Après plusieurs années de violences intercommunautaires, les électeurs centrafricains doivent voter mercredi 30 décembre pour le premier tour de scrutins présidentiel et législatifs, sauf nouveau coup de théâtre.
Prévus le 27 décembre dans la foulée d’un référendum constitutionnel au déroulement passablement chaotique, ces scrutins ont été décalés de trois jours au tout dernier moment. Un report dû essentiellement aux retards d’acheminement logistique des bulletins de vote dans les zones reculées, à la tardive impression et distribution des cartes électorales et à une ultime formation express d’agents électoraux.
Le scrutin doit mettre un terme au cycle de violences commencé après renversement du président Bozizé, en mars 2013, par la rébellion à dominante musulmane Séléka de Michel Djotodia. Des affrontements qui ont culminé fin 2013 par des massacres à grande échelle et le déplacement de centaines de milliers de personnes, à Bangui et en province. Accusé par la communauté internationale d’inaction, Michel Djotodia a finalement été contraint à la démission début 2014, dans la foulée d’une intervention militaire internationale sous la conduite de la France.
Dirigée depuis par la présidente de transition Catherine Samba-Panza, la Centrafrique tente de panser ses plaies et de redresser une économie ruinée et sous perfusion des bailleurs de fonds qui, France en tête, poussaient à l’organisation rapide d’élections malgré l’insécurité persistante.
Si de l’avis général les résultats de la présidentielle du 30 décembre sont imprévisibles, trois candidats se distinguent parmi les 30 en lice.
Martin Ziguélé
A 58 ans, après deux échecs face à François Bozizé, il aurait pu faire figure de grandissime favori, son parti étant de loin le plus structuré. Mais cet ancien premier ministre de feu Ange-Félix Patassé doit surmonter au moins deux handicaps : une partie de la population considère qu’il a soutenu le coup d’Etat de l’ancienne rébellion Séléka, ce dont il se défend, et ses détracteurs l’accusent d’être le candidat de la France en tant que membre de l’Internationale socialiste.
Anicet Dologuélé
Également âgé de 58, il est lui aussi un ancien premier ministre d’Ange-Félix Patassé. Ce banquier, soutenu par les milieux d’affaires du pays, a obtenu le ralliement du parti de François Bozizé à sa candidature mais cette alliance pourrait être à double tranchant. Bien que divisés, les Gbayas, la communauté du président déchu, représentent une part importante de l’électorat, mais cette nouvelle proximité pourrait également être un repoussoir pour une autre frange des Centrafricains, qui considèrent que M. Bozizé fait partie du problème, en tant que « parrain » des anti-balaka.
Karim Meckassoua
« M. Audit » comme il se définit, jouit, à 61 ans, d’une réputation d’homme rigoureux. Plusieurs fois ministre sous le régime Bozizé, il a ses connexions à Brazzaville, où il est proche du président congolais Denis Sassou-Nguesso, et au ministère de la défense à Paris. Il a également su obtenir le soutien de nombreux relais d’influence dans le pays. Reste une question le concernant : saura-t-il transcender les haines qui se sont cristallisées sur la communauté musulmane du fait des crimes et des pillages commis par la Séléka, dont il fut pourtant un détracteur ?
Un scrutin sous surveillance
La Mission des Nations unies (Minusca) a été déployée pour assurer la sécurité du vote et aider à l’acheminement du matériel électoral (urnes, bulletins). Les forces de sécurité nationales (armée, gendarmerie, police) commencent aussi à être mobilisées dans les points de friction entre milices anti-balaka et ex-rébellion Séléka.
La force française Sangaris (900 hommes) a également été déployée en deux points susceptibles de violences : à Bossangoa, fief de François Bozizé dans l’Ouest, et à Kaga Bandoro, porte d’entrée de la zone dans laquelle l’ex-Séléka est toujours présente.
Vu l’inflation du nombre de candidats, les opérations de dépouillement et de centralisation des résultats par l’Autorité nationale des élections s’annoncent d’ores et déjà longues. Pour le référendum, les résultats ont été annoncés huit jours après le vote. Un éventuel et probable second tour est prévu d’ici à la fin janvier.