Lundi dernier, la Cour constitutionnelle de Transition de la République centrafricaine (RCA) a donné son verdict sur le premier tour du scrutin couplé du 30 décembre dernier. Si elle a validé les résultats de la présidentielle qui prévoit un second round entre Georges Dologuélé arrivé en tête avec 23,7% des suffrages et le deuxième, Faustin Archange Toudéra qui en a récolté 19%, elle a par contre purement et simplement annulé les législatives, après avoir enregistré plus de 400 recours introduits à l’issue du premier tour. En attendant le nouveau calendrier électoral, les avis des candidats sont partagés entre satisfaction et incompréhensions, sur ces scrutins qui se sont produits concomitamment dans les mêmes espaces, avec les mêmes acteurs. Ainsi, si Georges Dologuélé se réjouit de la décision de la Cour, Martin Ziguélé, candidat malheureux à la présidentielle mais en lice pour les législatives, se demande toujours comment l’instance suprême de régulation des élections a pu parvenir à un tel verdict. En tout cas, d’un point de vue de la logique primaire, Martin Ziguélé n’a peut-être pas tort. Car, il aurait été plus cohérent d’annuler tous les deux scrutins d’autant qu’ils se seront déroulés dans les mêmes conditions. Mais on peut aussi comprendre la décision de la Cour. En effet, on peut admettre que si tous ces efforts se soldaient finalement par un échec total, ce serait la tache de trop sur la camisole déjà crasseuse d’une transition qui ne se sera finalement montrée, à aucun moment, à la hauteur des défis qui étaient les siens. Le moins que l’on puisse dire, c’est que Catherine Samba-Panza et son équipe ont failli. Ils ont failli dans la conduite même de la Transition en échouant à mettre le pays sur les rails de la réconciliation, de l’instauration d’un climat sociopolitique apaisé, de la restauration de l’autorité de l’Etat et d’un climat sécuritaire favorable à la bonne tenue des élections. Ils ont davantage failli dans l’organisation de ces élections, qui devait permettre le retour à une vie constitutionnelle normale. L’on est même porté à croire que n’eût été la pression de la Communauté internationale, la RCA ne serait pas encore allée aux élections.
En aucun cas, il ne faudrait se détourner des urnes pour reprendre les armes
Alors, comment sortir maintenant de l’engrenage ? En tout cas, en plus de retarder la mise en place des institutions, sans oublier les fonds à rechercher pour refinancer ces élections, l’annulation de ces résultats vient compliquer davantage une situation déjà rendue difficile par le jeu trouble de certains acteurs politiques majeurs. En l’occurrence les anciens présidents François Bozizé et Michel Djotodia qui n’ont jamais digéré leur mise à l’écart. Ainsi que tous ces déçus de la présidentielle qui sont autant d’hommes du sérail qui croyaient que leur heure était enfin venue. Et si l’on doit ajouter à ce tableau déjà sombre, les multiples reports de ces scrutins, les nombreuses défaillances organisationnelles décriées par les candidats avant et pendant le scrutin, et le temps mis à proclamer les résultats, l’on peut dire que ce scrutin portait en lui-même les germes de la suspicion.
Pour toutes ces raisons, il apparaît de façon évidente que le cas de la RCA jure avec celui du Burkina Faso qui aura réalisé un sans-faute sur toute la ligne. La pagaille indescriptible qui a eu lieu au premier tour et qui n’a pas manqué de faire des gorges chaudes, fait nourrir des craintes pour le second tour de la présidentielle. La question que l’on se pose maintenant est de savoir si la RCA ira jusqu’au bout de ce processus électoral et si rien ne viendra perturber le bon déroulement du duel entre Anicet Georges Dologuélé et Faustin Archange Touadéra. Il faut l’espérer. Il y a lieu d’éviter un retour à la case départ. En tout cas, reprendre l’ensemble du processus n’est pas souhaitable. Tout comme il peut paraître injuste d’annuler une partie des scrutins dans de telles conditions.
C’est pourquoi la Communauté internationale doit peser de tout son poids, pour un meilleur encadrement de la suite du processus afin que ces élections se passent au mieux et ne marquent pas le début d’une autre crise et d’une autre ère d’instabilité. Il faut sauver l’essentiel en parachevant l’élection présidentielle dans de meilleures conditions. Pour cela, les acteurs politiques centrafricains aussi devraient accepter de sacrifier un peu de leurs ambitions personnelles pour parvenir à une solution négociée. Mais, en aucun cas, il ne faudrait se détourner des urnes pour reprendre les armes.
Outélé KEITA