Les rues de Bangui étaient animée à l'occasion des festivités du Nouvel An vendredi soir 1er janvier, signe d'une certaine reprise de confiance de la part de la population centrafricaine, qui est allée voter massivement deux jours auparavant pour élire le futur président et les 140 députés de l'Assemblée nationale (Parlement), avec l'espoir de sortir de trois ans de violences.
Non découragés par l'obscurité qui régnait dans la ville due aux coupures d'électricité réputées récurrentes, des foules de Banguissois étaient rassemblées devant les lieux d'ambiance et de distraction pour faire la fête, des moments de rencontre ponctués par des commentaires surtout sur les premières tendances où il est fait état d'une avance d'Anicet Georges Dologuelé à la présidentielle.
Numéro un sur le bulletin de vote du scrutin auquel prenaient part un total de trente candidats mercredi, l'ex-Premier ministre de feu Ange-Félix Patassé et ancien président de la Banque de développement des Etats de l'Afrique centrale (BDEAC), basée à Brazzaville, au Congo, confirme les sondages qui le désignaient comme un des principaux favoris, à en croire les chiffres avancés.
Toute la journée de jeudi, son état-major de campagne était occupé à compiler au siège de son jeune parti, l'Union pour le renouveau en Centrafrique (URCA créée en 2013 dans la perspective de cette compétition électorale), situé sur une rue du 2e arrondissement de la capitale, les statistiques communiquées par ses mandataires dans les bureaux de vote.
"Avec les procès-verbaux en notre possession, nous pensons que l'URCA est parmi les premiers. Sereinement, nous attendons aussi les résultats officiels qui seront communiqués par les autorités des élections", s'est contenté de réagir à Xinhua, Victor Waké, le directeur national de campagne chargé de l'organisation, saluant l'engouement des électeurs centrafricains pour ce vote.
POIDS LOURD
Cette percée d'Anicet Georges Dologuelé était prévisible, depuis la chute dans les sondages de Martin Ziguelé, autre ancien chef du gouvernement de Patassé qui est en réalité le principal poids lourd de la scène politique centrafricaine actuelle.
Leader du Mouvement pour la libération du peuple centrafricain (MLPC), la formation la mieux structurée et la mieux implantée du pays reprise au défunt chef de l'Etat, Ziguelé fait face à des accusations de liens avec l'ex-coalition rebelle de la Séléka, connue pour ses exactions contre la population après sa prise du pouvoir du 24 mars 2013 à Bangui contre le régime de François Bozizé.
"Beaucoup de Centrafricains détestent Ziguelé. Ils l'accusent d'être membre de la Séléka. Pour eux, s'il gagne, ce sera le retour des troubles. Sinon, il l'aurait emporté K-0 dès le premier tour", a commenté un jeune de Bangui, se vantant d'avoir accordé sa voix au leader de l'URCA.
"Au départ, Ziguelé avait toutes ses chances. Avec les événements (survenus depuis 2013), ses chances se sont amenuisées. La situation, il a perdu beaucoup de terrain", confirme un acteur de la scène centrafricaine proche de l'opposition démocratique qu'a longtemps incarnée l'ancien-Premier ministre.
Une chose est certaine, les Centrafricains dans leur immense majorité affirment à l'unisson vouloir un nouveau président capable de les soulager des traumatismes causés par trois ans d'un violent confit armé accompagné de chaos, et donc à même d'insuffler une dynamique permettant un retour à la paix et la sécurité dans le pays.
Ce leader devra aussi relever d'autres défis cruciaux concernant la restauration de l'autorité de l'Etat et de l'Etat, la création d'un environnement de concorde et de cohésion sociale pour faire taire les haines et les rancœurs causées par les affrontements intercommunautaires, et la mise d'initiative concourant à remettre à flot l'économie nationale aujourd'hui exsangue.
Dologuelé a bénéficié d'un report de voix des militants du KNK (Kwa na Kwa), l'ex-parti au pouvoir de François Bozizé (le tombeur de Patassé, seul chef d'Etat démocratiquement élu à ce jour en Centrafrique) lié par un accord politique conclu à Bangui avec l'URCA quelques temps avant la tenue des élections mercredi 30 décembre.
C'est le résultat de tractations par lesquelles l'ex-dirigeant s'était engagé à renoncer à sa candidature, non approuvée par la France qu'il accuse d'être l'instigatrice de sa chute en 2013 et d'avoir exercé des pressions sur certains chefs d'Etat africains pour faire valoir son véto, avait-il confié à Xinhua de retour d'un voyage en marge du récent sommet du Forum de coopération sino-africaine (FOCAC) tenu début décembre à Johannesburg, en Afrique du Sud, où il était allé rencontrer quelques-uns de ces dirigeants.
En respect de ce deal, le KNK a donné des consignes de vote à ses militants en errance qui pour beaucoup d'entre eux ont accordé leurs suffrages à l'aveuglette au candidat de l'URCA, d'après des témoignages.
Mais la question que les Centrafricains se posent à présent est de savoir si Anicet Dologuelé l'emporte par une victoire écrasante ou s'il est contraint à un second tour prévu le 31 janvier.
GRANDE SURPRISE
Auquel cas, si les tendances annoncées venaient à se confirmer, son adversaire serait à chercher entre Faustin Touadéra, autre ancien Premier ministre de (Bozizé), Désiré Zanga Kolingba, fils de l'ex-président André Kolingba, ou bien Martin Ziguelé, à en juger par les tendances déclarées.
Ancien vice-président du KNK, Touadéra est la grande surprise du ticket de tête qui n'avait pas les faveurs des sondages. D'après les chiffres en circulation dès jeudi, il est crédité d'avoir fait le plein de voix dans ses régions natales de Damara (Centre) jusqu'à Kaga-Bandoro, y compris dans le 4e et une partie du 1er arrondissement de Bangui.
Zanga Kolingba, lui, est déclaré en bonne position dans la région de Bambari (Centre), les 2e, 6e et 7e arrondissements de la capitale. L'on attribue aussi des scores encourageants à Jean Serge Bokassa, le fils de l'ex-chef de l'Etat (putschiste) et empereur autoproclamé Jean Bedel Bokassa.
Pour les législatives, la perspective d'élections partielles apparaît garantie, après les couacs organisationnels à l'origine de l'absence des noms de certains candidats sur les bulletins de vote, une situation qui a manqué de provoquer des tensions lors du scrutin.
Sous haute sécurité des forces centrafricaines et internationales, dont les Casques bleus de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en Centrafrique (MINUSCA), ces consultations populaires se sont déroulées sans incidents majeurs, dans un climat apaisé.
Trois soldats mauritaniens de cette force onusienne ont toutefois été blessés dont deux grièvement lors d'échanges de tirs avec des individus armés plus tard au cours de la nuit de mercredi à jeudi, non loin d'un centre de vote du 3e arrondissement de Bangui, alors que les personnels électoraux s'y trouvaient encore pour la compilation des votes, a appris Xinhua.
C'est l'une des zones les plus sensibles de la capitale centrafricaine où la sécurité préoccupe, avec le 5e arrondissement. Dans le ciel, une montgolfière flotte en longueur de journée, accrochée à un drone de surveillance, depuis les violences meurtrières survenues en septembre, apprend-on. F