Après tant et tant de reports, les élections présidentielle et législatives ont enfin eu lieu le 30 décembre 2015 sur toute l’étendue du territoire centrafricain. Et les quelque deux millions d’électeurs sont sortis massivement et dans le plus grand calme, preuve s’il en est de leur volonté de tourner définitivement la page de la Transition.
Mais force est de reconnaître qu’ils ne sont pas encore sortis de l’auberge. En effet, près d’une semaine après le début du scrutin, ils étaient toujours dans l’attente des résultats, au moins de la présidentielle. Ils peuvent toujours attendre, car les opérations de dépouillement et de compilation des données semblent on ne peut plus laborieuses, pour ne pas dire bordéliques.
Ainsi, à l’intérieur du Centre de traitement des données (CTD), là où sont réceptionnés, validés et enfin saisis sur ordinateur les résultats des élections présidentielle et législatives qui se sont tenues le 30 décembre, on pouvait ces jours-ci entendre s’invectiver des membres de l’ANE, des représentants de candidats criant à la fraude.
Autre tableau navrant, la cour de ce bâtiment, protégé par des soldats des Nations unies, où on pouvait apercevoir des urnes pleines entreposées pêle-mêle et autant de procès-verbaux de décompte des voix dispersés sur des bureaux et laissés à la merci du moindre coup de ventilateur si ce n’est pire.
Un vrai capharnaüm dans lequel même une vache ne saurait retrouver son veau. Une pagaille telle qu’une bonne vingtaine de candidats sur les trente en lice à la présidentielle demandent d’arrêter le massacre, question sans doute de mieux organiser les choses. Mais cela est-il encore possible…
En tout cas, il n’en fallait pas plus pour que ceux qui préfèrent battre leur coulpe sur la poitrine des autres n’embouchent leurs trompettes pour fustiger la France et la communauté internationale qui ont poussé à l’organisation de ces élections alors qu’à leur avis, le pays n’y était pas prêt.
A dire vrai, ce cafouillage monstre n’étonne guère quand on se rappelle le joyeux désordre dans lequel le référendum constitutionnel du 13 décembre 2015, qui devait servir de répétition générale, s’était déroulé. Et si l’on ajoute à cela le fait que l’une des raisons invoquées pour le dernier report du 27 au 30 décembre n’était autre que le manque de formation du personnel électoral qu’on pensait combler en seulement 48 heures, on se rend bien compte que le ver était déjà dans le fruit, et jusqu’au trognon.
«C’est le bordel absolu. La porte à la fraude est ouverte», s’exclamait un observateur étranger.
Dans de telles conditions, par quelle sorte de prodige espère-t-on que le verdict des urnes, quel qu’il soit, puisse être accepté par les différents acteurs de la scène politique centrafricaine ? Décidément le pays de Barthélémy Boganda court vers des lendemains électoraux houleux et susceptibles de faire rechuter le convalescent.
H. Marie Ouédraogo