stratégie. La force des Nations unies devrait s’adapter à cette situation. C’est pourquoi nous avons suggéré aux autorités centrafricaines de restaurer rapidement les forces de police avec l’appui des forces internationales.
Des militaires camerounais et congolais sont mis en cause dans des cas d’exécutions sommaires ou de disparitions. En avril, le Tchad a retiré son contingent, critiqué pour avoir tiré sur une foule qui le prenait à parti. Quelle garantie a-t-on que la Minusca ne commettra pas ce genre de violations ?
Nous avons demandé aux Nations unies de mener des enquêtes sur les crimes de membres de la Misca et de mettre en place un système sérieux de sélection. Les éléments qui ont commis des violations des droits humains dans leur propre pays ou en Centrafrique dans le cadre de la Misca, ne devraient pas faire partie de la Minusca. L’expérience montre que les forces qui ont commis des crimes dans leur propre pays, ont tendance à en commettre ailleurs. Mais selon nos informations, les contingents de la Misca ont été transférés après seulement quelques formations. Ce n’est pas suffisant. On sait qu’il est difficile pour les Nations unies d’attirer les troupes dans un pays comme la RCA, mais cela ne doit pas être une excuse.