Depuis le mardi 16 février 2016 après-midi, l’Autorité Nationale des Élections a commencé à égrener sur les ondes de la radio, les résultats du deuxième tour de l’élection présidentielle en Centrafrique.
Si les premiers résultats qui ont été publiés laissaient entrevoir un suspens insoutenable pendant lequel personne ne pouvait donner le moindre pronostic, ce suspens n’aura été qu’un véritable feu de paille tant les chiffres qui vont suivre après près de deux heures de livraison, commençaient à dévoiler un déséquilibre notoire, en faveur du candidat Touadéra dont les résultats ne quittaient plus la zone des centaines de voix, quand ceux de Doléguélé se plafonnaient dans les dizaines.
Comment peut-on comprendre un tel déséquilibre ?
1- Le jeu des ralliements : les résultats du premier tour ont permis aux candidats battus de se ranger derrière l’un ou l’autre des candidats en lice. A ce jeu, Touadéra a réussi à aligner derrière lui un plus grand nombre de candidats malchanceux, et les sympathisants de ces chefs de file n’ont pas manqué de suivre leurs mentors dans leur ralliement.
2 – Le débat d’entre les deux tours : Si certains observateurs ont vu une petite avance en faveur de Doléguélé dans le traitement des dossiers économiques, il faut reconnaître que ce débat, bien qu’incontournable pour donner un vrai tournant à la campagne, n’a pas pesé lourd dans le choix des électeurs. Certainement très peu de monde l’a suivi en direct et la plupart ont pu l’écouter beaucoup plus tard.
3 – La qualité de la campagne : une campagne bien faite ne se limite pas seulement à faire un périple complet du pays, pour montrer au peuple qu’on va à sa rencontre. Il y a des mots qu’il ne faut pas prononcer, des gestes qu’il ne faut pas faire, des attitudes à éviter. Cela suppose la connaissance du terrain et des hommes, cela suppose la présence permanente et efficace d’une cellule de base du parti ou des soutiens dans les régions visitées pendant la campagne.
4 – L’humilité : Pour être avec le peuple, il faut être comme le peuple. La fonction présidentielle est un facteur qui différencie l’homme de son peuple, de par la fonction, mais la qualité humaine doit prévaloir pour continuer à entretenir la confiance avec les concitoyens. Parler de ses biens personnels juste pour montrer qu’on vit dans le confort est une erreur à éviter et cela a compté pour beaucoup dans le désamour que le peuple peut manifester à l’égard de celui qui se livre à ce genre d’exercice.
5 – Les États-majors des candidats : la réussite ou l’échec d’un candidat est un résultat partagé avec ceux qui l’entourent. L’arrogance des uns est un facteur destructeur pour le candidat car le but d’une campagne, c’est de chercher à convaincre, y compris l’adversaire. Et convaincre, ce n’est pas parler plus fort que l’autre, employer des mots plus « grossiers » que l’autre, être plus pédant que l’autre.
6 – L’histoire : Faire une campagne sans tenir compte de l’histoire est une aberration, surtout quand on oublie l’histoire récente du pays, qui a été traversée par une crise épouvantable. Ne pas faire confiance à son peuple pour s’appuyer sur des forces extérieures peut se révéler un vrai boomerang qui risque bien de revenir en force, pour frapper l’envoyeur, arroser l’arroseur comme on dit communément.
En tout cas, cette campagne de deuxième tour nous aura appris beaucoup de choses et sera certainement d’anthologie pour ceux qui se préparent à affronter à l’avenir le suffrage du peuple. Les résultats qui se profilent sont bien l’expression de la volonté populaire et au vu des six remarques faites ci-dessus, il n’y aura pas de surprise à l’arrivée. L’humilité de Touadéra et la popularité qu’il a de par sa vocation, ont été des facteurs déterminants dans le choix du peuple. Les erreurs commises par le camp de Doléguélé dans la dernière ligne droite de la campagne ont été préjudiciables au candidat. A eux d’en tenir compte pour l’avenir.
Que la sagesse anime nos hommes politiques de tous bords, pour permettre au pays de retrouver toute la sérénité dont il a besoin et faire qu’il soit gouverné de la manière que souhaite le peuple.
Que Dieu bénisse le Centrafrique et son peuple.
Adolphe PAKOUA