Deux anciens premiers ministres, Anicet Georges Dologuélé et Faustin Archange Touadéra, sont arrivés en tête au premier tour de la présidentielle en Centrafrique, et s'affronteront dans un duel au 2e tour prévu le 31 janvier, selon des résultats provisoires.
Près de deux millions d'électeurs centrafricains étaient appelés aux urnes le 30 décembre pour élire leur nouveau président et leurs députés. Ces scrutins sont censés sortir le pays de trois années de violences inter-communautaires qui l'ont ravagé.
Dologuélé, l'un des favoris, a recueilli 281.420 voix soit 23,78% des suffrages, devant l'outsider Touadéra, fort de 229.764 voix, soit 19,42%, a déclaré la présidente de l'Autorité nationale des élections (ANE), Marie-Madeleine N'kouet Hoornaert.
Ils disposent d'une avance confortable sur le troisième, Désiré Kolingba, fils d'un ancien président, qui a obtenu 149.134 voix (12,60%), suivi de Martin Ziguélé, autre poids lourd de l'élection perçu comme le candidat de la France (128.009 voix soit 10,82%), et Jean-Serge Bokassa, autre fils d'ancien président (77.493 voix soit 6,55%).
Aucun des deux candidats en tête n'ayant obtenu la majorité absolue, ils devront se présenter à un deuxième tour, prévu le 31 janvier, pour les départager, selon le code électoral.
Le taux de participation national a été de 79%, selon l'ANE.
Le chef de la mission de l'ONU à Bangui, Parfait Onanga-Anyanga, a félicité jeudi soir dans un communiqué les deux candidats du 2e tour, leur demandant de "préparer leurs militants et sympathisants à une campagne conduite dans le calme et avec civisme" afin de "préserver l’esprit de paix et de retenue qui a prévalu jusque lors."
Ces résultats provisoires doivent toutefois être validés par la Cour constitutionnelle dans un délai de 15 jours à compter de la date du scrutin. Dans ce laps de temps, la juridiction suprême devrait se pencher sur plusieurs contentieux.
Une polémique avait éclaté lundi, lorsque deux tiers des candidats avaient dénoncé des irrégularités et réclamé "l'arrêt des opérations électorales". Le gouvernement était aussitôt intervenu, affirmant qu'il n'était "pas question" d'interrompre le processus en cours, et le décompte des voix s'était poursuivi.
La majorité des contestataires avaient alors fait marche arrière, mais certains, comme Karim Meckassoua, présenté au départ comme un poids lourd du scrutin mais arrivé septième, ont précisé qu'ils utiliseraient les voies de recours légales pour contester les résultats provisoires devant la Cour constitutionnelle.
- La surprise Touadéra -
"Il y a certainement eu des fraudes à certains endroits et de gros problèmes d'organisation qui ont perturbé le scrutin, mais il est peu probable qu'il ait eu une fraude massive, notamment parce que les principaux candidats avaient déployé des mandataires pour surveiller les bureaux de vote pendant le scrutin et le centre de traitement des résultats à Bangui", estime une source diplomatique sous couvert d'anonymat.
Sur la trentaine de candidats en lice, Dologuélé, parfois surnommé "M. Propre" pour sa gestion rigoureuse des affaires lorsqu'il était Premier ministre d'Ange-Félix Patassé, et qui avait reçu le soutien officiel du parti de l'ancien président François Bozizé (le KNK), a su s'imposer à grand renfort de communication sur le terrain, à Bangui comme en province.
Touadéra, resté en revanche très discret durant la campagne, a été sans conteste la grande surprise de ce premier tour. Le dernier Premier ministre de Bozizé (2008-2013), qui a notamment réalisé de très bons scores dans les fiefs de l'ex-président dans l'ouest du pays, a pu bénéficier d'une partie importante de l'électorat traditionnel du KNK, malgré les directives du bureau du parti, selon plusieurs observateurs avisés à Bangui.
Dans ce pays très pauvre de 4,8 millions d'habitants, essentiellement rural, les électeurs ont participé massivement et dans le calme à la présidentielle et aux législatives, plusieurs fois reportées.
Les forces internationales déployées dans le pays (ONU et française Sangaris) se sont fortement mobilisées pour assurer la sécurité du vote.
Malgré l'insécurité et le défi logistique que représentait le scrutin, les bailleurs internationaux, France en tête, poussaient depuis des mois à l'organisation rapide d'élections alors que le régime de transition mis en place début 2014 était à bout de souffle.
Les deux années de cette transition chaotique dirigée par Catherine Samba Panza ont été marquées par de nombreuses violences, tandis que l'économie vivait sous perfusion de l'aide extérieure.
La Centrafrique est plongée dans le chaos depuis le renversement du président François Bozizé en mars 2013 par l'ex-rébellion Séléka, elle-même finalement chassée du pouvoir par une intervention internationale menée par la France dans son ancienne colonie début 2014.