BANGUI - Les électeurs centrafricains votent mercredi 30 décembre après trois ans de guerre civile pour élire leur futur président et les 140 députés de l'Assemblée nationale Parlement) pour les cinq prochaines années, un scrutin retardé de plusieurs heures à Bangui, suite à des couacs organisationnels dont l'absence de noms de candidats aux législatives dans les bulletins de vote.
Dès les premières heures de cette journée électorale, des centaines de Centrafricains se rencontrent devant les bureaux de vote de la capitale du pays, visiblement impatients d'exprimer leur choix pour mettre un terme à la transition aujourd'hui dirigée par Catherine Samba-Panza et ouvrir la voie à la normalisation, pour tenter de tourner une longue et sombre période d'instabilité et d'insécurité.
Beaucoup d'entre eux qualifient ce moment d'historique. "Ces élections me donnent l'occasion d'élire la personne que j'estime capable de diriger ce pays", a confié à Xinhua Alain Mwamokobé, un jeune Centrafricain qui votait pour la première fois depuis sa naissance il y a 20 ans, un privilège accordé par l'âge électoral officiel fixé à 18 ans révolus.
Jeune femme rendue à sa sixième participation électorale, Ida Ndoumbé, elle, a dit voter pour que "la paix revienne en République centrafricaine".
C'est le grand défi qui interpelle le futur dirigeant qui sera désigné parmi les 30 candidats à la présidentielle. "Pour moi, le principal enjeu de ces élections, c'est pour nous libérer, parce qu'on a trop souffert. J'attends du futur président qu'il ramène la paix et la sécurité dans le pays", a témoigné aussi Désiré Nzapaketté.
Ce fonctionnaire du ministère de l'Urbanisme, lui, votait à l'amitié Chine-Centrafrique, à côté du palais présidentiel dans le 1er arrondissement, où il est arrivé à 5H53 (4H53 GMT), a-t-il précisé. Il a dû suppléer à l'absence d'un des assistants, le premier assesseur, du responsable du bureau de vote dirigé par Jean Christophe Junior Koyembi.
VOTE DANS UN CALME RELATIF
Le vote se déroulait pour la plupart dans un calme relatif, sous la protection comme partout ailleurs des forces de sécurité centrafricaines et internationales, dont les Casques bleus de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en Centrafrique (MINUSCA) qui, dès le lever du jour, faisait survoler la capitale par ses hélicoptères.
Ses camions ont cependant été aperçus après l'heure d'ouverture officielle des bureaux de vote pour les rondes en vue de l'acheminement du matériel électoral. C'est l'une des raisons des retards constatés dans le déroulement du scrutin.
Ce couac organisationnel a été diversement toléré par les électeurs et a toutefois eu moins d'effet sur l'état d'esprit de ces votants que l'absence de noms de candidats sur les bulletins de vote, situation spécifique aux législatives et signalée dans un nombre important de circonscriptions de Bangui et des villes de l'intérieur du pays.
"Pratiquement, tous les arrondissements de Bangui ont des problèmes de bulletins de vote des législatives", a déploré Remi Sakanga Mourouba, responsable de la commission de l'organisation matérielle et logistique au sein de l'Autorité nationale des élections (ANE), qui recommandait aux responsables des centres et bureaux de vote de " gérer la situation avec beaucoup de diplomatie".
La situation sécuritaire étant volatile, les responsables de l'organe électoral prônaient l'apaisement afin d'éviter de voir la tension monter, comme lors du référendum constitutionnel tenu le 13 décembre. Indigné, un collectif de sept candidats aux législatives de la deuxième circonscription du 6e arrondissement de la capitale est allé s'en prendre à eux.
"M. Sakanga, le collectif est venu vous voir. Nous on demande d'arrêter le processus", tempêté Denis Modé Madé, membre du collectif, qui proposait de prendre le responsable électoral en otage, pour faire "débloquer la situation".
"Nous demandons à l'ANE de prendre ses responsabilités. Arrêtez le processus pour le reprogrammer et l'organiser correctement à une autre date. La transition a été prolongée jusqu'au mois de mars. Pourquoi on s'est précipité à organiser les élections maintenant. On nous parle tout le temps des pressions de la France, mais c'est elle qui nous a mis dans cette merde", pestait à son tour Emile Yando.
Plusieurs autres infortunés se sont vus dans les locaux de l'ANE. A chaque fois, les responsables présents ouvraient le dialogue. "Il y a treize cartons [de bulletins de vote réceptionnés la veille en provenance du Bénin] qui ont été déchargés par la coordinatrice de la MINUSCA qui sont en route", expliquait Godefroy Mokamanédé
Wa-Mokobossabi, le vice-président de cet organisme. Il était un peu plus de 9H (8H GMT). " Hier [mardi], le logisticien de l'aéroport [Bangui M'Pocko] m'a dit qu'il n'y a qu'une partie qui a été déchargée", a précisé en outre M. Mokamanédé Wa-Mokobossabi.
PERSPECTIVE D'ANNULATION
Face à ces irrégularités décriées dans un délai raisonnable, la perspective de l'annulation du scrutin est déjà évoquée pour l'organisation de législatives partielles à une date ultérieure, qui sera fixée après la proclamation des résultats officiels par la Cour constitutionnelle.
Le manque d'urnes et d'isoloirs a aussi préoccupé dans certains bureaux de vote. L'ANE en rejette la responsabilité sur les responsables du Projet d'appui au cycle électoral centrafricain (PACEC), piloté par la représentation nationale du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD).
"C'est eux qui commandent tout, c'est eux qui gèrent tout, sous prétexte que nous ne savons pas gérer. Les milliards qui ont été engloutis dans cette affaire-là, je ne sais pas si on y verra quelque chose", faisait valoir une source interne à l'organe électoral.
Le budget initial pour l'organisation des élections se chiffrait à 36 milliards de francs CFA (environ 72 millions de dollars).
Quelque 1.790 dossiers de candidats ont été validés pour les législatives et 400.000 bulletins de vote ont été réimprimés à Cotonou Bénin), après des erreurs constatées sur les premières listes.
"On avait dit qu'il allait y avoir des difficultés. Donc, on essaie de gérer ce qu'on peut", se défendait un membre, un certain Diabaté, d'une équipe de la division électorale de la MINUSCA du nom de Diabaté, venu de New York (Etats-Unis), en visite à l'ANE.
La durée officielle des opérations de vote est de dix heures. Les bureaux de vote ayant pu ouvrir à 6H devront refermer leurs portes à 16H (15 GMT).
Tout comme la présidente par intérim Catherine Samba-Panza et les autres dirigeants de la transition n'étaient autorisés pas à être candidats. Les candidatures de l'ex-chef de l'Etat François Bozizé et de Michel Djotodia, son tombeur, n'étaient pas non plus admises.
Comme lors du référendum constitutionnel du 13 décembre, les résultats du scrutin ne seront pas connus dans les prochains jours.
Elections en Centrafrique : l'absence de noms de candidats aux législatives provoque de longs retards (REPORTGAGE)