Des vendeurs chrétiens approvisionnent les musulmans cantonnés au KM5 à Bangui toujours menacés par la milice chrétienne
Chaque matin, des vendeurs de confession chrétienne, majoritairement des femmes, approvisionnent en nourriture les musulmans cantonnés au KM5 à Bangui et pris pour cible par la milice chrétienne anti-Balaka. «Je viens au quartier musulman depuis le début de la crise en Centrafrique pour vendre des feuilles de manioc (plat traditionnel en RCA) aux musulmans et je n’ai aucun problème à faire ça», témoigne Nancy, une vendeuse chrétienne qui habite à proximité de l’aéroport international de Bangui, M’poko.
Pour Ibrahima, musulman d’origine sénégalaise qui n’a jamais mis les pieds hors de Bangui, « l’entente entre vendeurs chrétiens et population musulmane du KM5 est relativement bonne ». « Les chrétiens viennent tout le temps ici pour nous vendre leurs articles et marchandises. Nous ne les agressons pas. En revanche, parfois, ils leur arrivent de nous voler dans nos magasins au KM5 », nuance Ibrahima. « Les vendeurs viennent et repartent quand ils veulent dans nos quartiers alors qu’un musulman n’a pas le droit de se déplacer dans les quartiers chrétiens » observe-t-il.
Gipsy, vendeuse de coco, ne craint pas le KM5, même si elle avoue avoir vu plusieurs personnes, dont les vendeurs chrétiens, se faire agresser, frapper, lyncher au KM5 par des anti-Balaka et que, plus d’une fois elle a dû laisser sa marchandise par terre et s’enfuir, pour revenir quelques heures plus tard, rapporte-t-elle. Il y a tout de même plus de sécurité qu’avant au KM5, a-t-elle estimé.
Certains chrétiens et musulmans cohabitent encore ensemble malgré les nombreuses violences interconfessionnelles qui ont secoué le KM5 depuis décembre dernier. Benfoui Armene, jeune chrétien, vit au KM5 où il se « sent bien », où « aucun musulman ne le provoque » puisqu’il est « né avec eux, a grandi avec eux et vit avec eux ». De même, certains musulmans entretiennent une relation fraternelle avec des chrétiens à l’instar de Khalil, jeune musulman de 25 ans, qui, chaque soir, dine en compagnie de Armin et Patrick, deux chrétiens du quartier. « Dans l’islam, Dieu nous a demandé de ne pas nous haïr. Nous appliquons cela malgré tout ce que nous avons vécu », explique le jeune homme. « Quand tu grandis avec quelqu’un, tu ne peux pas l’abandonner, surtout pas pour une identité religieuse. Patrick est chrétien et ses amis musulmans », détaille Khalil. «C’est lui qui fait nos courses en ville, dans les lieux où, nous musulmans, nous ne pouvons pas accéder. Il est plus qu’un ami, c’est un frère, nous avons confiance en lui et nous lui donnons d’ailleurs des sommes d’argent importantes pour qu’ils les envoient à nos familles dans l’arrière-pays», a-t-il ajouté.