Démarrée en Centrafrique en 2008 sur les cendres d'Uramin, l'idylle entre le géant du nucléaire français Areva et Georges Arthur Forrest, l'ancien consul honoraire de la République au Katanga (République démocratique du Congo) va s'achever devant les tribunaux. Encore peu connu du public français, Georges Arthur Forrest a fait son entrée sur la scène politique nationale dans le bureau des juges Van Ruymbeke et Simon le 18 septembre dernier. Entré et ressorti libre de son audition, l'hommes d'affaires belge n'a pas même été chagriné d'hériter du statut de témoin assisté dans la vaste procédure visant à clarifier le patrimoine des époux Balkany, soupçonnés de blanchiment de fraude fiscale et corruption. «Au moins il a accès au dossier», se rassure un proche.
Balkany, le rapporteur d'affaires
Depuis des mois, selon son entourage, l'entrepreneur établi au Katanga (est de la République démocratique du Congo) voulait donner sa version des faits. Et se justifier, lui, ancien consul honoraire de France à Lubumbashi (il a depuis laissé la charge à son fils Malta) sur les raisons qu'il l'ont amené à verser un pécule de 5 millions de dollars sur un compte de Singapour, dont le numéro lui a été indiqué par Patrick Balkany le député maire de Levallois. Le petit pécule n'est, à l'en croire, qu'une commission de 1% sur une affaire que lui a présenté Patrick Balkany en Namibie: le rachat de Forsys. Et tant pis si comme l'a décortiqué Bakchich, l'entreprise canadienne qui posséde toujours des permis miniers en Afrique, n'est jamais tombé dans l'escarcelle du Group Forrest International. «Jamais comme cela a été écrit dans un cable diplomatique américain, M. Forrest n'a été en relation avec des hauts responsables iraniens. Et ce n'est pas cela qui a empêché l'achat de Forsys», déclare Me Ilouz, l'avocat de Georges A. Forrest. Que les Etats-Unis, qui ont ordonné à leur allié canadien de bloquer la transaction, vérifient leurs infos. Et Me Ilouz de compléter. «M. Balkany a apporté l'affaire, il a eu une petite commission d'apporteurs. Le versement de ce montant et la conclusion de la vente n'était pas liée». Pour généreux qu'il a été avec Patrick Balkany, Forrest ne démord ainsi ni de sa version, ni de ses affaires. Entre France et Afrique.
Paris, arbitre des aventures d'Areva et Forrest en Centrafrique
Son passage par Paris ne s'est pas limité à une visite au pôle financier. Forrest en a également profité pour suivre l'avancée d'une procédure qui s'annonce passionnante à l'encontre d'Areva.
Petit retour dans le temps. En 2008, le géant du nucléaire français, encore frétillant d'avoir racheté Uramin et ses permis miniers pour 2 milliards d'euros, ne parvient pas à accéder à ses gisements en Centrafrique. Le président d'alors du pays, François Bozizé, ne reconnaît pas la vente, menace de renationaliser les permis si chèrement acquis par le héraut atomique français.
En panne de solutions, et sur les conseils de la cellule Afrique de l'Elysée dirigée par Bruno Joubert, la hiérarchie mandate Forrest dans un rôle de facilitateur des négociations avec le maître de Bangui. Non sans mal, et avec l'intercession de Patrick Balkany, ces irradiants intermédiaires parviennent à un accord en août 2008. Areva pourra exploiter les gisements d'Uramin, à condition de verser quelque obole au trésor centrafricain. Aucune rétribution, assure Sébastien de Montessus, le directeur mines d'Areva, n'est venu salué le travail des deux orfèvres.
En revanche, une société centrafricaine naît de la rencontre entre Areva et Forrest.
Areva quitte le navire centrafricain
Dans la corbeille de la joint venture, Georges Forrest place tous les permis obtenu en Centrafrique en 2006, 2008 et 2009 quand Areva, via sa filiale CFMM, apporte son financement, estimé à près de 40 millions de dollards. Ainsi naît ArevExplo le 19 juin 2009 selon ses statuts paraphés par Daniel Wouters et Georges Forrest, société de droit centrafricain au capital social de 50 millions de Francs CFA (7500 euros).
Las, le cours d'uranium chutant, la centrale de Fukushima pétaradant, la Centrafrique s'embrasant et le dossier Uramin devenant incandescent, Areva met un frein à ses visées centrafricaines. « Les activités sur le site de Bakouma, dont les permis d’exploitation historiques sont toujours en vigueur, ont été suspendues et les permis d’exploration détenus par Arevexplo venus à expiration n'ont pas été renouvelés, puis la société Arevexplo RCA SA a été mise en liquidation en juin 2013», résume un porte parole du groupe.
En clair, Areva quitte le navire centrafricain sur lequel elle a tant investi. Une décision qui n'a pas été du gout de l'entrepreneur belge, furieux de constater que les permis qu'il avait mis dans la société ont tout bonnement été rendus au pouvoir de Bangui! Légaliste, Forrest a alors appliqué l'article 39 des statuts de la société qui dispose que «tous litiges (…) seront tranchés définitivement selon le règlement d'arbitrage de la chambre de commerce internationale (…) L'arbitrage aura lieu à Paris».
Le tribunal arbitral, en cours de composition, rendra son verdict courant 2015.