BRUXELLES — Une bien sale affaire qui depuis des mois enquiquine la FRANCE, en dépit de tous ses efforts pour l’enterrer, tout au moins, de faire traîner. Quatorze militaires français de l’opération Sangaris en République Centrafricaine, soupçonnés de viols sur au moins quatre garçons âgés de 9 à 13 ans, ça ne passe pas. Les faits se seraient produits entre décembre 2013 et mai 2014.
Un homme, un suédois, Anders Kompass, un haut fonctionnaire de l’ONU basé à Genève en Suisse, le n°4 du Haut-Commissariat aux droits de l’Homme, sitôt mis au courant, prévient sa hiérarchie et les autorités françaises. Mais rien ne bouge. De guerre lasse, il dévoile tout au quotidien britannique The Guardian.
Kompass dit avoir transmis le rapport à la mission permanente française auprès des Nations unies à Genève le 23 juillet 2014. Le Suédois affirme avoir «peu après» informé sa supérieure hiérarchique, la haut-commissaire adjointe, l’Italienne Flavia Pansieri. L’ONU doute, et de l’accuser d’avoir agi de son propre chef. Le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon même de se fâcher et de reprocher au Suédois d’avoir transmis à la France les noms des enfants, des témoins et des enquêteurs, les mettant ainsi en danger.
Le 12 mars 2015, Anders Kompass déclare avoir été prévenu que le nouveau haut-commissaire aux droits de l’homme réclamait sa démission, en raison de sa mauvaise gestion de l’affaire. Zeid Ra’ad Al Hussein, entré en fonction l’été précédent, n’aurait été qu’informé de toute cette histoire que quelques jours auparavant.
Devant le refus du Suédois de démissionner, le haut-commissaire demandera le 10 avril qu’il soit immédiatement suspendu. Cette décision sera ensuite notifiée à l’intéressé le 17 avril par mémorandum invoquant «l’intérêt de l’organisation» et la nécessité «d’éviter toute interférence avec l’enquête».
Anders Kompass affirme également que sa suspension a été demandée par le sous-secrétaire des Nations unies en charge des casques bleus, le français Hervé Ladsous. Les forces françaises en Centrafrique opèrant désormais sous mandat onusien.
Le rapport transmis par Kompass au Guardian avait fait scandale, de par les faits mêmes soupçonnés, mais surtout sur le lourd silence posé dessus et par les Nations Unies, et par les autorités françaises. Son ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian, avouera un plus tard avoir été rapidement mis au courant.
S’en sont suivis des discours d’intention, dont celui du président François Hollande, assurant que si les faits étaient avérés, la justice devrait alors être très sévère.
“Je serai implacable”, promettait François Hollande
Depuis, la Justice française traîne. Et enquêter sur quoi ? Les ‘scènes des crimes’ ont été effacées depuis longtemps, et comment prouver quoi que ce soit ? C’est parole contre parole. Et que valent les paroles d’enfants d’un des pays les plus pauvres du monde face à la puissante armée française ? Elle-même qui officiellement de parler de “simples allégations” ?.
Une année s’étant écoulée après le signalement des faits, toute enquête sérieuse devient tout simplement inutile. Au Parquet de Paris où une enquête fut mollement ouverte, on spécule étrangement : “Il faut être prudent, notamment avec la parole des enfants”. Au ministère de la Défense, le fait n’est pas franchement pris au sérieux : “Tout est toujours possible” déclare un haut officier de la Sangaris, et d’ajouter : “La Centrafrique est aussi le pays de la rumeur…” Pour l’armée la priorité est surtout de localement anticiper une possible montée “d’un sentiment antifrançais”.
CENTRAFRIQUE, TERRE DE VIOLS IMPUNIS PAR DES SOLDATS DE L’ONU
En novembre dernier, un groupe de trois experts indépendants, présidé par la juge canadienne Marie Deschamps (Ses deux autres membres étaient Hassan Jallow (Gambie), procureur du Tribunal international pour le Rwanda, et Yasmin Sook, directrice de la Fondation pour les droits de l’Homme en Afrique du sud) publie un rapport accablant.
“La manière dont des agences de l’ONU ont réagi à ces accusations a été entachée de graves défauts“, Annonce le texte.
Le rapport d’une centaine de pages, fait état de dysfonctionnements au sein de l’institution internationale, sur place à Bangui ainsi que de la part de hauts responsables à Genève et à New York après la révélation de l’affaire.
Ban Ki-moon à Bangui
Ban Ki-moon à Bangui
Il critique en particulier l’ancien chef de la mission de l’ONU en Centrafrique (Minusca), le Sénégalais Babacar Gaye, “démissionné” en août dernier. Il critique aussi des responsables de l’Unicef à Bangui et du Haut commissariat pour les droits de l’homme de l’ONU pour ne pas avoir transmis les accusations à leurs supérieurs hiérarchiques, ou ne pas avoir pris assez vite des mesures pour protéger ou aider les enfants.
“Les informations sur ces accusations sont passées de bureau en bureau (…) personne ne voulant prendre la responsabilité de traiter ces graves violations des droits de l’homme“, affirme le rapport.
BAN KI MOON BOTTE EN TOUCHE : Dans un long communiqué, le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon, qui avait nommé le groupe d’experts en juin dernier, a “pris acte des conclusions générales du rapport” et a promis d’en tirer les conséquences “sans délai“. Exprimant “son profond regret que ces enfants aient été trahis précisément par les gens envoyés pour les protéger“.
Mais, Ban rappelle qu’il revient aux pays dont des Casques bleus fautifs sont originaires de les sanctionner, ce que “trop souvent“, a-t-il dit, ces pays ne font pas ou pas assez vite.
“Beaucoup reste à faire, notamment de la part des Etats membres (de l’ONU) pour éradiquer ces odieux abus sexuels devenus trop fréquents, par des soldats et des civils de l’ONU ainsi que par des membres d’autres organisations de maintien de la paix“, a estimé le Haut commissaire aux droits de l’homme de l’ONU, Zeid Ra’ad Al Hussein, dans un communiqué.
Début décembre 2015, enfin, la justice française a entendu quatre militaires français, nommément reconnus par des enfants via des signes personnels distinctifs comme des tatouages sur le corps. Il ne s’en est suivi aucune mise en examen. En tout, quatorze soldats français étaient mis en cause, de même que des militaires de Guinée équatoriale et du Tchad.
KOMPASS BLANCHI MAIS TRISTE
Hier Lundi 18 janvier, le quotidien britannique The Guardian indique qu’Anders Kompass a reçu « il y a quelques jours » une lettre l’informant que l’enquête interne des Nations Unies l’avait exonéré de toutes les charges qui pesaient contre lui. Soulagé, mais triste.
« Je me sens soulagé et un peu triste. Pourquoi la plupart des dirigeants de l’ONU ont-ils décidé de me faire ça alors qu’ils savaient très bien à quel point l’ONU gérait mal ce genre d’affaires ? Cela reste, pour moi, un mystère. »