Ce 25 janvier 2016, la Cour constitutionnelle de transition a rendu sa copie au sujet du double scrutin législatif et présidentiel devant doter le pays des institutions ayant l’onction du suffrage universel.
En fait de copie, il s’agit d’un brouillon illisible, inefficace, illogique et par certains aspects contestables. Mais s’agissant d’une décision judiciaire ayant force de la chose jugée et qui plus est émanant de la plus haute juridiction du pays, il nous parait impératif de l’accueillir avec humilité.
Ainsi, les juges de la plus haute instance judiciaire de la RCA ont-ils décidé de valider les résultats du premier tour à l’exception de ceux du scrutin législatif annulés sur l’ensemble du territoire national. Autrement dit, les deux candidats arrivés en tête du premier tour à savoir Anicet Georges Dologuélé et Faustin Archange Touadera devront s’affronter pour s’imposer à la tête du pays.
Depuis la proclamation des premiers résultats par l’Autorité nationale des élections (ANE), des fronts-quelques-choses et des collectifs-ceci-cela foisonnent sur le Net et ailleurs pour vitupérer l’un des candidats et trouver des qualités à l’autre. Tout cela, on nous dira, participe de la démocratie. La plupart du temps, ces chevaliers blancs des réseaux sociaux rappellent que les deux candidats qualifiés pour le second tour du scrutin ont été au contact du pouvoir et ont, déjà, d’une certaine façon présidé aux destinées des Centrafricains avec la fortune ou l’infortune que l’on sait.
Mais nul parmi ceux qui devisent devant les claviers d’ordinateurs ne va au-delà des habituelles imprécations et la haine pour analyser froidement la situation telle qu’elle se présente en tenant compte de l’intérêt supérieur de la Nation. Car lorsqu’une situation se présente, il est conseillé de se départir des réflexes partisans afin de se munir de l’objectivité.
De quoi s’agit-il ?
Il est question d’éviter à notre pays de renouer avec les dérives du passé. Nous pensons pour notre part que des deux candidats qui s’affronteront au second tour de la présidentielle, Anicet Georges Dologuélé est le moindre mal. Et ce, pour plusieurs raisons.
Certes après son passage à la tête du gouvernement il y a pratiquement quinze ans, Dologuélé a sans doute déçu les attentes voire même trahi certaines espérances. Mais cela ne nous empêchera pas d’être justes avec lui et de lui dire, à côté du mal qu’il nous aurait fait, le bien que nous attendons de lui désormais dans ce contexte difficile que traverse le pays. Nous ne pouvons pas lui reprocher d’avoir été injuste avec nous, si nous refusons de nous montrer justes envers lui.
Nous voulons ici nous situer bien au-delà de la colère souvent injustifiée qu’il provoque et la haine qu’il suscite chez certains de nos compatriotes. Car à la différence de son challenger, il a eu suffisamment de recule pour cerner les causes fondamentales de son échec, les corriger et se préparer pleinement à habiter la fonction présidentielle.
C’est tout le contraire de Faustin Archange Touadera qui n’a même pas jugé nécessaire de faire acte de contrition sans lequel il n’y a point de rédemption pour s’excuser de sa gestion chaotique du pays ayant conduit à la naissance de la coalition Séléka. Nous devons garder à l’esprit que ce sont près de dix ans de gestion patrimoniale, clanique et un gangstérisme détestable de l’État qui ont poussé une frange de la population centrafricaine à prendre les armes contre le régime de François Bozizé. L’incompétence de la coalition Séléka dans la gestion du pays et ses exactions ne doivent surtout pas nous faire oublier que Touadéra était pendant plus de cinq années d’affilées le Premier ministre de François Bozizé. Sommes-nous prêts de revivre le règne des « tu-me-connais »? Ces sbires bozizistes qui se comportaient comme en territoire conquis et qui n’hésitaient pas à torturer les paisibles citoyens.
A-t-on un jour aperçu l’ancien Premier ministre de Bozizé s’élever contre les exactions des éléments du pouvoir ou tenter de les arrêter? Peut-on faire confiance à un homme qui prend autant de libertés avec la morale? À dire vrai, Faustin Archange Touadéra est dangereux. Parce que incolore, inodore et sans saveur. En fait, il est comme l’eau dans laquelle les hommes se noient. C’est dire qu’il ne mérite pas de gouverner. Car gouverner c’est trancher, c’est aussi décider.
Ensuite, sa candidature est incontestablement la candidature par défaut de François Bozizé. À preuve, un grand nombre de cadres du KNK à commencer par les enfants de ce dernier, Francis et Socrate, soutiennent Archange Touadéra. Élire Touadéra c’est confier le pays à Bozizé par procuration. Ce qui aura l’inconvénient de servir de prétexte à l’ex-coalition Séléka et à tous ceux qui d’une façon ou d’une autre auraient des choses à lui reprocher de persister dans la voie de la déstabilisation du pays. Une telle perspective est-elle envisageable pour la RCA? Rien n’est moins sûr!
L’on nous rétorquera que le KNK, le parti de François Bozizé, a signé un accord politique avec l’URCA de Dologuélé. Cependant, justement, nous savons que cet accord n’a été possible que grâce à l’affinité du Secrétaire général intérimaire avec certains proches du président de l’URCA. Les cadres du KNK, eux, sont tous à Boyrabe. Contrairement à ce qu’affirme Bertin Bea, Bozizé lui-même apporte son soutien en sous-main à son ancien Premier ministre. En témoigne son silence assourdissant. Et cela est cohérent. D’autant plus logique que l’ex-président n’a jamais caché son intention de revenir au pouvoir. Par tous les moyens. Et il sait, mieux que quiconque, qu’avec un Dologuélé au pouvoir c’est pas gagné.
Dans ces conditions, les candidats Désiré Zanga Kolingba et Martin Ziguélé devront clairement se prononcer en faveur de l’un ou l’autre challenger du second tour. De notre point de vue, les deux ont intérêt à soutenir Dologuélé pour la simple et la bonne raison que le retour de Bozizé au pouvoir par l’intermédiaire de son ancien Premier ministre ouvrira une chasse aux sorcières pour les militants du MLPC (contre lesquels Bozizé garde une dent farouche) et marquera ipso facto la disparition du Rassemblement démocratique centrafricain (Bozizé n’oublie pas les sympathies de Djotodia pour le RDC).
Entre la disparition du parti du général Kolingba, la chasse aux militants du MLPC voire même à un éventuel départ en exil de son président et le risque d’une recrudescence de la violence armée, le moindre mal est Anicet Georges Dologuélé qui a l’avantage d’incarner la Nation centrafricaine de par ses origines: une mère du Sud et un père issu du Nord.
Yasmina Perrière.