BANGUI, 29 décembre (Xinhua) -- Quelque 1,9 million d'électeurs inscrits se rendent aux urnes mercredi 30 décembre en République Centrafricaine (RCA) pour élire leur futur président et les 140 députés de l'Assemblée nationale (Parlement) pour les cinq prochaines années, un scrutin crucial pour la recherche d'une solution durable à une douloureuse guerre civile vécue depuis trois ans.
Pour la conquête du Palais de la renaissance de Bangui, au décor décati qui tranche complètement avec le faste à l'éclat de l'or de l'époque de Jean Bédel Bokassa (1966-1976), empereur autoproclamé, trente candidats s'affrontent, dont l'un des fils de ce dirigeant qui aura marqué l'histoire de son pays par son caractère fantasque.
Homme politique d'envergure peu imposante, Jean Serge Bokassa, apparaît comme l'un des petits poucets, plus nombreux, venus gonfler le bulletin de vote aux côtés d'une poignée de figures marquantes dans cette course à la magistrature suprême dont l'issue s'annonce finalement incertaine, après une campagne électorale sans panache clôturée lundi.
Fils respectifs d'Ange-Félix Patassé, seul chef de l'Etat centrafricain élu, deux fois de suite (1993 et 1997), démocratiquement à ce jour et renversé par François Bozizé en 2003, et d'André Kolingba (1981-1993), tombeur de David Dacko, Sylvain Patassé Ngakoutou et Désiré Bilal Kolingba Nzanga défendent eux aussi leurs patronymes.
Contrairement au premier, plus connu des milieux d'affaires du pays, le second, par ailleurs économiste de formé aux Etats-Unis et ancien cadre de la Banque mondiale, jouit d'un atout d'expérience d'ancien ministre et d'ancien député à l'Assemblée nationale, qu'il tente de faire valoir sous la bannière du Rassemblement démocratique centrafricain (RCD, le parti de son père).
Ancienne ministre déléguée à l'Action humanitaire dans le gouvernement d'union nationale et de transition d'André Nzapayéké, désigné après l'élection de Catherine Samba-Panza comme présidente par intérim en janvier 2014, Régina Konzi Mongot est l'unique femme en lice à cette élection et sollicite les suffrages d'un électorat auquel elle se présente pour la première fois.
PERSONNALITES BIEN CONNUES
C'est aussi la première participation d'Anicet Georges Dologuélé et d'Abdou Karim Meckassoua, qui ont cependant la particularité des personnalités bien connues de la sphère politico-administrative centrafricaine.
Banquier et économiste de formation, le premier, fondateur en 2003 de l'Union pour le renouveau centrafricain (URC), a été président de la Banque de développement des Etats de l'Afrique centrale (BDEAC) après avoir été occupé les fonctions de ministre des Finances et promu au poste de Premier ministre sous Patassé entre 1999 et 2001.
Directeur de cabinet de Jean Paul Ngoupandé, ex-Premier ministre, Meckassoua a aussi été six ans durant ministre sous le régime de Bozizé, ayant géré, entre autres, les portefeuilles des Affaires étrangères et, en tant que ministre d'Etat, de l'Education nationale.
Homme d'affaires, Emile Gros Nakombo en est quant à lui à sa deuxième tentative, après le rendez-vous de janvier 2011 que Martin Ziguelé, classé troisième derrière Patassé et Bozizé, le putschiste et vainqueur contesté, vécu comme un revers inattendu, un mauvais souvenir que l'ex-chef du gouvernement cherche à effacer de sa mémoire lors de la présente consultation.
Leader du Mouvement pour la libération du peuple centrafricain (MLPC), le parti repris à son ex-mentor Patassé, fait aujourd'hui figure de ténor de la scène politique nationale, un statut qu'il devra défendre face à la multitude de concurrents retenus par la Cour constitutionnelle pour doter la RCA d'un nouveau chef de l'Etat chargé de panser les blessures de trois ans de conflit armé et de chaos.
Pour une population estimée à 4,6 millions d'habitants, cette multiplication de candidats intrigue y compris au sein du peuple centrafricain lui-même. Du coup, des inquiétudes sont exprimées quant à la participation des électeurs au vote, qui n'avait été déjà que de 33% lors du référendum tenu le 13 décembre.
Certes, la principale cause de cette faible participation réside dans la dégradation du climat sécuritaire qui continue de préoccuper.
Mais, la réalité est que beaucoup de Centrafricains manifestent un enthousiasme modéré à l'égard des trente candidats à l'élection présidentielle.
ISSUE DU SCRUTIN INCERTAINE
"Parmi les trente, qui peut faire l'affaire ? C'est la grande question", s'interrogeait par exemple une dame rencontrée mardi au siège de l'Autorité nationale des élections (ANE) à Bangui. "Je suis sceptique quant à la capacité de tous ces candidats à convaincre positivement. Pour cela, la partie sera très difficile à jouer", résumait un autre responsable.
Cette observation est proche des analyses qui prédisent un émiettement de l'électorat, qui rend effectivement l'issue du scrutin incertaine, au point de penser à un jeu d'alliances logique lors d'un probable second tour, que le calendrier électoral a programmé pour le 16 janvier 2016.
Aux législatives, 1790 candidats se disputent les 140 sièges de députés à pourvoir de la nouvelle Assemblée nationale.
Pour le déroulement du vote, 5.996 bureaux de vote seront ouverts dans les 140 circonscriptions électorales créées dans les seize préfectures de la RCA. A elle seule, Bangui, la capitale du pays, qui
représente entre 50 et 55% de l'électorat, selon les estimations, fera fonctionner 622 bureaux de vote dans ses huit arrondissements.
Environ 17.040 personnels électoraux seront déployés, dont un président et deux assesseurs par bureau de vote, selon les chiffres communiqués par l'ANE.
ATTAQUE DE PERSONNELS ELECTORAUX
Une équipe de ces personnels commise pour la ville de Bossembelé près de 160 kilomètres au Nord de Bangui) a été attaquée et dépouillée de ses biens, dont de l'argent, des téléphones portables et du matériel électoral (composé de calculatrices et bordeaux) mis à sa disposition, par un groupe d'individus armés non loin du site de l'aéroport de Bangui M'Poko mardi matin, a appris Xinhua.
C'est la preuve que le danger lié à l'insécurité n'est guère écarté, en dépit des assurances données pour la sécurisation de ce grand moment de l'évolution de la RCA par les forces nationales et internationales, en l'occurrence les Casques bleus de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Centrafrique (MINUSCA) et la force française Sangaris.
Ces élections auraient en principe dû se dérouler depuis 2014. Fixées précédemment au 27 décembre, elles ont été repoussées une nouvelle fois à cause des retards dans la mise en place du matériel et d'un défaut de formation des agents électoraux. Fin
Par Raphaël MVOGO, envoyé spécial à Bangui