La police de la force de l'ONU en Centrafrique (Minusca) a accentué ces derniers jours ses patrouilles armées dans Bangui pour dissuader miliciens, criminels et pillards de continuer de s'en prendre à une population qui aspire à la paix.
"Les enfants doivent vivre leur vie d'enfant. Les adultes doivent travailler. Nous allons soutenir la gendarmerie, la police" centrafricaines, explique à la presse le commissaire de police de la Minusca, Luis Carrhilo.
Pour ce faire, la police de l'ONU a commencé à patrouiller, lourdement armée, dans les 3e et 5e arrondissements de la capitale, théâtre de la dernière flambée de violences, en octobre, et où se trouve le quartier du PK-5, poumon commercial de la ville.
La Minusca, aidée par les forces françaises Sangaris et européenne Eufor, a finalement rétabli l'ordre, mais la criminalité persiste.
Le PK-5, dont presque tous les commerçants sont musulmans, a été assiégé pendant des mois par des miliciens anti-balaka à majorité chrétienne, hostiles à la minorité musulmane, et des bandes de pillards. Craignant de nouveaux affrontements, les transports en commun refusent de s'y rendre depuis octobre, compliquant encore la vie quotidienne de la population.
- "cercle vicieux" -
Tôt vendredi matin, une patrouille d'une dizaine de véhicules s'apprêtait à sillonner les quartiers des deux arrondissements les plus à risque: PK-5, Castors, Yakité, Kokoro, Fatima.
"Nous sommes sur les sites des 3è et 5è. Nous avons parlé avec les maires, l'imam, qui sont tous des autorités très importantes (...) Il y a des problèmes qu'il faut résoudre et nous sommes là pour aider à les résoudre", explique le commissaire Carrilho.
Au 5è arrondissement, le chef du quartier Ben-Zvi, Emmanuel Zangaméto, ne cache pas sa satisfaction: "nous poursuivons la sensibilisation pour le retour de la paix et de la cohésion sociale. Et de telles actions ne peuvent que nous conforter dans ce que nous faisons".
Au PK-5, les attentes de la population sont grandes. "Il y a de nombreux problèmes auxquels sont confrontés les musulmans. On a par exemple des élèves, des étudiants qui ne peuvent pas reprendre les cours", explique un habitant sous couvert d'anonymat.
"On est dans un cercle vicieux. Les Nations unies sont là pour la paix et devraient intervenir pour que nous puissions sortir de nos quartiers. On est là, les Nations unies sont là mais on ne peut pas quitter nos quartiers", déplore de son côté un jeune du quartier.
- "pas de solution magique" -
"Il n'y a pas de solution magique d'un jour à l'autre", répond à ces critiques le commandant de la police de la Minusca. D'autant que les forces de sécurité centrafricaines, totalement désorganisées depuis la crise de 2013, sont encore embryonnaires.
"Les Nations unies ont commencé à travailler le 15 septembre. Chaque jour, notre bataillon rwandais et notre force de police sont" sur le terrain dans la zone du PK-5.
Dans les alentours du PK-5, des chapelles et mosquées incendiées, des maisons vides, des carcasses de véhicules incendiés témoignent des violences intercommunautaires qui ont déchiré la Centrafrique. Quelques passants observent, apparemment rassurés, la première patrouille de la police onusienne.
La Minusca a pris le relais le 15 septembre de la force africaine (Misca) déployée dans le pays. La force onusienne dispose dans un premier temps de 7.600 hommes (pour la plupart issus des rangs de la Misca) et comptera 12.000 soldats et policiers à effectif plein.
La crise est née du renversement en mars 2013 du régime de François Bozizé par la rébellion Séléka - à dominante musulmane dans un pays très majoritairement chrétien - de Michel Djotodia. M. Djotodia a lui-même été contraint à la démission début 2014 pour son incapacité à mettre fin au cycle infernal de représailles et de contre-représailles entre combattants Séléka et miliciens anti-balaka.