Je m’interroge, pourquoi tant de partis politiques qui n’ont pas été qualifiés pour le second tour de l’élection présidentielle se précipitent-ils pour nouer des alliances sans même envisager la question de l’éducation à la culture civique et démocratique du citoyen centrafricain ?
L’irresponsabilité de nombreux acteurs de la vie politique et les comportements inadmissibles des leaders politiques centrafricains ont conduit notre pays à la violence et au chaos que nous subissons aujourd’hui. J’estime qu’il est doublement urgent que nos hommes politiques se penchent véritablement sur la question de la formation des cadres et militants de leurs organisations pour une meilleure prise de conscience des droits et devoirs des citoyens.
L’éducation populaire dans ces circonstances devient l’enjeu central pour contrer l’ethnicisation de la population et la médiocrité instaurée comme système de gouvernement dans notre pays depuis des décennies. Elle Sera une opportunité pour guider nos citoyens à bannir la référence à l’ethnie dans le choix de nos gouvernants et la médiocrité qui s’est invitée dans la gouvernance de notre société. La responsabilité de chaque leader politique est ici entièrement engagée.
Nous connaissons explicitement la tournure employée par les grandes puissances pour ethniciser les ordres sociaux traditionnels dans le but de diviser. Elle consiste à s’appuyer sur une minorité pour créer des séries de conflits qui, pour la plupart des cas, aboutissent à une situation génocidaire. Pour mettre fin à toutes stratégies d’instrumentalisation, je revendique pour la nation le “droit inaliénable et imprescriptible d’instruire ses citoyens”. La refondation de la Centrafrique nécessite l’application d’un enseignement à résister à toute tentative de remise en cause du principe fondamental de notre société, du vivre ensemble, l’essence du principe de Barthélémy Boganda : “Zo kwe zo”.
La qualité des relations humaines devra donc occuper une place importante dans cette refondation. L’éducation à la citoyenneté, la formation et l’information pour s’assurer un meilleur processus démocratique doivent devenir la première préoccupation des leaders politiques centrafricains. Les faits historiques qui ont influencé la vie politique dans notre pays, Le combat historique mené par Boganda pour la libération du peuple centrafricain de la servitude et de la misère, tous les attributs de la citoyenneté : droit de vote, nécessité de payer les impôts, défense de la patrie, justice impartiale, unité, dignité, travail, devront être intégrés à l’éducation citoyenne doivent désormais être enseignés et divulgués. Ne serait-ce que pour fournir les connaissances de base nécessaires à la réflexion et à l’esprit critique. Faire comprendre aux militants la différence entre ennemi et adversaire, exiger le respect face à l’adversaire politique, etc.
L’enjeu est donc de taille, il s’agit de dépasser les dissensions du passé, de retrouver des valeurs communes, partagées, transversales aux centrafricains et qui devront servir de ciment à la construction d’une nouvelle identité stable, axée sur la défense de nos intérêts et de notre territoire. C’est un long processus qui va servir d’ancrage à l’apprentissage du vivre ensemble, à la refondation de la République centrafricaine. L’éducation citoyenne sera un élément clé du vivre ensemble, un outil qui n’a pas sens s’il n’est pas associé à des réformes institutionnelles, militaires, économiques, politiques, mais qui n’en reste pas moins primordial dans une optique de réconciliation, de dialogue, de construction, ou de refondation, d’une identité nationale.
La refondation de l’Etat centrafricain serait ainsi une contribution exceptionnelle portée par les intellectuels, les leaders politiques, les enseignants, les religieux. Ils auront ainsi l’inestimable honneur de pouvoir racheter “la trahison historique” des prédateurs qui ont participé à l’œuvre démolitions de notre pays.
La perte de repère identitaire résultant de l’exploitation outrancière de la notion de l’ethnie pour la conquête du pouvoir a détruit les liens entre notre peuple, l’enfermant sur lui-même. Le peuple centrafricain est devenu esclave des piètres politicards, véreux, égoïstes et de leurs enfants qui nous ont gouvernés. Ils ont semé la haine tribale au sein de notre population et la division dans notre pays. Le Rassemblement Démocratique Centrafricain (RDC) et le Mouvement de Libération du Peuple Centrafricain (MLPC) portent une lourde responsabilité dans la montée en puissance du phénomène ethnique. Les fractures ethniques héritées des années 1980 lors de l’instauration d’un système politique pluripartiste ont été amplifiées pendant et après l’instauration de la démocratie en 1990 en Afrique, et en Centrafrique en particulier. Le KNK et son président François BOZIZE, après avoir plongé notre pays dans une culture de la médiocrité sans précédent, ont établi le tribalisme comme mode de gouvernement et ont préparé le pays au chaos de la “selekanisation”.
Comment faire en sorte de créer une émulation, de pousser les intelligences, de créer une élite composée des meilleurs d’où qu’ils viennent pour refonder notre?
Il faut une transformation radicale de l’école et une exigence de l’éducation citoyenne, guidée par les partis politiques et centrée sur les valeurs universelles du bien, de la justice, de la liberté et de l’égalité mais aussi sur celles qui sont le résultat d’un système d’organisation démocratique de la société, où les droits de l’homme représentent des valeurs qui peuvent se transformer en comportements effectifs à travers cette éducation.
J’estime pour cela, qu’il est extrêmement urgent, que RDC et MLPC fusionnent, non seulement pour éviter de disparaître de la scène politique centrafricaine, mais aussi – pour mieux réparer les fractures ethniques héritées des années 1980 et 1990, – pour élaborer un plan d’éducation citoyenne qui aura pour but la formation et le développement chez l’individu des compétences afin de pouvoir participer d’une manière active à la vie publique (participation aux élections, interventions pour influencer les décisions politiques, défense et mise en pratique de ses droits, etc.).
Cette fusion, va initier une politique de Réconciliation nationale, et sera l’occasion de stopper la manipulation des clivages interethniques, stratégie souvent employée pour la conquête du pouvoir. Elle favorisera également la création d’une nouvelle offre politique, d’une nouvelle force politique capable de faire hisser au sommet des hommes et des femmes compétents pour une meilleure vulgarisation de l’éducation citoyenne dont le pays a tant besoin. La mise en mouvement des différentes intelligences et compétentes au sein d’un même parti politique, issues de ces deux formations, permettra d’impulser une vraie réflexion, d’interroger, de faire prendre conscience.
Cela aura pour conséquence un impact très puissant sur le symbolique et participera à faire évoluer les mentalités, les prises de positions, et donc les décisions politiques de fond. Elle sera également un outil d’alerte et d’information percutant de l’opinion nationale et internationale sur les violations des droits de l’Homme, les risques de manipulation du processus électoral, les emprisonnements arbitraires des opposants, pour dénoncer le clientélisme, le népotisme, le tribalisme, etc.
Le RDC et le MLPC ambitionnent de transformer l’ordre social, de rendre meilleure la vie des citoyens centrafricains. Tous deux ont vocation à conquérir le pouvoir d’Etat pour mettre en œuvre leurs idées et apporter des réponses aux préoccupations de la population. Messieurs Désiré BILAL KOLINGBA et Martin ZIGUELE, au lieu de se lancer des alliances nombrilistes et tacticiens pour miettes, devront saisir ce moment d’échec collectif pour faire taire leurs rivalités et imposer des choix politiques clairs et durables. Ils devront revenir à des valeurs simples, différentes de celles qu’ils ont pratiquées jusqu’ici, appelant à l’effort, à l’excellence, au rétablissement d’une échelle sociale que tous puissent gravir. Soudés après des échecs individuels, ils seront ainsi à démontrer leurs ambitions dans une nouvelle politique évocatrice d’un changement de mentalités profond pour éradiquer le tribalisme et le virus de la médiocrité.
Cette fusion, je crois, devra provoquer la construction d’une nouvelle élite permettant la mise en place d’une nouvelle identité nationale, une vraie réconciliation nationale. Cette construction relève d’un phénomène collectif, d’une éducation à la citoyenneté démocratique et aux droits de l’Homme.
Cette fusion est une exigence du futur et pourrait se faire sous forme d’un référendum ouvert aux militants et sympathisants des deux partis.
Elle sera l’œuvre la plus salutaire pour le peuple centrafricain, pour notre présent comme pour le futur de notre pays. Ce serait créer de fait un grand parti politique appelé à consolider l’unité nationale et à permettre à la société centrafricaine de s’émanciper.
Martial ADOUMBOU