Inconnu du grand public, du moins à l’extérieur de son pays, Faustin Archange Touadera a créé la surprise lors du premier tour de l’élection présidentielle centrafricaine tenu le 30 décembre 2015. En se hissant à la deuxième place, avec 19,42 % des voix, derrière Anicet Georges Dologuelé, l’un des favoris de ce scrutin, le dernier Premier ministre (2008-2012) de l’ex-président François Bozize a été élu au deuxième tour, le 14 février dernier, avec un score honorable de plus de 62, 69 %. Avec une telle avance sur son challenger, il n’a immédiatement pas de souci à se faire pour asseoir sa légitimité accordée par les urnes, et donc ses compatriotes.
Comme dans ce genre de circonstances particulières où un candidat à une élection majeure réalise son rêve de commander ses compatriotes au plus haut sommet de l’Etat, les premiers mots du nouveau président centrafricain ont pris leur source dans son engagement à servir son pays : « Centrafricains de toutes les régions, de toutes les religions, des différents statuts sociaux, de tous les secteurs d’activités, de toutes les générations, nous allons transformer notre pays en un vaste chantier offrant des opportunités d’emplois aux jeunes, créant des richesses pouvant être redistribuables de manière équitable ».
Crédité d’un préjugé favorable hérité de son passage à la Primature, lorsqu’il réussit, entre autres, à rétablir le payement régulier du salaire des fonctionnaires, Faustin Archange Touadera est conscient des défis qui l’attendent : « il reste le plus dur à faire, la reconstruction du pays dans l’unité, la paix pour un développement durable », assurait-il toujours dans ses premières déclarations. En réalité la question principale qu’il faudrait se poser au sujet du nouveau président de Centrafrique est celle de savoir s’il aura les mains libres pour mener à bien sa mission.
Dans la situation actuelle de la Centrafrique, minée par une crise de plusieurs années, ce ne seront pas seulement les moyens financiers qu’il faudra mobiliser pour redémarrer. Ce seront en même temps les ressources humaines. La Centrafrique est un pays qui regorge de cadres dans divers domaines. Chacun sait néanmoins combien Touadera a bénéficié du soutien de la plupart des candidats recalés au premier tour pour l’emporter haut-la-main au second. Il lui faudra arbitrer avec tact au moment disons-le de façon triviale, du « partage du gâteau ». En se rappelant toujours le constat de Napoléon « Toutes les fois que je donne une place vacante, je fais un ingrat et cent mécontents ».
Et ce n’est pas parler en l’air que de dire que la première mise en route du programme de Faustin Archange Touadera sera de savoir opérer le choix des hommes et des femmes qui l’accompagneront dans l’exaltante mission de redonner à la Centrafrique la place qui lui revient dans le concert des Nations : administration publique, forces de défense et de sécurité, justice, autant de grands corps de l’Etat asséchés par la crise qui auront besoin chacun de bon coup de fouet pour restaurer l’autorité de l’Etat. Pour réussir les amis qui lui ont apporté des voix et attendent en retour des strapontins doivent avoir à l’esprit que leur pays a besoin de « soins intensifs » pour reprendre souffle.
En famille, quand on est en présence d’un grand malade on se ressoude les coudes pour le sauver, on ne commet pas l’irresponsabilité de se diviser pour signer son arrêt de mort. Riche de son sol, de son sous-sol et des énergies de ses filles et fils, la Centrafrique est en mesure de relever les défis de son développement et elle peut pour cela aussi compter sur l’appui de ses voisins de la sous-région d’Afrique centrale qui ne l’ont pas abandonnée pendant les moments d’incertitude.
C’est peut-être ce message de solidarité que le nouveau chef de l’Etat du pays de Barthelemy Boganda a échangé avec ses homologues Obiang Nguema Mbasogo, de Guinée Equatoriale, Idriss Deby Itno, du Tchad, et Denis Sassou N’Guesso du Congo qui a assuré la médiation dans la crise qui a secoué la Centrafrique pendant beaucoup trop longtemps. Sans doute poursuivra-t-il ses voyages de prise de contacts dans les autres pays de la sous-région avant de regarder plus loin, chez les partenaires extérieurs à la CEMAC.
Gankama N’Siah