Hier encore, les Centrafricains se sont rendus aux urnes à l’occasion et du second tour de la présidentielle, et du premier tour des législatives ; le premier tour des députations couplées à la présidentielle du 30 décembre dernier ayant été invalidé par la Cour constitutionnelle : pour irrégularités diverses dues, entre autres, à l’inorganisation ; hier encore, car avant cela, il y a eu le référendum constitutionnel et les législatives/présidentielle du 30.
Etant donné les cafouillages et les nombreux ratés lors de ces scrutins, Catherine Samba Banza avait eu beau essayer, comme elle pouvait, de rassurer les uns et les autres quant à la bonne organisation de ces scrutins du dimanche 14 février, on croisait les doigts, attendant de voir comment les choses se dérouleraient.
Pour en revenir à la présidentielle, disons que la finale a opposé le « monsieur propre » de l’économie, Anicet Georges Dologuélé (23,78% des voix au 1er tour), soutenu par le parti Kwa Na Kwa de Bozizé et par Désiré Kolingba, arrivé 3e avec 12,04%, au « bosseur » Faustin-Archange Touadera (19,42%), appuyé par 21 des 30 candidats au premier tour dont Martin Ziguélé, 4e avec 11,43% des suffrages au premier round.
Sans doute le plus connu des deux en Centrafrique, Anicet Dologuélé a acquis sa réputation de « monsieur propre » par sa gestion rigoureuse, dit-on, des affaires quand il était Premier ministre de Patassé entre 1999 et 2001, et pour avoir engagé la réfection d’édifices publics, notamment scolaires. Convaincu que les crises répétitives qui secouent son pays s’expliquent surtout par l’extrême pauvreté des habitants, il fait du développement économique son cheval de bataille avec comme priorité : rétablir la sécurité et la justice pour attirer les investisseurs privés et favoriser la création d’emplois. Il a fondé l’Union pour le renouveau centrafricain en 2013.
Quant à son challenger, Faustin-Archange Touadéra, dernier Premier ministre de Bozizé (2008-2013), ce serait à la surprise générale qu’il a été 2e des 30 candidats en lice en décembre.
« Ses très bons scores enregistrés dans les fiefs bozizistes lui ont valu le surnom de candidat du peuple », estime-t-on. Les fonctionnaires lui doivent la bancarisation de leurs salaires et le payement de primes longtemps dues. Il a conduit à Bangui le dialogue qui a abouti en 2008 à des accords de paix entre le pouvoir et la rébellion. Bosseur, il n’a cessé durant sa primature d’enseigner.
Agés de 58 ans, ces deux ex-Premiers ministres, qui ont donc l’expérience que requiert la fonction présidentielle, réputés être des besogneux discrets, ont achevé leur campagne vendredi en promettant de mettre fin aux trois années de violences ethniques et religieuses ; un défi de taille en Centrafrique, estiment les observateurs.
Le report des voix n’étant pas automatique, bien malin celui qui a pu prédire l’issue du second tour.
Quel que soit l’heureux du second tour, si la fonction présidentielle intéresse la classe politique, la population, elle, est préoccupée par la sécurité, la paix et la survie.
L’enjeu de cette présidentielle est que si elle faisait flop, les Centrafricains étaient partis pour la prolongation d’une Transition sans fin dont tout le monde est fatigué ; heureusement, le matériel électoral a été acheminé à temps et il n’y a pas eu de violence, même si peu des 2 000 000 d’électeurs s’étaient rendus aux urnes à17 h TU ; les bureaux de vote avaient commencé à fermer à16 h TU. Le taux de participation n’était pas connu quand nous bouclions ; tout juste savions-nous que l’affluence du 14 février n’avait rien à voir avec celle du premier tour, où la fermeture des bureaux de vote avait dû être retardée pour permettre à tous de voter. L’organisation réussie, le calme et l’absence de violence ont fait qualifier ces élections de tournant.
Ah-Assane Rouamba