Dans son ouvrage intitulé De l’esprit des lois, Montesquieu affirmait que : « c’est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser(…) pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, ‘il faut que, par la disposition des choses le pouvoir arrête le pouvoir ».
La pratique politique centrafricaine de tout temps qui ne connaît quasiment aucune incompatibilité, ni morale, ni politique, ni organique, a été à l’origine de l’instabilité chronique que connaît notre pays et de sa chute vertigineuse vers les ténèbres. Le Président Obama disait que l’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts mais d’Institutions fortes. L’existence d’Institutions fortes passe nécessairement par le strict respect des principes fondamentaux qui figurent dans la Constitution.
Le grand problème des pays Africains n’est pas tant l’existence des institutions au sens organique mais l’absence de leur effectivité. Il suit de là qu’il est impératif de dénoncer toute violation des règles d’organisation des pouvoirs publics.
A l’heure où le peuple centrafricain s’apprête à choisir celui qui présidera sa destinée, il serait coupable de ne pas mettre en évidence ce qui nous semble être une violation flagrante de la constitution par les candidats à la présidentielle.
Aux termes des dispositions de l’article 23 de la Constitution adoptée par référendum le 24 décembre 2015 « La fonction de Président de la République est incompatible avec l’exercice de toute autre fonction politique, de tout autre mandat électif, de toute activité lucrative ».
L’incompatibilité prescrite par l’article 23 de Constitution a été largement violée par plusieurs candidats à la présidentielle, y compris par les deux candidats qualifiés pour le second tour. Les deux ayant été à la fois candidat à la présidentielle et aux législatives . Cela est d’autant plus préoccupant que le dernier alinéa de cet article dispose qu’ « en cas de violation des dispositions du présent article, le Président de la République peut être destitué (…)».
Face à ce risque de destitution prématurée du futur chef de l’État, il importe d’attirer l’attention des citoyens sur certains principes élémentaires dans une démocratie. Le principe de la séparation des pouvoirs est un principe intangible dans toute société démocratique qui se respecte. J.J Rousseau affirmait à propos du Législateur dans le Contrat social que « celui qui commande aux hommes ne doit pas commander aux lois et celui qui commande aux lois ne doit pas commander aux hommes ».
Le Président de la République étant à la source de l’exécutif en application des dispositions de l’article 21 du Titre III de la Constitution, il ne saurait être en même temps à la source des lois.
Il est sans doute possible d’avancer et de soutenir jusqu’à en perdre l’haleine qu’il existe un système de suppléance parlementaire et qu’après tout cela ne serait pas bien grave.
Or, le système de suppléance mis en place par la pratique politique ne dispose d’aucun fondement constitutionnel et est un jeu dangereux pour l’État de droit que nous avons vocation à construire.
Certes, la lettre de la constitution ne peut rien contre cette tendance à consanguinité mais son esprit est incontestablement contre. Il faut être bête à bouffer du fouin pour ne pas le comprendre.
Notons que le Général de Gaule père fondateur de la V° République Française, sur laquelle nous avons calqué nos Institutions républicaines, considérait à propos de la suppléance parlementaire : « que le parlement en soit un, c’est à dire qu’il fasse les lois et contrôle le Gouvernement sans gouverner lui même, ni directement, ni par personnes interposées. Ceci est un point essentiel et qui implique, évidemment, que le pouvoir exécutif ne procède pas du législatif, même par une voie détournée qui serait inévitablement celle des empiétements et des marchandages ».
Dés lors, la pratique de la suppléance parlementaire ne saurait valablement venir au soutien de ce mariage contre nature entre l’exécutif et le législatif. Un candidat à l’élection présidentielle qui serait en même temps candidat à l’élection législative est de facto en infraction formelle avec les dispositions de l’article 23 de la constitution du 24 décembre 2015. En effet, comment comprendre que le Président de la République puisse être à la fois Président de tous les centrafricains et parlementaire, c’est à dire membre d’un groupe, d’un parti et, par dessus le marché, dépendant d’intérêts particuliers de sa circonscription. Convenons que cette situation est assez paradoxale.
Un Président de la République doit avoir exclusivement des préoccupations d’intérêt général.
Il en est de même pour les futurs parlementaires qui seraient tentés par une aventure gouvernementale, il faudra leur opposer à travers une loi organique une incompatibilité sans possibilité de retour au parlement, en d’autre terme ils auront à choisir entre appartenir au pouvoir exécutif ou au pouvoir législatif. Ainsi, en acceptant une fonction gouvernementale, le parlementaire perdra automatiquement son mandat.
Chacun doit comprendre que si nous voulons bâtir efficacement un Etat moderne il faut mettre un terme définitif à ces pratiques d’un autre temps et surtout à la violation systématique de la norme fondamentale et qui plus est par ceux qui sont candidats à la magistrature suprême.
Pour le renforcement de la vie démocratique de notre pays ne seraitil pas plus honnête et plus conforme à la dignité de la Constitution d’en tirer les conséquences en demandant aux deux candidats à la présidentielle de s’engager résolument en faveur de l’incompatibilité définitive entre les fonctions exécutives et parlementaires ? bien évidemment, ils commenceront avant toute chose par une renonciation à leur candidature aux élections législatives prochaines. Président ou Député, il faut choisir ! L’exemplarité est aussi une preuve d’amour pour le peuple. En attendant de clarifier cette situation, nous vous invitons chers(es) compatriotes de bien vouloir suivre nos regards, vous constaterez que nous sommes froids. Affaire à suivre !!!
TAKA PARLER