Deux anciens premiers ministres, Faustin Archange Touadéra et Anicet Georges Dologuélé, étaient mardi au coude-à-coude dans la course à la présidentielle en Centrafrique, selon des résultats partiels ayant créé un début de polémique chez des candidats moins bien placés.
Dologuélé, l'un des favoris qui a reçu le soutien officiel du parti de l'ex-président François Bozizé, a recueilli 179.236 voix, devançant pour la première fois l'outsider Touadéra, candidat indépendant et ex-chef du gouvernement sous Bozizé (2008-2013) qui faisait jusque-là la course en tête, et qui totalise 178.483 voix.
Loin derrière, Désiré Kolingba, fils d'un ancien président, arrive troisième avec 76.109 voix, suivi de Martin Ziguélé, autre poids lourd de l'élection, perçu comme le candidat de la France (70.883 voix), et Jean-Serge Bokassa, autre fils d'ancien président (70.687 voix).
Les suffrages décomptés représentent 53% des votes, a précisé l'Autorité nationale des élections (ANE), qui annonce l'évolution des scores au compte-goutte depuis samedi.
Une trentaine de candidats sont en lice pour ce premier tour de la présidentielle, dont les résultats complets devraient rendus publics d'ici vendredi.
Le gouvernement centrafricain est intervenu mardi pour éteindre la polémique démarrée la veille par une vingtaine de candidats - soit les deux tiers des prétendants - qui exigeaient "l'arrêt des opérations électorales", et dénonçaient "une mascarade" après la publication de premiers résultats partiels donnant une large avance à Touadéra, une surprise à Bangui.
"Il n'est pas question (...) de stopper le processus électoral qui est lancé", a tranché le ministre de l'Administration du territoire, Modibo Bachir Walidou, affirmant que "pour le moment (...) ces élections se sont bien déroulées".
Dans une déclaration commune, les protestataires faisaient état de nombreuses irrégularités susceptibles d'entacher la crédibilité du scrutin. Sous couvert d'anonymat, l'entourage de certains d'entre eux confiaient aussi ne pas "comprendre" la popularité soudaine de l'outsider, resté peu visible durant la campagne.
- Disparition de procès verbaux et bourrage d'urnes -
Une certaine confusion régnait cependant mardi parmi ces contestataires, certains des candidats cités parmi les signataires démentant toute implication, et d'autres faisant machine arrière.
Ainsi Karim Meckassoua, co-signataire du texte et considéré au départ comme l'un des favoris du scrutin, a affirmé mardi qu'il ne "vise pas l'annulation du scrutin" mais "compte déposer (des requêtes) devant la Cour constitutionnelle" chargée de valider les résultats, dans la mesure où "les suffrages qui (lui) sont attribués en divers endroits s'avèrent souvent ridiculement inférieurs au nombre des citoyens mobilisés dans (ses) comités de soutien".
Fort pour l'instant de 18.156 voix, il assure avoir recueilli "quantité de témoignages, de documents et de preuves d'un détournement du vote à Bangui comme en province (...) Des procès verbaux ont disparu. Des urnes apparaissent étonnamment vides lorsque d'autres se remplissent".
Appelant les acteurs politiques centrafricains à "faire preuve de responsabilité", la France a de son côté rappelé que "les contestations éventuelles doivent se faire selon les mécanismes prévus par le code électoral".
Si le duo de tête bénéficie d'une avance très confortable, les dés sont-ils jetés pour autant pour les candidats relégués jusque-là au second plan? Pour certaines provinces, dont l'Ouham-Pendé, où se trouvent notamment les fiefs de Martin Ziguélé, une grande partie des résultats n'ont toujours pas été examinés, lui laissant une petite chance de rattraper son retard, estime une source gouvernementale.
Près de deux millions d'électeurs étaient appelés aux urnes le 30 décembre pour élire un nouveau président et les députés. Ces scrutins sont censés sortir le pays de trois années de violences inter-communautaires qui ont ravagé le pays.
Dans ce pays très pauvre de 4,8 millions d'habitants, essentiellement rural, les électeurs ont participé massivement et dans le calme aux deux scrutins qui avaient déjà été plusieurs fois reportés, tant en province que dans la capitale. Le taux de participation enregistré à ce stade est de 72 %.
Un probable second tour est prévu le 31 janvier.
La Centrafrique est plongée dans le chaos depuis le renversement du président François Bozizé en mars 2013 par l'ex-rébellion Séléka, elle-même finalement chassée du pouvoir par une intervention internationale menée par la France dans son ancienne colonie début 2014.