N’DJAMENA — La campagne électorale pour la présidentielle tchadienne du 10 avril prochain a démarré dimanche dans un climat houleux de crise profonde dans le pays, mais avec un Idriss Deby Itno remonté comme un coucou, plus matamore que jamais, promettant lors de son premier meeting de gagner dès le premier tour par K.O.
PROPRE COMME UN SOU NEUF
A l’en croire, ses 26 ans au pouvoir d’un dirigisme absolu ne l’ont pas épuisé, ni encore moins la vague de contestation dans le pays lui suggérant véhémentement de s’en aller. Deby n’en a cure, il veut se renouveler encore au pouvoir, fort d’une Constitution faite à sa main, ne limitant pas le nombre des mandats présidentiels.
Pour son entrée en campagne Dimanche, le président Idriss Déby Itno a opté pour la Place de la Nation à N’Djamena, “une place symbole de la paix consolidée, de la stabilité retrouvée, de l’unité nationale fortifiée et de l’espoir” déclarait-il.
Et durant ce premier grand meeting, vêtu d’un grand boubou brodé blanc, sa canne à la main, il a déclaré entre autres choses :
“Nous avons un programme politique et nous avons des acquis. Nous avons aujourd’hui un pays stable, un pays en paix, un pays tourné vers l’émergence”, ce qui compléta-t’il ne peut que l’amener à battre ses adversaires dans un “premier tour K.O.”
Et d’égrener des promesses que jusque là il n’a jamais tenues, rasant gratis.
Pêle-mêle, de s’engager à fournir “l’accès à l’eau, à la santé de qualité, au logement décent pour tous.”
“La lutte contre la pauvreté sera au coeur de mon action”, “des routes, des chemins de fer et des édifices publics seront construit au cours du prochain quinquennat”.
Et dédaignant ses opposants :
“ils n’ont pas de programme politique”. Signifiant que lui en a un.
Mais selon certains, dont le confrère Eric Topona, la confiance en lui-même de Deby ne serait que de façade, car, citons le confrère, vendredi dernier, au siège du MPS, son parti, le Mouvement patriotique du Salut, il aurait affiché devant les militants présents, ses craintes et ses doutes pour le futur proche.
« Si je coule au soir du 10 avril, vous allez tous voir », « Les informations qui me parviennent de tout le pays ne sont pas bonnes. Il faudra que vous changiez de stratégie pour faire renverser la tendance. Ce ne sont pas les bureaux de soutien, crées tous azimuts qui vont voter. Faites-tout, en tout cas pour que je remporte cette élection dès le 1er tour »
LA CONSTITUTION ? QUELLE CONSTITUTION ?
Sujet maintes fois évoqué par ses opposants, il ne pouvait l’éviter.
“La constitution tchadienne me donne le droit de me présenter, pourquoi la société civile s’y oppose ?”, et d’ironiser : “S’ils n’ont rien à faire, qu’ils dorment.”
LA SOCIETE CIVILE TOUJOURS TRES REMONTEE
Les effets de manche du président n’ont pas vraiment déstabilisé ni découragé les mouvements de grogne sociale dans le pays, bien au contraire, à commencer par le plus virulent, “IYINA” (“on est fatigués”) qui prévoit dès Mardi, demain, de faire une marche pacifique pour protester contre sa candidature de nouveau à la présidence.
Mais le pouvoir verrouille, car dès Samedi, Ahmat Mahamat Bachir le ministre de la Sécurité publique et de l’Immigration annonçait sur les ondes nationales l’interdiction “pure et simple” de “toute manifestation publique qui sort du cadre de la campagne électorale. [..] Ne sont autorisées, pendant cette période de campagne électorale, que les manifestations des candidats aux élections présidentielles”.
Pourtant, difficile de passer sous silence le mouvement des lycéens du 15 février, suite au viol d’une adolescente par des fils de dignitaires. La police a violemment réagi contre, deux lycéens seront tués par cette même police durant la manifestation.
Enfin, enjeu de cette élection présidentielle, un cinquième mandat pour le président Deby, en place suite à un putsch en 1990. Il aura en face de lui 13 candidats, dont certains de déjà annoncer :
“C’est certain que pour annoncer les résultats des urnes par avance, c’est qu’il les connait déjà !”