L’ONU a dénoncé vendredi un nouveau scandale d’abus sexuels perpétrés par des soldats étrangers en Centrafrique et a nommé pour la première fois cinq pays dont des Casques bleus
Ces deux contingents font partie des forces internationales déployées pour assurer la sécurité en RCA mais ne dépendent pas de l’ONU. Selon quatre des jeunes filles, âgées de 14 à 16 ans au moment des faits présumés, leurs agresseurs appartenaient à l’Eufor-RCA.
Trois d’entre elles ont mis en cause des soldats géorgiens. Des soupçons pèsent également sur «un autre pays» de l’Eufor-RCA, mais l’ONU n’a pas donné de précisions. Les faits se seraient produits en 2014, mais n’ont été découverts que ces dernières semaines. "Les soldats n’ont pas été identifiés" à ce stade, a précisé à Bruxelles une source européenne, assurant que les accusations concernaient au total «moins de dix soldats» mais décrivant un scandale «absolument sans précédent».
Cinq pays visés
Parallèlement, à New York, un haut responsable de l’ONU a pointé du doigt dix soldats ou policiers de cinq pays (Bangladesh, Maroc, RDCongo, Niger, Sénégal), accusés d’avoir profité en 2014 et 2015 de mineurs dans le cadre de la Mission des Nations unies en République centrafricaine (Minusca). C’est la première fois que l’ONU nomme publiquement et de sa propre initiative les pays dont sont originaires des Casques bleus soupçonnés de viols parmi ses 16 missions de maintien de la paix.
Anthony Banbury, secrétaire général adjoint chargé de la logistique des missions, a fait valoir une «volonté de transparence» et a affirmé que ce serait bientôt la règle. Sur 69 cas d’abus sexuels présumés recensés l’an dernier, 22 concernent la Minusca. Un récent rapport d’experts indépendants avait révélé de graves dysfonctionnements dans la gestion par l’ONU d’une précédente affaire de viols d’enfants en RCA impliquant des soldats français de Sangaris.
Pour sa part, le ministère géorgien de la Défense a promis de "faire tout ce qui est possible" pour que ses soldats suspects soient jugés "dans les plus courts délais". Environ 150 soldats géorgiens participaient à l’Eufor-RCA, forte de quelque 700 hommes et présente de février 2014 à mars 2015 à Bangui.
L’UE, qui prend ces accusations «très au sérieux», a promis de fournir toutes les informations «potentiellement pertinentes». Selon l’ONU, une soeur et un frère, âgés de 7 et 9 ans ont par ailleurs affirmé avoir été abusés en 2014 par des militaires de la mission française Sangaris en RCA. La fillette aurait pratiqué des actes sexuels par voie orale sur des soldats français en échange "d’une bouteille d’eau et d’un sachet de biscuits". Selon leur récit, d’autres enfants ont été "abusés de la même manière lors d’incidents répétés impliquant plusieurs soldats français".
Le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a saisi la justice "dès qu’il a pris connaissance des documents transmis le 19 janvier par le Haut-commissaire aux droits de l’Homme", a-t-on précisé dans son entourage. Les abus auraient eu lieu dans les environs ou à l’intérieur du camp de déplacés internes de M’Poko, proche de l’aéroport de Bangui, protégé par l’Eufor et Sangaris en 2014.
Des sanctions fortes
Les violences sexuelles sont très répandues en Centrafrique et les forces armées "ont joué un rôle très important dans ce contexte", a relevé un porte-parole du Haut-Commissariat. Début janvier déjà, l’ONU avait annoncé avoir ouvert une enquête sur des accusations contre des soldats de cinq pays participant à la Minusca. Les victimes présumées étaient quatre fillettes.Le chef de la Minusca, le Gabonais Parfait Onanga-Anyanga, a promis des «sanctions fortes». Dans l’affaire des viols d’enfants qui auraient été commis entre décembre 2013 et janvier 2014 par des soldats français de Sangaris, cinq militaires ont été entendus mi-décembre 2015 par la justice française.
Cependant, aucun d’entre eux n’a été mis en examen et ces auditions n’ont pas permis d’avancer, selon une source proche de l’enquête. Les soldats ont dit avoir donné aux enfants des rations alimentaires, mais sans rien exiger en retour, a-t-on indiqué.D’autres enfants se sont plaints de viols après les premiers témoignages.
Les juges ont par ailleurs entendu l’employée de l’ONU, une Française, qui avait la première entendu les enfants et sonné l’alarme. Enfin, une autre enquête est en cours en France après les accusations d’une jeune Centrafricaine affirmant avoir été violée à l’été 2014 par un militaire de Sangaris.