Deuxième au premier tour avec 19,05% des voix, Faustin Archange Touadéra, rejoint par 22 perdants, devance son adversaire Anicet Georges Dologuelé dans les premières tendances des résultats en cours de compilation du second tour de la présidentielle tenu dans le calme dimanche 14 février 2016 en République centrafricaine (RCA).
Presque trois ans après la prise du pouvoir le 24 mars 2013 à Bangui de Michel Djotodia et sa coalition rebelle de la Séléka, au terme de trois mois d’offensive contre le régime de François Bozizé, quelque 1,9 million d’électeurs centrafricains étaient appelés aux urnes pour élire leur futur président pour les cinq ans à venir et tourner la page de la spirale de violences provoquée par cette crise.
Deux anciens Premiers ministres, l’économiste Anicet Georges Dologuelé, arrivé en tête du premier tour le 30 décembre avec 23,74% des voix, et l’universitaire Faustin Archange Touadéra, son challengeur, se présentaient pour la fois à cette compétition, avec des programmes politiques mettant l’accent l’un et l’autre sur ce défi crucial de restauration de la paix et de la sécurité dans le pays.
Ouvert avec quelques retards dans certains bureaux de vote, le scrutin s’est déroulé comme le précédent dans un climat globalement apaisé tant dans la capitale Bangui que dans le reste du territoire centrafricain, sous surveillance renforcée des Casques bleus de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en Centrafrique (MINUSCA).
Il était couplé au premier tour des législatives, invalidées par la Cour constitutionnelle suite à un constat de graves irrégularités.
Timide au départ, la participation des électeurs (62,57% au premier tour, selon les chiffrés officiels proclamés par la Cour constitutionnelle), s’est améliorée par la suite.
En raison des coupures d’électricité récurrentes dans ce pays pauvre et enclavé d’Afrique centrale, le dépouillement effectué aussitôt après la fermeture des bureaux vote s’est révélé encore une fois fastidieux, imposant l’utilisation de lampes solaires et de bougies, y compris dans la capitale.
D’après les premières tendances brutes recueillies dans plusieurs bureaux de vote de Bangui et d’autres grandes villes du pays, Faustin Archange Touadéra se démarque au détriment de son adversaire, dans certains cas avec une avance aux allures de raz-de-marée.
C’est le cas des résultats des urnes enregistrés dans le centre de vote du lycée Barthélémy Boganda, dans le 4e arrondissement de Bangui, son principal fief. Sur les 309 votants du bureau de vote numéro 5 par exemple, il s’impose avec 90,56% des suffrages exprimés, contre 9,44% pour son concurrent.
La même tendance s’observe au bureau de vote numéro 6, où l’ancien Premier ministre de François Bozizé (2008-2013), qui se présentait en candidat indépendant, sans s’appuyer sur le Kwa na kwa (KNK), le parti de celui-ci qui avait plutôt conclu un accord politique au premier tour avec Dologuelé, est aussi crédité de 89,79%, et 85,97% au bureau numéro 3.
Cette photographie est révélatrice de l’étendue de la victoire qui se profile pour l’ancien recteur de l’Université de Bangui et professeur de mathématiques pures, commentent des responsables de missions d’observation électorale missionnés par de grandes organisations internationales.
Un fait qui retient l’attention, dans le bureau de vote de l’Hôtel de ville de Bangui où son rival a voté, Touadéra l’emporte avec 172 votes, contre 131 pour celui-ci, sur un total de 303 votants.
C’est un bureau de vote du 1er arrondissement de la capitale centrafricaine. Pourtant lieu de résidence d’Anicet Georges Dologuelé, cette circonscription électorale fait partie de celles où l’ancien deuxième-vice-président du KNK fait le plein de voix dans cette ville.
Les résultats non officiels obtenus dans les deux bureaux de vote de l’école d’excellence Centrafrique-Chine le démontrent aussi : 182 votes dans le bureau de vote numéro 1, contre 126 pour Dologuelé sur 315 votants, et 150 dans le deuxième, contre 87 pour l’ancien Premier ministre d’Ange-Félix Patassé.
En attendant la publication des résultats provisoires par l’Autorité nationale des élections (ANE) qui continuent d’être compilés, Touadéra est aussi annoncé largement en tête à Bouar, principale ville du département de Nana-Mambéré (Centre), avec un score de 7.476 votes, contre 3.832 pour son rival.
A Yaloké, dans la Sanga-Bayéré (Est), il recueille 5.573 votes, contre 1.474 pour Dologuelé, puis 1.674 contre 1.077 pour celui-ci à Bayanga, dans la même région. A Obo, dans le Haut-Mbomou, il récolte 6.029 suffrages, contre 2.702 pour son adversaire.
A Bangassou, dans le Mbomou, il est crédité de 3.403 votes, contre 1.738 pour le leader de l’Union pour le renouveau centrafricain (URCA, formation créée en 2013), qui s’incline aussi à Berbérati, dans le Mambéré-Kadey, avec 4.800 votes, contre 7.597 pour celui que ses partisans n’hésitent plus à désigner comme « le futur président de la Centrafrique ».
Autre ville du Mambéré-Kadey, Sosso-Nakombo a choisi d’accorder ses faveurs à Touadéra, par 1.692 votes, contre 1.271 à Dologuelé.
Dans le camp de l’ancien chef du gouvernement, l’on se refuse à toute réaction triomphaliste, pour savourer la victoire visiblement à portée de main, qui avait déjà provoqué des scènes de liesse populaire de ses partisans dimanche soir à Fatima, un quartier du 5e arrondissement de Bangui.
Car, a souligné à Xinhua Charles Lemasset Mandya, son directeur de communication, le pays a besoin d’unité, de paix et de sécurité, des défis qui nécessitent selon lui la participation de « tous les fils et filles ». « C’est dans cet état d’esprit que va s’inscrire le futur président Touadéra pour permettre le décollage ».
« Les Centrafricains veulent définitivement tourner la page. Ils veulent que ça change, quel que soit le prix. Ils reconnaissent un leader charismatique qui peut prendre l’avenir du pays. Ce n’est ni une question politique, ni une question ethnique, mais une question d’éthique et de valeurs. C’est ça qui a joué en notre faveur », a-t-il expliqué.
Si les tendances annoncées venaient à se confirmer, Faustin Archange Touadéra devra encore attendre plusieurs jours pour être déclaré élu, d’abord par les résultats provisoires publiés par l’ANE, ensuite par les résultats définitifs proclamés par la Cour constitutionnelle.
Ce sera la fin d’un cycle électoral entamé par la tenue d’un référendum pour l’adoption d’une nouvelle Constitution le 13 décembre, suivi deux semaines plus tard du premier tour de l’élection présidentielle et des législatives, avec pour finalité de tourner la page de trois ans de violences, où des milliers de Centrafricains ont été tués et des centaines de milliers d’autres poussés hors de chez eux.