Les Centrafricains sont appelés aux urnes ce dimanche 14 février pour le second tour de la présidentielle. Dans les starting-blocks, Anicet Georges Dologuélé, ancien Premier ministre de Ange Félix Patassé et Faustin Archange Touadéra, ancien chef du gouvernement de François Bozizé. Chacun d’eux entend remporter le duel. En rappel, la République centrafricaine (RCA) est plongée depuis deux ans, dans une crise des plus meurtrières. La transition politique conduite par Catherine Samba-Panza, a dû, à maintes reprises, reporter les élections devant permettre au pays d’amorcer une sortie de crise. Sur bien des plans, le pays a touché le fond et un sursaut d’honneur de son peuple était indispensable pour la survie même de ce pays. Les choses semblent en bonne voie. Le premier tour de la présidentielle tenue le 30 décembre 2015, malgré les erreurs techniques enregistrées, s’est bien déroulé dans l’ensemble. Même les candidats malheureux ont, nonobstant quelques protestations, fini par faire contre mauvaise fortune bon cœur. C’est tout à leur honneur. Leur attitude permet au pays d’éviter d’ajouter une crise à la crise et de poursuivre sa longue marche vers la lumière d’une gouvernance démocratique.
Le scrutin de dimanche est des plus importants pour l’avenir de la RCA
La crise militaro-politique, faut-il le rappeler, a plongé le pays dans la précarité et dans l’insécurité des plus chroniques. Les violences intercommunautaires qui ont fait de nombreuses pertes en vies humaines et de nombreux déplacés, sont la matérialisation de la grave fracture au sein des populations. Cette fracture étant symbolisée par les deux camps ennemis que sont les anti-balaka, milices chrétiennes pro-Bozizé et les combattants de l’ex-rébellion de Michel Djotodia, la Séléka. Le défi qui attend le futur dirigeant est des plus immenses. Le pays étant si gravement malade, il urge d’agir. Mais qui pour relever ce grand grabataire ? Le peuple centrafricain bien sûr, devra retrousser ses manches et se mettre au travail. Mais, l’immensité de la tâche fait qu’il lui faut un leader de taille pour conduire, mettre en harmonie tous les efforts. Le scrutin de dimanche est donc des plus importants pour l’avenir de la RCA. Des deux candidats en lice, il revient aux électeurs de choisir celui qu’ils estiment avoir les épaules suffisamment larges et solides pour porter avec efficacité le fardeau de la relance du pays. Les prétendants au trône que sont Anicet Georges Dologuélé et Faustin Archange Touadéra, ont, chacun, fait la cour au peuple et noué des alliances avec les perdants du premier tour. La campagne s’est déroulée dans le calme, comme ce fut le cas au premier tour du scrutin. Le peuple centrafricain peut s’en féliciter. A lui de se mobiliser maintenant pour participer massivement, à l’instar de ce qu’il a fait au premier tour, à ce scrutin censé tourner la page de la Transition. Le calme qui a jusque-là prévalu augure de perspectives heureuses et est d’autant plus un motif légitime de satisfaction que l’on avait des raisons de redouter le pire au cours de ces élections. L’insécurité dans le pays avait atteint un tel niveau qu’on pouvait craindre que les élections soient éclaboussées, voire remises en cause par des violences. Mais, déjouant les scenarii pessimistes, les Centrafricains, dans leur ensemble, ont jusque-là pris le parti de la responsabilité, du patriotisme. Les acteurs ont visiblement mûri. Ils ont probablement compris que c’est la survie même de leur pays qui était en jeu. C’est certainement ce qui a conduit les autorités de la Transition qui semblaient traîner les pieds, à se décider, malgré les risques sécuritaires ambiants, d’aller enfin à ces élections. C’est peut-être aussi ce qui justifie le fait que des poids lourds de la scène politique centrafricaine comme Martin Ziguélé, malgré leurs récriminations concernant l’organisation du scrutin suite à leur échec au premier tour, n’ont pas trop tiré sur la corde. Tout le monde est visiblement conscient qu’il urge de remettre le pays en selle. Certes, ce réveil des Centrafricains est dû en partie à la pression des partenaires du pays qui montraient de plus en plus des signes de lassitude et d’impatience. Mais, il se justifie probablement aussi par une prise de conscience plus ou moins générale. Chacun a dû se rendre à l’évidence qu’il joue la survie de son pays en tant qu’Etat uni, stable et viable.
Il ne faut donner prétexte à personne pour replonger le pays dans le chaos
Le fait que les deux candidats ont été exhortés par la présidente de la Transition à privilégier l’intérêt général du pays, a certainement contribué à maintenir le caractère apaisé de la campagne électorale au second tour. Il y a également que les deux finalistes n’ont pas été directement mêlés à la crise qui secoue leur pays, ce qui est certainement une preuve de leur sens de la retenue, mais aussi, de leur capacité à fédérer les différents camps. En effet, chacun de ces candidats a fait l’effort de prôner le vivre-ensemble entre populations chrétiennes et musulmanes. Ce qui est essentiel à la réconciliation nationale et au renouveau tant souhaité de la Centrafrique. En tout cas, il faut espérer que cette campagne apaisée ne soit pas le calme avant la tempête. Pour ce faire, il faudra que les résultats du second tour soient acceptés par toutes les parties, surtout par celle du candidat qui sera perdant. Et pour décupler les chances de l’acceptation de ces résultats, il importe que le scrutin soit le plus transparent possible. Il faut espérer pour ce faire, que l’Autorité nationale des élections (ANE), à la lumière des nombreuses erreurs techniques constatées au premier tour, revoie sa copie. En effet, même si la présidentielle est jusque-là sur de bons rails et qu’on s’en félicite, l’arbre ne doit pas cacher la forêt. Il y a eu bien des dysfonctionnements, une mauvaise organisation du premier tour de la présidentielle et des élections législatives centrafricaines. Cette mauvaise organisation a d’ailleurs fait le lit de certaines contestations qui se sont heureusement vite calmées. L’un des défis majeurs donc de l’ANE, c’est de gommer toutes les scories constatées au premier tour, en tout cas le maximum possible, pour des élections crédibles ce dimanche. Il ne faut donner prétexte à personne pour replonger le pays dans le chaos. Si cela est fait comme il se doit, il ne restera plus au candidat perdant que de féliciter le vainqueur. C’est à ce prix que la RCA pourra éviter de réveiller les démons du passé. L’ANE a eu le temps de rectifier le tir dans l’entre-deux tours et on peut espérer de ce fait, plus de professionnalisme de sa part lors de ce second tour. En ce qui concerne les deux candidats, tout le mal qu’on puisse leur souhaiter, c’est de réussir. Mais comme il est évident qu’il n’y aura qu’un seul président élu, il reviendra au perdant de faire preuve d’élégance, de fair play et au vainqueur d’avoir le triomphe modeste. Tout cela, au nom de l’intérêt bien compris de la RCA. Ceci dit, aux urnes donc citoyens centrafricains, et que le meilleur gagne !