BANGUI - Les électeurs centrafricains se rendent aux urnes dimanche pour départager les ex-Premiers ministres Anicet Georges Dologuelé et Faustin Archange Touadéra, arrivés en tête du premier tour d'un scrutin présidentiel crucial censé mettre un terme à la transition politique dirigée par Catherine Samba-Panza et surtout à trois ans de violences sans précédent.
Le début du second tour a commencé à Bangui avec de légers retards dans différents bureaux pour problèmes techniques, mais sans incidents violents. Le correspondent de Xinhua sur place a constaté une affluence moins importante par rapport au premier tour il y a un mois et demi.
Le 30 décembre, 30 candidats avaient pris part à cette compétition couplée aux législatives, mais aucun d'eux n'avait pu obtenir la majorité des suffrages nécessaire pour pouvoir être déclaré élu, selon les résultats définitifs proclamés par la Cour constitutionnelle centrafricaine fin janvier à Bangui.
Candidat de l'Union pour le renouveau centrafricain (URCA, sa propre formation créée en 2013), l'économiste et banquier Anicet Georges Dologuelé, ex-chef du gouvernement sous Ange Félix Patassé et ex-président de la Banque de développement des Etats de l'Afrique centrale (BDEAC), s'était classé premier avec 23,74% des voix, confirmant les prédictions des sondages.
A la deuxième position avec 19,05% des voix, l'ancien recteur de l'Université de Bangui et professeur de mathématiques pures Faustin Archange Touadéra, dernier Premier ministre de François Bozizé avant la prise du pouvoir de l'ex-coalition rebelle de la Séléka le 24 mars 2013 à Bangui, avait créé la surprise en déjouant ces pronostics qui avaient eu tort de le ranger parmi les outsiders.
Très attendu pour son grand enjeu consistant à faire tourner la page de trois ans de chaos sécuritaire et humanitaire puis de recul économique dus à ce putsch condamné par la communauté internationale, ce scrutin avait été émaillé de graves couacs organisationnels qui avaient entaché sa régularité et entraîné de nombreux recours en annulation auprès de la Cour constitutionnelle.
Bien qu'ayant débouté les requises portées à son examen, cette institution s'était cependant prononcée pour l'annulation des législatives, reprogrammées pour ce même 14 février 2016 retenu pour la bataille finale pour la présidence opposant Dologuelé et à l'ex-2e vice-président du Kwa na kwa (KNK), le parti de Bozizé, qui a choisi de se présenter en candidat indépendant.
Cette confrontation était initialement prévue le 31 janvier. Elle avait été reportée en raison de la proclamation des résultats du premier tour intervenue six jours seulement auparavant.
Mais tout comme le rendez-vous précédent repoussé aussi à la dernière minute de trois jours, du 27 au 30 décembre, et qui avait enregistré un taux de participation de 62,57%, soit 1.122.956 votant sur 1.954.433 électeurs inscrits, la campagne électorale clôturée vendredi après avoir été lancée le 6 février s'est déroulée dans un climat apaisé.
C'était déjà le cas aussi du référendum qui, lui, avait mobilisé seulement 38% de l'électorat le 13 décembre pour l'approbation presque par plébiscite (93% de « oui ») d'une nouvelle Constitution limitant à deux et à une durée de cinq ans le nombre des mandats présidentiels.
L'accroissement observé du taux de participation démontre l'intérêt du peuple centrafricain pour ces consultations populaires sur lesquelles ils fondent des espoirs d'un retour à une paix durable, après une évolution d'environ trente ans de l'histoire ponctuée de coups d'Etat et de rébellions.
Les deux camps en compétition pour le second tour de la présidentielle s'accusent toutefois mutuellement d'avoir organisé des fraudes. Pour faire prévaloir un climat de confiance, une réunion de mise au point a rassemblé leurs représentants, les dirigeants de l'Autorité nationale des élections (ANE), et les partenaires au développement placés sous la conduite de la Mission
multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en Centrafrique (MINUSCA).
C'est à cette entité opérationnelle depuis septembre 2014 dans ce pays pauvre et enclavé d'Afrique centrale qu'incombe la responsabilité de la sécurisation du processus électoral et de l'acheminement du matériel électoral vers les centres et les bureaux de vote, depuis la tenue du référendum du 13 décembre.
Deux personnalités de tempérament pondéré mais aux trajectoires distinctes, Anicet Georges Dologuelé et le Pr. Faustin Archange Touadéra incarnent chacun pour ses partisans l'espoir d'un renouveau en Centrafrique.
Le premier, qui occupe le même rang sur le bulletin de votre unique, a reçu dès le premier tour le soutien du KNK de Bozizé et par la suite de Désiré Nzanga Bilal Kolingba, fils de l'ancien président putschiste et général d'armée André Kolingba, arrivé en troisième position au premier tour avec 12,04% des voix.
Il a mis en jeu d'importants financiers pour sa campagne, qui avait parfois les allures d'une campagne à l'américaine, avec le recours à un jet privé pour ses déplacements avec de la rencontre avec les Centrafricains de l'intérieur du pays.
L'apothéose, agrémentée par un spectacle musical animé par la star congolaise JN Mpiana, a eu lieu vendredi après-midi au stade dit de 20.000 places de Bangui, qui comptait parmi les quelques milliers de partisans et sympathisants rassemblés des jeunes n'ayant pas encore l'âge électoral fixé à 18 ans, ce qui ne permettait pas de se faire une idée précise sur sa réelle capacité de mobilisation.
A l'opposé, Touadéra s'est réduit à faire une campagne "sans moyens", selon les dires de son entourage. Comptant s'appuyer sur son "bilan positif" pour ses cinq ans à la tête du gouvernement de 2008 à 2013, contre 1999 à 2001 pour son adversaire, il bénéficie quant à lui du ralliement d'un collectif de vingt-deux recalés du premier tour.
Par Raphaël MVOGO, envoyé spécial à Bangui