«Ici, je suis chez moi!». Large sourire, chemise multicolore à dominante verte, la couleur de son parti, Martin Ziguele à la grande stature s’extrait du petit coucou de brousse avec lequel il sillonne la Centrafrique pour sa campagne présidentielle.
L’un des trois favoris de cette présidentielle destinée à sortir l’un des pays les plus pauvres du monde d’un long cycle de violences intercommunautaires est arrivé à Bocangara, dans le nord-ouest, son fief électoral. Il ira le même jour à Paoua, sa ville natale, et Kaga Bangoro, longtemps point de friction entre l’ex-rébellion Séléka et les milices anti-balaka.
«Je finis par ma région, pas pour les convaincre, car leur vote m’est acquis, mais pour les remercier».
Et la foule est bien présente sur le terrain de football, après 10 kilomètres de piste défoncée qui arrache au candidat d’évidents constats : «Si on ne fait rien pendant cette saison sèche, l’an prochain cette route sera totalement impraticable».
«Pour le goudron, votez Ziguélé!», crie aux villageois sortis de leurs cases son directeur de campagne.
L’ancien Premier ministre, déjà deux fois candidat et opposant historique à l’ex-président François Bozizé, se fait «bénir» avant le meeting, dans une petite maison où il retrouve les candidats députés de son parti, le MLPC, par deux «tantes», qui posent leurs mains sur sa tête inclinée. «Pour lui demander de ramener la paix et d’aider le pays à en finir avec les violences», explique ensuite l’une d’elles.
Devant deux mille personnes, Ziguélé lance son premier slogan de campagne «Victoire!», et la foule reprend «Camarade!». Puis, en fin de discours délivré en sango, la langue nationale, totalement improvisé avec une évidente facilité oratoire, «Premier tour?» «KO!», répond la foule.
Entretemps un prêtre est venu prier, puis plus discrètement car chef d’une religion minoritaire, un Imam. Ce sera la même chose dans les trois étapes du jour.
- mallettes de billets -
«Il faut la réconciliation des Centrafricains, chrétiens, musulmans, nous sommes les mêmes!», lance Ziguélé. «Il nous faut 54 % au premier tour». La foule exulte.
Car dans ces coins reculés du pays, non loin de la frontière camerounaise, où l’on survit de récoltes de mil, d’arachide, de sésame et de quelques poulets, la venue d’un chef politique reste un grand événement.
«C’est très important pour nous, explique la sous-préfète Hélène Denembaye, nous avons des difficultés: nous manquons de maîtres en primaire, nous manquons de médecins».
Le candidat est venu avec deux mallettes pleines de billets, qu’il distribuera pour l’essentiel aux candidats députés de son parti, à chaque étape. Ce sont de petites coupures neuves de 500 francs CFA (76 centimes d’euro), qui sont ensuite distribuées aux électeurs potentiels pendant la fin de cette campagne.
Mais Martin Ziguele, venu avec un seul garde du corps, en offre aussi à Paoua aux soldats des Forces centrafricaines venus assurer sa sécurité, de l’aéroport au stade de foot pour le deuxième meeting. «J’avais demandé leur présence», explique-t-il.
Car Paoua connaît encore de fortes tensions avec les attaques nocturnes «de peuls, de bandits, de coupeurs de routes qui obligent les gens à partir se cacher en brousse», expliquent à l’AFP deux candidats députés, Barthélémy Yarim et Céline Nadjikouma.
Parfois, tel un crooner, Martin Ziguélé se met à chanter pendant son discours, ce qui lui assure un grand succès parmi l’auditoire rangé sous de petites banderoles dont l’un d’elles proclame: «On ne partage pas la pauvreté mais plutôt la richesse à tout moment!»
A sa dernière étape, Kaga Bandoro, il se défend «d’avoir facilité l’arrivée de la Séléka» au moment de la chute de Bozizé (2013) comme le lui reprochent les anti-balaka, et demande aux jeunes «de désarmer immédiatement».
Puis, en un étonnant parallèle, il évoque «la réussite économique des Etats-Unis d’Amérique», devant des dizaines de déplacés dépenaillés, dont des enfants qui se disputent farouchement la moindre nourriture offerte.
Sa tournée finie, le candidat retrouve l’avion léger qui le ramène à Bangui : le temps presse, car il ne peut atterrir de nuit, faute d’éclairage de la piste.