Où emmènent -ont les centrafricains avec cette transition et ce processus de retour à l’ordre constitutionnel? Les centrafricains doivent légitimement se poser cette question à quelques jours de la délibération des résultats du premier tour des élections du 30 décembre 2015.Ce qui semble retenir l’attention, au lendemain du 1er tour des élections présidentielles et législatives, est une forme de bérézina qui confirme l’anachronisme de l’organe de gestion des élections (ANE) et son corollaire, le déroulement d’un scrutin particulièrement catastrophique et chaotique. Cette situation peut s’expliquer, d’une part par l’évident constat que le politique centrafricain n’est plus à même de relever les défis démocratiques et de renaissance du Centrafrique.
L’idée originelle, ayant emporté l’adhésion de tous les politiques et de la société civile, était la mise en place d’un organe de gestion des élections pérennes, en adéquation avec les exigences du cycle électoral devant dorénavant comprendre : le recensement électoral, le référendum, la présidentielle, les législatives, les municipales et les locales. Cette idée était aussi de consacrer au sein de cet organe, des professionnels en la matière ou au besoin de les former et les rendre inamovibles et bien rétribués pour la période couvrant le cycle électoral afin de les prémunir de toutes sortes d’influences.
Tout ce qui précède devait théoriquement concourir à l’organisation d’élections irréprochables, incontestables, sincères et participer de l’enracinement de la démocratie.
Au regard de ce que la conduite du processus actuel a produit, il est à noter que l’on est loin du tableau idéal et cela appelle à s’interroger sur la nature même de l’ANE, des conditions d’exécution de sa mission, de son personnel face aux enjeux de l’heure en Centrafrique ?
Il n’est pas inutile de préciser que ce sont des autorités de fait et donc illégitimes qui ont institué l’Autorité Nationale des Élections (A.N.E) et que ces mêmes autorités de fait ont également institué les autres institutions telles : Le Conseil National, la Cour constitutionnelle, le Haut Conseil de la Communication qui toutes ont une durée de vie liée à la période de transition. De toutes ces institutions, seule l’ANE est instituée pour une période allant au-delà de la transition.
Alors qu’il était prévu de se prémunir de toutes influences, le recrutement des membres de l’ANE a été laissé au soin des partis politiques et leur avatar, la société civile. Le résultat de cette sélection politique et partisane est, qu’au lieu d’une Autorité, on a constitué un club de coquins qui n’a pas tardé à s’illustrer de manière équivoque. Pour preuve, la publication du chronogramme des élections a été un serpent de mer, la communication électorale n’a consisté qu’à justifier les abus, le déroulé du chronogramme n’a été que cacophonie et reniement, agrémenté par les nombreuses grèves des agents électoraux sur fond de mutisme des Responsables de l’institution.
En conséquence de cela, on a assisté à l’auto décapitation de l’ANE, aux multiples revirements pendant le recensement électoral, à l’abandon des photos sur les cartes d’électeurs, à l’organisation d’un recensement non sans tenir compte du contexte particulier du pays marqué par la destruction de nombreux registres d’état civil, à l’organisation du vote des réfugiés etc.…
Plusieurs reports ont été nécessaires pour permettre la tenue du scrutin en date du 30 décembre 2015. Les premières déclarations tendent vers une autosatisfaction des acteurs de cette fumisterie politique. La déclaration du représentant du SG de l’ONU en est une parfaite illustration.
Qu’en est-il en réalité ? Certaines observations démontrent que le scrutin a été tout sauf sincère, égal et crédible conformément aux dispositions du code électoral. Tous les bureaux de vote n’ont pas ouvert à la même heure, certains bulletins de vote ne comportaient pas les logos et photographies de certains candidats etc.… toutes choses qui apportent la preuve, s’il en était besoin, de ce que ces élections ne respectent en rien les standards internationaux requis en la matière.
Il ne pouvait pas en être autrement, car lorsque la liste électorale, véritable colonne vertébrale des élections, a été conçue en dehors de toute rigueur et minutie, que de cette liste ont été éditées des cartes d’électeurs « conformes », qui pour certaines d’entre elles se sont retrouvées sur les étales des marchés dédiés au bétail électoral acquis à la cause des intérêts obscurs et la carrière de politiciens usés et déphasés, que la non maîtrise, au contraire de l’emprise des experts de la communauté internationale, sur le processus électoral est criminelle, ceci ne pouvait que déboucher sur les résultats décevants enregistrés au cours du référendum et qui risquent, avec les présents scrutins, d’être à la hauteur de la supercherie qui tient lieu d’élection.
Pour rappel, lors des élections de 2010, les listes issues du vote de 2005 avaient été prévues pour servir de support à la constitution d’une base de données électorale informatisée pour tous les scrutins futurs. Certains politiciens n’ont pas hésité à taxer cette liste, pourtant estampillé « PNUD », de petits cahiers de Monsieur Elie OUEIFIO et vont s’illustrer dans un combat contre la commission électorale du moment et liquider, avec la bénédiction de certaines autorités, le processus de constitution de cette base de donnée qui était pourtant largement entamé ainsi que les capacités nationales pour faire la place aux « mercenaires » internationaux des élections soutenus par la communauté internationale et maître à pensé des politiciens centrafricains. Une batterie d’experts de tristes mémoires, dont certains sont encore de l’aventure aujourd’hui, les nommés AYADOKOUN, MOUBAMBA-MOUBAMBA, SESSOU, seront à la manœuvre pour des résultats connus depuis.
Malgré le tableau sombre dressé plus haut, le réemploi de nombre mercenaires tels MOUBAMBA-MOUBAMBA, qui est resté jusqu’à la fin des élections de 2010-2011, est un mauvais présage pour le Centrafrique et les Centrafricains, avec la mafia des cartes d’électeurs, des listes confectionnées à l’étranger, des bulletins de votes ne reflétant pas dans certains cas la réalités des candidatures, on a quand même entendu et lu « allons y seulement » comme une prime à l’infantilisation des Centrafricains (sic).
Pour les élections en cours, l’ANE est devenu le repaire de la pègre nationale et internationale, le lieu de tous les abus contre le Peuple et la République dont les auteurs et coauteurs sont ceux des Centrafricains qui veulent le pouvoir par tous les moyens y compris les plus contestables, les flibustiers du système CSP et les « dignes » représentants de la fameuse communauté internationale. Les jours prochains seront l’occasion de nombreux recours devant la Cour Constitutionnelle de Transition, de la hauteur de sa décision ou de sa forfaiture dépendra l’avenir du Centrafrique.
« Error communis facit jus », les mêmes causes produisant, dans les mêmes conditions, les mêmes effets, voilà le Centrafrique à la croisée des chemins. Il a le choix entre une aventure des plus diaboliques ou un chemin par lequel il pourra s’approprier son destin. Sinon alors ce sera :« Eripuit coelo fulmen, sceptrum tyrannis »
Isidore DOKOFIO