Ils ont tout abandonné pour fuir la guerre qui déchire leur Centrafrique natale. Aujourd’hui, ils se reconstruisent en aidant leurs pairs au sein d’une ONG, à la frontière camerounaise
Romain ouvre la clôture de bois, passe la toute petite porte en baissant la tête, et entre dans son chez-lui. La pièce circulaire d’une quinzaine de mètres carrés abrite toute une vie. Un grand lit, une table, un autoradio, les bidons d’huile fournis par le Programme alimentaire mondial, des affaires entassées le long des murs… « Je vis ici avec mon frère. C’est lui qui a fait à manger aujourd’hui, moi j’étais trop crevé. » Un frère d’adoption, de circonstance. Comme tout le monde dans le camp de Gado, situé à 25 kilomètres de Garoua-Boulaï, village de la frontière camerounaise, Romain, 31 ans, est un rescapé du conflit qui déchire la Centrafrique depuis le coup d’Etat de 2013.
Le tracé de son exil est teinté d’une violence douloureusement ordinaire en ces lieux. Il a été pris pour cible par la milice chrétienne des anti-balakas, en dépit du fait qu’il soit chrétien lui-même. « Ils ont détruit nos maisons, ils ont pris mon argent, mon portable, ils m’ont battu, deux fois. Alors je suis parti. J’ai mis deux mois à arriver ici. » Et puis, son destin a changé. Romain est passé de l’autre côté, celui des humanitaires. Arrivé au camp de Gado, il a enchaîné les petits boulots journaliers auprès de l’Unicef. « Je leur demandais tous les jours de me donner quelque chose de durable. Je me suis acharné. On m’a dit d’être patient… Et j’ai fini par être pris. »
L’ONG Solidarités International le recrute à son tour quand elle reprend la main sur le camp. L’atout de Romain : il a suivi des études supérieures à l’unique université de Centrafrique, située à Bangui. Une opportunité considérable en RCA, où à peine 8 % de la population scolarisable arrivait jusqu’à la fin du secondaire… avant le conflit, qui a atomisé ce qui restait du service public. Romain exhibe son diplôme du bac. Dans un camp de réfugiés encore plus qu’ailleurs, l’éducation fait la différence. « Je n’étais pas un si bon élève, assure-t-il. Je suis tellement heureux d’apprendre un métier. D’avoir une mission. »
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